Le résultat de ces travaux a été très reconnaissable dans les rivières
-campagnardes, dont plusieurs ont été réempoissonnées, dont d’autres
ont vu leur contingent de poisson notablement relevé. Quant au lac
lui-méme, l’absence d’une statistique de la pêche ne nous permet pas
de constater les heureux effets de cet empoissonnement, qui cependant
doit être sensible; les pêcheurs ne se plaignent pas de la diminution
de la Truite, et pourtant la pêche en est plus ardente que jamais.
Les essais de production d’alevins de Féra qui ont été tentés à
la pisciculture de Thonon ne sont pas encore très satisfaisants ; un déchet
de 8 0% est trop fort. Cependant la possibilité de succès étant
constatée, après avoir été longtemps tenue pour irréalisable, vu les
moeurs de ce poisson pélagique qui fraie dans les grands fonds du lac,
l’importance économique et industrielle de la Féra, comme poisson de
grande consommation, encouragerait à poursuivre ces tentatives jusqu’à
réussite plus parfaite, très désirable.
2° Quant à l’introduction d’espèces nouvelles pour le Léman, voici
les faits venus à ma connaissance.
A. Perche-soleil, Eupomotis gibbosus, élevéeparleDrH .0 1 tram a re ,
versée dans le lac en 1898, retrouvée dans le Petit-lac jusqu’à Coppet,
-en quelques individus isolés.
B. L’Epinoche à queue lisse, Gasterostevs leiurus, introduite par Isaac
M ay o r en 1872 dans un ruisseau d’Hermance, s’est propagée dans
-ce ruisseau et les eaux voisines, mais ne s’est pas avancée dans le
lac. C’est du reste une espèce fluviatile et non une espèce lacustre.
C. La Dorade, Carassius auratus, échappée des aquariums, se ren-
■contre en individus isolés dans le lac. Elle ne tarde pas à perdre ses
riches couleurs rouges et reprend la livrée verdâtre des Cyprinidés.
D. Le Barbeau, Barbus fluviatilis, élevé en 1888 par E. C o v e l l e ,
-et versé dans le Rhône, semble s’y être établi, car on le prend assez
fréquemment encore de nos jours. C’est une espèce fluviatile.
E. La Vandoise, le Ronzon, Cyprinus rodens (Squalius leuciscus), a
été introduit en 1870 dans la Venoge p a r Aug. C h a v a n n e s , mais elle
n’a pas été retrouvée depuis, ni dans cette rivière ni dans les autres
affluents du Léman.
F. Le Wh i t e Fi sh, Coregonus albus, introduit par le pisciculteur
genevois Co vel le en 1886 et années suivantes. Quelques individus ont
•été péchés dans le lac depuis lors, que Fatio attribue à cette espèce (i).
-(*) V. p. 70 ci-dessus,
G. La grande Marène, Coregonus maraena, importée d’Allemagne en
1881 et élevée par H. Ch a t e l a n a t , a semblé pour un temps s’être
établie dans le Léman. De 1896 à 1900 on en a fait de fréquentes pêches.
Dans les dernières années on n’en parte plus guère.
H. Le Lavaret, Coregonus lavaretus du Bourget, a été versé dans le
Léman'sous forme d’alevins en 1902 par la pisciculture de Thonon. On
en aura peut-être des nouvelles dans quelques années.
t Le Saumon, ou plutôt l’Omble Namaycush, Salvelinus Namaycush,
de Californie, introduit en 1886 par Co v e l l e , semble n ’avoir pas prospéré.
On n’en a jamais repêché, à la connaissance des spécialistes.
/. Le Saumon du Rhin, Salmo salar, introduit en 1852 par Mayor
e t Duchos a l , de 1857 à 1863 par la Société de Roche et par Auguste
Ch a v a n n e s , a été retrouvé en quelques individus isolés dans le
Rhône du Valais et dans le lac, entre 1859 et 1882; depuis lors on
n’en parle plus.
K. La Truite arc-en-ciel, Salmo irideus, a été introduite par les
pisciculteurs Genevois, C o v e l l e et ses successeurs, de 1892 à
nos jours. On en prend fréquemment dans le Rhône, mais pas dans
le lac.
L. L’Anguille, Anguilla vulgaris, échappée des étangs de Fernex
vers 1863, est beaucoup moins rare actuellement qu’elle ne Tétait
avant cette importation involontaire (*).
En somme, il ne paraît pas que nous puissions citer l’introduction
définitive, par la pisciculture artificielle, d’aucune espèce de Poisson
qui appartiendrait dorénavant à la faune du Léman (2). Malgré-des essais
fort ingénieusement combinés et entourés de toutes les précautions
que l’industrie de l’homme a su imaginer, nous ne pouvons constater
aucun succès certain d’acclimatation d’espèce_ étrangère. Cela doit
nous donner une idée du nombre des répétitions que la nature doit
appliquer à ses essais de peuplement d’une eau auparavant déserté.
(») V. p. 342.
(>) Peut-être le Barbeau dans le Rhône aval de Genève, et l’Epinoehe dans
le ruisseau d’Hermance.