Le caveau funéraire d’Auvernier (^ semble bien appartenir à la peuplade
qui habitait le palafitte voisin. Cette chambre sépulcrale à doubles
parois en pierres brutes, logeant quinze à vingt squelettes, enfermait
un mobilier bien pauvre, neuf pièces seulement, pierre néolithique,
euivre et bronze, des types des palaflttes. Je suis tout disposé à
accepter cette nécropole comme la sépulture des Palafitteurs d’Auver-
nier. Mais avant d’admettre qu’elle représentait le type général des
moeurs funéraires du peuple des Palafitteurs helvétiques, j ’attendrai
que des monuments semblables aient été retrouvés ailleurs. Comment,
auprès des centaines de villages lacustres que nous connaissons dans
notre région subalpine, n’a-t-on rencontré qu’un seul lieu de sépulture
contenant au plus vingt cadavres, seul reste de peuplades qui ont
couvert les lacs suisses de leurs palaflttes et cela pendant de longues
séries de siècles '? Comment le caveau funèbre d’Auvernier aurait-il
échappé seul aux travaux de défoncement de l’agriculture ? '
Jusqu’à nouvelles trouvailles analogues nous devons rester sur la
réserve et attendre pour attribuer aux Palafitteurs les moeurs funéraires
qu’indique l’importante trouvaille d’Auvernier.
Nous avons cru trouver des faits plus probables dans les cimetières
de la Moraine de St-Prex et du Boiron près Morges, car nou's avions là,
semblait-il, une répétition des mêmes coutumes. Je résume la description
que m’a donnée du premier mon amiM. A. R e v illio d d e M u ra it. En
défonçant un jardin sur le bord de la terrasse d’alluvion qui domine la
falaise, à l’ouest de la villa La Moraine, près St-Prex, les ouvriers découvrirent
en 1865 une trentaine de squelettes étendus en terre libre
à 1,2“ environ de profondeur; quelques-uns étaient recouverts par
une dalle en pierre brute, de 0,5 à 1,0“ , étendue horizontalement sur
le corps. Les ornements trouvés autour de ces squelettes, une
vingtaine de bracelets, épingles à cheveux, anneaux, etc., sont incontestablement
du bel âge du bronze; ils permettent d’attribuer ce cimetière
au village palafitte établi dans le golfe occidental de St-Prex, devant la
villa La Moraine. Entre ces squelettes, et autant qu’a pu l’observer
M. Revilliod, alternant presque régulièrement avec les corps, à la même
profondeur qu’eux, étaient des urnes dont une seule a survécu ; elle
est du type des vases des Palaflttes de l’âge du bronze. Elle était rem(
i) y. Gross. Les tombes lacustres d’Auvernier. Keller, VII» rapport, p. 36. Zurich
Ï876. ■
plie d’une masse -noire homogène que M. Revilliod tient pour des.
cendres (sans débris, cependant d’os calcinés). Tandis que les squelettes
étaient enterrés en, terre vierge et non remaniée, les urnes au
contraire étaient entourées d’un lit épais d’une terre noirâtre, contenant
cendres et charbons et montrant des traces évidentes de combustion.
Au moment même de la découverte lés faits, ont été interprétés
par les témoins comme démontrant l’usage simultané de deux
modes dé sépulture, certains cadavres étaient enterrés, d’autres étaient
brûlés, et leurs cendres, recueillies dans des vases, étaient enfouies au
centre môme du foyer. — D’autre part on pourrait expliquer les faits
en admettant que urnes et foyers seraient les restes de cérémonies,
religieuses, de repas funèbres ou de sacrifices offerts dans le cimetière
même aux mânes du défunt ou aux divinités infernales ( ’). Mais on.
serait, il est vrai; embarrassé par la présence de ces foyers à la même,
profondeur que celle des tombes.
J’aurais voulu tirer des faits plus précis du cimetière du Boiron, près
Morges. En 1823 « des ouvriers qui faisaient des creux pour p lanter
des arbres sur la colline du C.rèt du Boiron, ont découvert plusieurs
tombeaux en dalles de pierre brute ou grossièrement travaillées. Près
de là se sont trouvés, à peu de profondeur, des squelettes dont l’un
avait deux bracelets encore adhérentsaux os » (2). Ces bracelets, du bel
âge du bronze, sont conservés dans les musées archéologiques de-
Lausanne et de Morges. Des fouilles faites par moi,en 1863,sur le Crêt.
du Boiron, terrasse supérieure, ne me firent pas retrouver trace de ce-
cimetièrè.
Quand, vers 1890 on découvrit dans la terrasse moyenne du Boiron,,
au-dessous de la grande route, un cimetière avec des tombes en dallesr
de pierre brute, nous espérâmes avoir devant nous la suite de la trouvaille
de 1823. Mais Adrien C o lom b , alors directeur du musée-
archéologique de Lausanne, qui a surveillé ces fouilles et en a conservé
les monuments dans sa collection particulière (aujourd’hui achetée p a r
le Musée cantonal) n’a malheureusement laissé aucune note, aucun
rapport, aucun catalogue, aucun procès-verbal des trouvailles. Si l’on
en juge par quelques inscriptions au crayon sur les cartons qui portent
ce mobilier funéraire, inscriptions très insuffisantes, ce cimetière
(<) F-A. Forel. Cimetières de l’époque lacustre. F. Keller, VIIe rapport, p. 48.
Zurich 1876.
5) L. Rcynier. Feuille du Canton de Vaud, X, 63. Lausanne 1823.