Nous avons encore connu dans la première moitié du XIXe siècle un
service de transport plus ou moins régulier qui amenait de Savoie les
maraîchers et les pêcheurs, les jours de marché et dé foire de nos villes
riveraines de la côte vaudoise, qui surtout faisait passer les ouvriers
ruraux, fossoyeurs de vignes et vendangeurs, effeuilleuses et vendangeuses
faucheurs et moissonneurs à l’époque des travaux de la campagne.
La cochère, le coche d’eau, l’ancienne corsaire, suffisait à .ces
voyageurs d’occasion et donnait satisfaction, un peu lentement il est vrai,
avec des allures tranquilles et encore patriarcales, aux besoins multiples
et varies des diverses parties du pays. Aujourd’hui tous ces moyens
antiques de communication ont disparu devant les services plus rapides
mais plus inflexibles des bateaux à vapeur, qui traversent le lac f P US req" emment’ mais sur des routes arbitrairement déterminées,
essentiellement d’après les intérêts des touristes étrangers. Certaines
localités favorisées sont mieux desservies que jadis, cela est vrai, et le
passage d Ouchy à Evian est plus fréquemment parcouru que ne
était autrefois l’ensemble des traversées du la c ; mais pour les
autres villes riveraines elles en sont souvent à regretter les anciennes
cocberes qui satisfaisaient mieux à leurs besoins particuliers.
Il n’est pas facile de préciser les conditions de la navigation dans les
périodes anciennes de l’histoire de notre pays. Il est évident que ni la
i erté u commerce, ni la liberté de navigation n ’étaient Ile règle,
aïs qu entendait-on par droit de navigage, droit de rivage, droit de
partissage? Ce n’est pas toujours clair; il semble même que la signification
de ces termes ait varié.
Dans-les franchises d’Evian de 1265 nous lisons : « Le navigage (na-
vigxum) appartient à ceux d’Evian, et le Seigneur doit recevoir le quart
de leur gain brut>>(i). Ici c’est un monopole accordé à la commune
d Evian moyennant une participation du Seigneur aux bénéfices. '
Le 10 septembre 1369, Jean de B l o n a y , bailli du Chablais et Genevois,
châtelain de Chillón, concède à MM. de Villeneuve l’exercice
des exeuves, « soit une exaction sur ceux qui naviguent et voiturent
des marchandises sur le lac, laquelle a pris nom de navigage » 0 Ces
termes sont un commentaire donné dans un acte postérieur, 18 mai
1 3/9; la c té de 1369 portait: «Exercitium exeuvarnm, sen ordinationis
(!) L. Wurslemberger. Peter der Zweite. Bern 1858. IV, 377.
(2) Répertoire de Villeneuve, [toc. cit. p. 384], i, 2 9 1.
navium et veheluratónis rerum quae ducunttír in navibus per lacum
a locis côrhmunitàtis predicte f1). Ici c’est un droit de patente à percevoir
des bateliers.
On voit d’autre part que ce droit de navigage pouvait être aussi un
péage sur les marchandises transportées p a r eau. Une discussion s’éleva
en décémbre 1398 entre MM. d’Evian et les bateliers de Villeneuve
au sujet du droit de navigage pour des marchandises à destination de
Genève qui transitaient par Evian. Dans leur supplique au comté de
Savoie, les bateliers de Villeneuve disent « qu’ils ont accoutumé de
payer le péage à Evian », et ensuite « qu’ils ont accoutumé de pâyer à
Evian le quart denier pour raison de navigage, pour les marchandises
qu’ils traduisent par Evian » (2). . .. :
D’autres fois, le terme de navigage était synonyme de navigation ou
de marine de guerre. C’est ainsi que la république de Genève nomma
en 1590 un « Amiral de tout le navigage » qui commandait aux capi-
tainep des galères et frégates de la flotte genevoise!3).
Je crois qu’il faut réunir à ce droit de navigage celui de rivage qui
nous fait l’effet d’être souvent à peu près la même ¡chose.
Le droit de rivage ou d’arrivage était une taxe perçue Sur les bateaux
venant ancrer dans le port, ou sur les marchandises débarquées
ou embarquées dans ce port. Ainsi MM. de Lausanne possédaient bien
avant 1556 « lè droit de l’haslage, port, rivage et dérivage de Ripvé
d ’Ouchy, avec les appartenances et dépendances ».(*)
Voici quelques exemples qui précisent la nature de ces droits
En 1356, la Ville de Vevey reçut de son seigneur François de L a
S a r r a la concession de droits divers, entré autres un dróit d’arrivage
de 5 sols par muids de vin, sur les tonneaux amenés par le lac du
territoire extérièur à la commune, ét 10 sols par muids pour le vin
venant d’outre lac(5).
En 1690 la ville de Morges décida la construction d’un port militaire
et marchand; en compensation des frais de cet établissement, LL.
(l) Répertoire de Villeneuve, p. 389.
,(s) Ibid., II, 829.
(*) Blavignac [loe. cit., p. 524], p. 315.
(4) Archives cantonales de Lausanne. Welschè Bûcher, II, p. 312.
(5) A. de Montet. Documents de l’histoire de Vevéy, p. 51 ét 182. Turin 1884. U est
inutile de raconter ici toute l’histoire de çe péage, ét des tractations auxquelles il
donna lieu avec les localités qui prétendaient être exemptes de ce droit'. :