biffons. Toutes les autres Diatomées n’ont été retrouvées que dans un
seul échantillon de feutre organique et manquent aux autres. Je rappelle
que tous ces échantillons de feutre organique ont été dragués
au large du golfe de Morges, dans la même région.
Si nous faisons la même comparaison entre les trois listes de Diatomées
de la région profonde de Morges, et la colonne de la région profonde
-des Diatomées, du Léman, telle que J. Brun l’a établie, et que j’ai publiée
p. 144, la différence est encore plus évidente et mieux marquée.
La flore des Diatomées n’est donc pas uniforme et invariable dans sa
-composition; elle ne présente aucune espèce spéciale ou caractéristique.
Rien ne nous autorise à y voir une flore de plantes établies.
J’interpréterai ces faits comme suit : Les Diatomées des eaux littorales
sont entraînées en plein lac par le courant d’un vent soufflant de
terre. Plus denses que l’eau, elles tombent dans la profondeur et s’établissent
sur la vase du sol. Tant qu’il y a suffisamment de lumière
pour satisfaire aux besoins de leur vie de nutrition, elles végètent (*);
par conséquent elles-végètent jusqu’à des profondeurs plus considérables
dans les eaux limpides de l’hiver que dans les eaux
relativement plus louchès de l’été. Elles y végètent temporairement,
en quelques générations, mais ne s’y reproduisent pas indéfiniment
Dans un milieu aussi dissemblable de leurs conditions ordinaires de
vie, elles ne tardent pas à s’éteindre.
C’est donc aux hasards du transport d’individus des diverses espèces
d e là flore littorale qu est due la présence de ces Diatomées dans
le fond du lac; de là l’irrégularité de la composition de ces florales de
Diatomées. En somme les Diatomées sont des organismes littoraux, erratiques
dans la région profonde.
En fait de-plantes établies dans. ce rudiment de flore de la région
profonde, je ne puis indiquer que les Oscillaires et Palmellées du feutre
organique. Elles sont confinées dans les zones supérieures de la
région profonde, sur les flancs du talus du bassin du lac, et ne descendent
aucunement jusqu’aux grands fonds (2).
(!) Dans le produit de dragages profonds, par . exemple à 200" devant Ouchy
B r u n a retrouvé quelques squelettes des mêmes Diatomées littorales, mais
morteà.
(a) Ce feutre Organique dont l’existence a été bien reconnue par tous ceux qui
ont fait des dragages dans le Léman et dans des lacs à marne argileuse, semble
manquer dans d’autres lacs. Dans nombre de lacs on n’a pu le constater; si je ne
ane trompe c est dans les lacs dont le sol est en craie lacustre.
Quel rôle le feutre organique peut-il jouer dans l’économie biologique
du lac ? Les fonctions réductrices des algues doivent être peu importantes
vu la faible activité dè la lumière dans des couches oü les
rayons solaires arrivent si atténués. Par conséquent elles ne doivent
pas compter dans l’élaboration des matières organiques que les plantes
extrayent de l’eau. La seule fonction que je sache leur reconnaître
c’est de donner au sol limoneux une certaine consistance; les animaux
marchèurs y circulent plus facilement, lorsqu’ils peuvent appuyer
leurs pattes sur une couche relativement ferme que lorsqu’ils pataugent
dans une vase molle.
La Mousse d’ Yvoire .g®Avant de clore ce chapitre bien maigre de
la vie végétale dans la région profonde, j’ai heureusement à y apporter
le fait très étrange, mais encore isolé et non expliqué, de la Mousse lacustre
des omblières d’Yvoire. Ainsi que je l’ai raconté plus haut (‘)
nous avons constaté l’existence sur les pierres de la moraine submergée
d’Yvoire, par 60m de profondeur, d’une superbe Muscînée aquatique
le Tliamnium Lemani de S c h n e t z le r . Elle est en belle végétation,
sa chlorophylle est d’un vert brillant, elle semble prospérer dans
cette station étonnante pour une Mousse, et nous avons reconnu sur
quelques-unes des pierres chargées de la plante adulte les jeunes stades
du développement, des protonema (2); elle s’y reproduit et s’y multiplie.
Ce cas est unique; jusqu’à présent rien d’analogue ne peut lui être
comparé. Dans tous les lacs nous voyons s’éteindre la végétation des
plantes chlorophyllées à mesure que l’on descend à 10 ou à 20m de
profondeur. Dans le Léman les grandes Phanérogames s’arrêtent à 5m
e u 6m, les Gharas à 10m, les Nitellas à 20 ou 25“>; Dans les lacs du
Jura, M ag n in donne comme limite de la végétation chlorophyllée 12 à
13m (8). Dans le Bodan les Phanérogames descendent jusqu’à 6m, les
Characées jusqu’à 30m (4). Dans le lac Starnberg, la limite de la zone
(*) p. 155.
(2) Le protonema ou filament algoïde de la jeune Mousse n’implique pas nécessairement
spore et génération sexuelle ; il peut se développer aux dépens d’une
rhizoïde quelconque. Jusqu’à présent nous n’avons pas trouvé trace d’appareil de
reproduction sexuelle dans les échantillons de Thamnium Lemani qui nous ont
passé entre les mains ; il n’est pas probable qu’il y en ait.
(s) Ant. Magnin. Bech. sur la végét. des lacs du Jura. Bev. gén, bot. France, V, p.
325. Paris 1893.
(4) Schrôter et Kirchner. Die Végétation des Bodensees. IX Heft der Bôdensees
Forschungen. Lindau 1896, p. 16.