C h o d a t seul a contesté.la réalité du fait : «Dans les galets en voie de
corrosion, » dit-il, « le revêtement algueux est continu. Les sillons,
comme les crêtes, sont couverts d’une incrustation le plus souvent
d’égale épaisseur (*). » Nous allons revenir sur cette question qui est
trè s importante..
8° C’est en me basant sur le fait, que je crois encore authentique
malgré la-négation de C h o d a t, de la concentration des algues incrustantes
sur les arêtes de séparation et de leur absence dans les sillons,
que j’ai formulé mon hypothèse qui cherche à expliquer les sillons
méandriques des galets sculptés. Je suppose que les algues incrustantes
agissent comme -un vernis protecteur qui empêche l’attaque
chimique de la roche, tandis que dans les creux et sillons, la pierre,
mise à nu par l’absehee ou l’enlèvement de ce revêtement organique,
est soumise à l’attaque d’un acide,-4 disons de l’acide carbonique dissous
dans l’eau,—et est érodée par dissolution du carbonate transformé
■en bicarbonate de calcium.
Il y a donc dans, mon hypothèse deux choses : Premièrement Une
■action dénudatrice; celle-ci je l’attribue aux petits animaux de divers
types, qui rampent sur et sous les pierres. Vers, Turbellariés, Anné-
lides, Mollusques, Crustacés, Hydrachnides, larves d’insectes, circulent
en grand nombre sur ces pierres; ils s’y font un chemin entre les
algues, comme les gros Mammifères des forêts tropicales se fraient un
sentier entré les arbres des jungles, comme les Souris des champs
entre les brins d’herbé de nos prairies. Cheminant toujours sur les
mêmes traces, ils en battent assez le sol pour que, dans ces divers
cas, la végétation disparaisse, la, terre ou la roche soient mises à nu,
■et restent à nu.
Il y a, en second lieu, sur la roche mise à nu, action d’attaque par
l’acide carbonique en excès. Que ce soit une action chimique qui dissolve
la pierre, cela résulte de la nature pétrographique des galets
dont nous étudions à présent les sculptures; ce sont tous des calcaires.
La difficulté est de trouver, la source de cet acide carbonique,
les algues incrustantes étant des Cyanophycées et dégageant à la lumière
de l’oxygène, par l’action de la Chlorophylle, qu’elle renferment
masquée sous les pigments bleuâtres. Pouvons-nous y appliquër l’hypothèse
de F. Cohn, qui attribuait à la partie basilaire de ces algues
les mêmes fonctions oxydantes qu’aux racines des végétaux supérieurs,
par conséquent dégagement d’acide carbonique? Ou bien devons
nous nous contenter de l’acide carbonique sécrété en excès par
les algues pendant les heures de la nuit? — Bornons-nous à admettre
une attaque chimique de la roche qui, continuellement dénudée par le
passage de nouveaux animaux sur les traces de leurs prédécesseurs,
s’approfondit toujours par l’érosion chimique sans cesse agissante.
Les sillons s’abouchent les uns dans les autres; les courbures des
sillons sont bien celles des sentiers dessinés par l’homme ou les animaux
dans la forêt ou la prairie. L’explication est et reste plausible,
pour autant qu’elle s’applique aux sillons méandriques.
9» Cette explication serait peut-être encore applicable aux sillons
rectilignes dirigés suivant la plus grande pente des faces latérales ou
inclinées des pierres; quand on voit les algues d’eau douce, les Clado-
phôra par exemple, des murs des quais, prendre parfois dans
leur frondaison une disposition en paquets parallèles tout à fait semblable
à celle des sillons rectilignes en question (je n’ai jamais mieux
vu la chose que sur les quais de la Seine à Âuteuil, en aval de Paris,
20 juillet 1896), on peut se demander si peut-être les algues incrustantes
ne subiraient pas un arrangement analogue dans certaines circonstances.
C’est possible, mais je ne puis le démontrer, les observations
me manquent.
10° Mais cette explication n’est certainement pas applicable aux
creux et cupules des faces supérieures des pierres. Nous ne connaissons
aucun animal qui s’établisse sur les pierres du littoral lacustre,
(comme le font, par exemple, sur le fond vaseux d’un ruisseau, les têtards
de grenouilles qui s’y creusent des cavités) et qui, par son stationnement
pourrait empêcher les algues de se développer, ou qui
pourrait écraser ces algues et dénuder la pierre. Le stationnement aux
mêmes places des bulles de gaz acide carbonique que nous avons vu
produire une véritable érosion sur certains galets creusés chimiquement
(v. p. 389, fig. 202 et 203) pourrait-il expliquer ces étonnantes
cupules hémisphériques et semi-ovoïdes ? Je ne le sais.
Je renvoie la question aux riverains des lacs à riches sculptures.
Le problème est évidemment délicat et demande une observation attentive;
le phénomène est trop rare et trop mal développé au Léman,
pour qu’on puisse l’y suivre avec le soin scrupuleux qu’il exige. Le
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