Dans toutes ces localités, d’après la description des auteurs et nos
observations personnelles, la tombe-est un caveau formé de quatre
dalles verticales de pierre brute, en lames de 5 à '10 ou 15e® d’épaisseur,
recouvertes par une grande dalle horizontale. Le caveau n’a pas
la longueur du corps humain, il mesure en général de 0.9 à 1.2“ de
longueur, de 0.45 à 0,5“ de largeur, autant de hauteur ; les membres
avaient été repliés sur eux-mêmes pour quele corps pût trouver place
dans une cavité aussi courte. Dans les cimetières de Chamblandes, de
Verney, de Pierra-Portay,; il y avqit en général deux squelettes dans.
chaque tombe, parfois trois, quatre ou même cinq.
Ces tombes cubiques qui avaient déjà puissamment excité l’intérêt de
T ro y o n — il y revenait sans cesse dans ses déductions souvent trop
1 mystiques — me paraissent l’un des problèmes les plus curieux que
nous offre actuellement l’archéologie de notre pays. En effet, si nous
voulons faire entrer dans, le même ensemble tous les cimetières que
nous venons d’énumérer, nous devons reconnaître que leur usage-.se
serait étendu depuis le paléolithique jusqu’à l’âge du bronze, ce qui
n’est guère plausible.
Le mobilier funéraire y est très divers d’un cimetière à l’autre. A
Chamblandes, à Verney, à Pierra:Portay, au Châtelard, il est nettement
paléolithique. Coup-de-poing âcheuléen au Châtelard, lame de couteau
en silex à Pierra-Portay ; cuirasse de défenses de sanglier, perles de
collier en os, en jayet, en corail,.coquilles marines, Triton et Pectoneles,
perforées pour en faire , des phalères et ornements analogues des vêtements,
dans les trois cimetières de Chamblandes, de Verney et de
Pierra-Portay; ocre rouge pour la peinture; absence complète de
poterie. Tout cela semble bien nettement paléolithique. Mais en même
temps la hachette de stéatite de Pierra-Portay, la superbe hache de
serpentine à douille de Verney font descendre ces tombes au néolithique.
D’après la description de S ch e n k , les tombelles de Montagny
sont parfaitement néolithiques, analogues dit-il aux palaflt.tes de Che-
vroux. Quant à celles de Vers-Chiez, de Charpigny'Q) et St-Triphon,
elles sont incontestablement de l’âge du bronze.
Il est difficile de se prononcer définitivement d’après des descriptions
aussi incomplètes que celles des auteurs qui nous ont parlé de
ces dernières nécropoles ; mais j ’avoue que je suis disposé à éliminer
les cimetières de Vers-Chiez, de Çharpigny et de St-Triphon de la
■série des tombes cubiques qui nous occupent.
Celui de Montagny sur Lutrÿ semble seul, d’après le témoignage du
D1' A. Schenk, de la civilisation des Palafitteurs.
Quant aux cimetières des environs de Pully et Lutry, Châtelard,
Chamblandes, Verney, Pierra-Portay, qui se suivent à mi-côte sur une
longueur de quatre kilomètres environ, de par la règle archéologique
qui fait dater l’ensemble d’une trouvaille par la pièce la plus récente,
ils sont de l’époque néolithique; la hache du D1’ Ch. M a rc e l, la lame
de stéatite de L. de Mont e t sont décisives pour, cette, détermination.
Mais, d’une part, ces deux pièces sont de types très spéciaux, très
différents des types ordinaires des palafittes, très rarement représentés
dans les ruines de ceux-ci ; d’autre part l’absence absolue de poteries,
si abondantes dans tout ce qui appartient à nos stations lacustres,
m’empêche jusqu’à nouvel avis d’attribuer ces quatre cimetières'au
peuple qui bâtissait ses villages sur nos lacs.
Enfin, e t c’est le grand argument qui nous fait écarter l’hypothèse
que ces cimetières à tombes cubiques seraient les champs funèbres
des Palafitteurs, il n’y a pas les relations nécessaires entre les villages;
■et-les cimetières ; je ne connais aucun palafitte dans le voisinage des
■cimetières en question, et inversément on n’a nulle part trouvé de
cimetières à tombes cubiques dans le voisinage des palafittes de nos
lacs subalpins et subjurassiens.
A quelle peuplade terrienne devons-nous attribuer les tombes de
Chamblandes et leurs analogues? Quelles étaient les relations ethnographiques,
généalogiques et historiques entre les nains dolichocéphales
de ces tombelles et les habitants de nos palafittes? Je suis inhabile à
répondre à ces questions. Plutôt que de lancer des hypothèses en l’air,
je préféré avouer que je l’ignore. C’est ce qui m’excusera si je ne
donne pas ici les caractères anthropologiques des squelettes de ces
tombes, et si je renvoie au mémoire,- actuellement sous presse, de
mon collègue S c h e n k , qui paraîtra dans le Bulletin de la Société
vaudoise d es Sciences naturelles (•).
.§§ A. Schenk. Les sépultures et les populations préhistoriques de Chamblandes.
Bull. s. Y. S. N., XXVIII, 157 et XXXXIX, 115. Lausanne 1902 et 1903.