HISTOIRE
-question, à laquelle je ne veux pas répondre ; je rougirais trop de
notre X IXe siècle expirant.
La première hypothèse, celle qui attribue au commerce l’importation
des métaux chez nos Palafltteurs, me semble cépendant satisfaire
aux faits les mieux précisés que les fouilles lacustres nous ont révélés.
Dans les: stations où nous voyons la première apparition du métal il
«est spécialisé en des formes ou des alliages distincts. Ainsi à Fenil,
■c’est du cuivre, une centaine d’objets, outils, armes et ornements divers,
récoltés par Edm. de F e lle n b e rg , rien que du cuivre, pas de
bronze (f). Ainsi à la station des Roseaux de Morges,- c’est une vingtaine
d’objets de bronze, tous du même type archaïque, des haches-
tranchets, des lancettes, au milieu d’un mobilier général de l’âge de la
pierre (2). L’uniformité de ce mobilier de métal est pour moi la preuve
qu’il provient du commerce. C’est un colporteur qui a apporté à Fenil
sa pacotille de cuivre, c’est un autre marchand ambulant qui a apporté
aux Roseaux de Morges. sa pacotille dé bronze èt l’a débitée sur
place. Si ces deux stations s’étaient procuré ces objets de métal par
le brigandage de la guerre, le raisonnerhent subsisterait ; il devrait
-seulement être déplacé; il serait applicable atix villages qui auraient été
pillés par les pirates de Fenil ou des Roseaux; c’est dans ces villages,
à nous inconnus, queles colporteurs du commercé étranger auraient
importé leur marchandise de métal.
On a traduit d’une autre manière la présence de ces cuivres de Fenil.
et de quelques autres stations de l’âge de transition; on a voulu intercaler
entre l’âge de la pierre et celui du bronze .un âge du cuivre.
Je ne puis me ranger à cette idée, pour notre pays du moins'. En effet
leçt objets de cuivre pur trouvés dans l’ensemble des palafittes suisses
sont trop peu nombreux; ils n’ont été recueillis que dans une dizaine
dè stations, et encore de celles-ci quelques-unes seulement, celles de
Fenil, de Sutz, de Gerolfingen, sont-elles caractérisées par la présence
exclusive.du cuivre; dans toutes les autres, St-Rlaise, Cbevroux, Esta-
vaver, Locraz, Lattrigen, Wollishofen, Robenhausen, il-n’y a qu’un ou
•deux objets dé cuivre, mélangés à des bronzes plus ou moins nombreux.
L’apport de ces quelques objets de métal dans ces quelques
«tâtions s’explique trop facilement par le colportage du commerce ou
(1) Keller’s Berichte IX (Heierli) p. 37.
(3) Voyez p. 427 ci-dessus.
PALAFITTEURS 4o7
le brigandage pour que nous puissions consentir à baser sqr un si petit
nombre de trouvailles la différenciation d’un âge archéologique du
cuivre (*). Notre âge de transition‘est ici parfaitement suffisant.
Ce n’est pas que je nie la probabilité d’une industrie du cuivre dans
les districts miniers où l’on a travaillé les minerais de ce métal. Mais le
bronze -est un alliage de cuivre èt d’étain; or les mines de cuivre ne
sont pas partout accompagnées de mines d’étain; c’est le cas seulement
pour le sud de l’Angleterre, Cornouailles et Pays de Galles. Partout
ailleurs le cuivre, beaucoup plus abondant que l’étain, était seul offert
à l’industrie du fondeur.
. C’est le cas. en particulier pour les mines de cuivre connues en
Suisse: Amstég (Uri), Piz Môndin dans le Sàmnaun (Engadine), Ruvis
dans le Scbamserthal (Grisons), Mürtschenalp (Glaris), Findelen, St-
Nicolas (Valais), Grand Prat près d’Ayer, Anniviers (Valais) (2). Donc
le cuivre sorti de la fonderie ne pouvait être utilisé qu’à l’état de cuivre
pur, aussi longtemps que le commerce n’y avait pas apporté de l’étain
pour en faire par alliage du bronze. Que les envois de barres d’étain
aient été en retard, qu’il y ait eu surproduction de cuivre, et les fabriques
auront fourni à leurs voyageurs des objets de cuivre pur. Les cent
ou deux cents pièces de cuivre pur que nous possédons en Suisse dans
nos musées de l’époque lacustre s’expliquent facilement sans que nous
ayons à faire intervenir un âge du cuivre indigène qui se heurterait à
d ’autres difficultés trop longues à développer ici.
Comment le bronze a-t-il été importé dans notre pays
Nous venons de dire que c’était par le commerce. Mais ici encore
nous devons faire une distinction.
Les premiers objets apportés par des colporteurs ambulants ont été
introduits tout fabriqués, terminés, prêts à l’usage; il n’y avait certainement
point dans oes villages de l’âge de la pierre d’industriels capables
f1) Je ne veux pas dire qu’ailleurs il n’y ait pas eu un âge du cuivre précédant
l’âge du bronze ; je le tiens pour probable ou même-certain. Mais chez nous il n’est
pas reconnaissable.
(*) Ces derniéres.sont particulièrement intéressantes en ce que le minerai de
cuivre y est. allié à du minerai de nickel et de cobalt et que si l’on n’y applique pas
des procédés de purification spéciaux, la fonte contient des traces de ces métaux
rares. Or les analyses de L.-R. de Fe l l e nbe r g ont montré du nickel dans des
bronzes de Morges, de Sutz, de Môrigen, du cobalt dans les bronzes de Corcelettes.
I l y a là l’indication possible d’une origine rapprochée de quelques-uns des cuivres
de nos Pàlâfitteurs.