militaire. C’est à quoi s’occupa avec ardeur, dès 1762, mais surtout
vers 1780 et 1782 le major Jean-François Cu e n o d de Ma r t i g n i e r r
de Vevey, dont la correspondance et les projets d’organisation remplissent
les manuaux de l’époque^).' Un armement de 4 ou 5 canons par
grande barque, un équipage de 18 matelots et une quinzaine de soldats,
telle était la base de son système qu’il développa en une série de règlements
pour l’organisation des compagnies, leur armement, leür.éqùi-
pement, les signaux de commandement, la tactique de marche à voile
et à rames, la tactique de combat, celle des débarquements et embarquements,
le projet d un blocus de Genève (pendant les troubles de-
1782), etc. C était tout un projet de mobilisation très complet et bien
préparé, tout un plan général et détaillé. Quelques revues eurent lieu,
plusieurs dénombrements des bateaux et des troupes disponibles.
Le major Cu é n o d disparaît en 1789. A partir de 1792 nous voyons
encore le lieutenant-colonel de-Crousaz , du régiment de Morges, qui
avait à sa disposition une ou deux barques et un briganlin avec quelque
90 hommes d’équipage.
Hélas! Cette belle flottille était disperséè, ou du moinsYFapparut pas
le 28 janvier 1798 quand les troupes françaises .traversèrent le lac, de
Thonon à Ouchy, et sous prétexte d’appuyer l’insurréction du Pays de
Yaud, qui se débarrassait heureusement des baillis bernois, commencèrent
la malheureuse invasion de la Suisse qu’elles écrasèrent pendant
trop d’années.
CHAPITRE VI. LA VIEILLE NAÜE. '
Si je recherche dans les anciens documents graphiques, cartes,
plans, tableaux, vitraux, bas-reliefs, etc., les figures des bateaux du
Léman dans les siècles écoulés, j’y retrouve un type de bateaux d’un
style antique, bien caractérisés, analogues à ceux que nous avons vus
naviguer dans notre enfance sur les lacs du nord de la Suisse, et qui
(*) Schifffahrt im Lande, Archives de Berne. — Nous avons eu entre les mains,
grâce à l’obligeance du Dr V. Cu e n o d , de Vevey, un volume manuscrit de 145-
pages, renfermant tous les rapports, projets et.dessins de Cu en o d de M a r t i -
gnl e r . Je possède moi-même une copie d’une partie de ( es oeuvres.
sont connus dans la Suisée Allemande sous le nom de naue., C’est
sous cette appellation que nous allons lés décrire.
Nous n’en possédons aucun détail dans les documents écrits des
vieux temps; rien dans les textes ne nous fait connaître la construction
de la barque marchande des anciens Savoyards, Genevois ou Vaudois
avant lé XVIIIe siècle. Nous avons en revanche un certain nombre de
dessins qui sont très instructifs. Je reproduis ici, fig. 228, page 540,
une partie des barques représentées dans la carte du Léman du
syndic Jean du Villard de Fan 1588 (*), puis fig. 229. et 230, page 541,
deux barques dessinées sur les plans de la paroisse de Lutry, levés
en 1705 par le Commissaire de Lerber.
De ces déssins je tire les détails suivants qui sont du reste corroborés
par des figures analogues, entre autres dans la « vue de Genève
pour Pierre Cho u e t » ( 2). Genève 1655, dans les plans de Montreux
1695, aux archives cantonales de Lausanne, dans les plans de la Tour
de Peilz (sans date, fin du XVIIe siècle) aux mômes archives.
Cette vieille barque que j’appelle la naue, était un bateau plat, à
flancs parallèles, verticaux, non revêtus d’une bordure supérieure, sauf
à l’arrière où une planche en porte à faux faisait saillie en dehors du
batéau; à poupe carrée presque verticale, à proue avancée en une
pointe triangulaire légèrement relevée, non pontée, sans pâillot (faux
plancher), avec membrures saillantes à l’intérieur, avec deux ou trois
bancs à l’avant; mis en mouvement par deux ou trois ou quatre rames
motrices en forme de pelle cabrée, avec une nille à l’extrémité interne;
avec une ou deux rames rectrices à l’arrière (3) ;-sans gouyernail.
(*) Bibliothèque de Genève. Manuscrit.
(2) Publiée dans : J. Unyor. L’ancienne Genève, pl. III et IV. Genève 1896 (fig. 231,
barques b, c, d, e, f, g, page 542 ci-dessous).
- (3) Dans les dessins des naues du Léman la rame de gouvernail, quand elle est
unique, est tantôt à droite, tantôt à gauche. Je crois que sa position normale doit
être à gauche, soit à bâbord, car le rameur qui pousse l’aviron devant lui a plus
de force si son bras droit est à l’extrémité de la poignée ; je sais que je suis ici en
contradiction avec la tradition qui cherche l’étymologie de tribord dans s t r i bord,
s l e e rbord, s f eue rbord, le côté du gouvernail, (voir par ex.: Jal,
Glossaire nautique). Dans nos bateaux de pêche du Léman, la rame rectrice qui
sert de gouvernail est toujours à bâbord.
J’ai donné le nom de nille à la pièce en T qui forme la poignée de ces rames,
maniées en aviron par un homme debout; je l’ai emprunté à la terminologie des
pêcheurs du lac de Neuchâtel. (J. Landry. Yverdon, 4 mai 1903, in h I L S où ces
rames à poignée sont encore en usage; elles ont disparu du Léman. Nille est un
abbréviatif de manille employé ailleurs.