-Ville de Genève, fut violemment et subitement renversé et détruit.
€ n dit môme que la masse des eaux fut si considérable qu’elle
pénétra par dessus les murs de la ville. Ce qui n’est pas douteux c’est
que le. Rhône qui dans ces lieux coule entre des montagnes
«rapprochées, ne trouvant pas de place pour se répandre de côté, détruisit
tout quand la montagne qui le retenait fut une fois percée. Après
ces faits, trente moines vinrent sur les lieux où le château s’était écroulé
■et ayant creusé la terre dans lés ruines de la montagne, ils y trouvé,
■rent du bronze et du fer. Pendant qu’ils y travaillaient, ils entendirent
un mugissement de la montagne, comme précédemment; mais ils
•furent retenus par une honteifbe cupidité, et la partie qui ne s’était pas
«encore éboulée s écroula sur eux, les tua, et on n’en a plus retrouvé
traces. »
Les deux descriptions que nous venons de traduire, quoique diver-
- géant dans quelques détails circonstanciés, concordent cependant assez
Lien dans le fait général pour qu’il n’y ait aucun douté sur l’authenticité
de l’événement historique, rapporté par deux chroniqueurs contemporains.
11 y a donc eu en l’an 563, quelque part dans le Bas-Valais, un éboule-
ment de montagne, qui a détruit le château de Tauredunum et causé
de grands ravages. Ces ravages ont eu lieu dans deux parties du pays
-fort différentes': les uns dans le lieu même de l’éboulement et ses
•environs, les autres à grande distance.
Il y a eu, semble-t-il, formation d’un lac temporaire causé par le
b arrage 'de s eaux idu Rhône, , et djabord inondation des territoires
submergés par ce làc, puis rupture de la digue et inondation des territoires
aval. Cela est fort plausible, et l’histoire du Valais en présente trôp
d’exemples : lac de Màttmark 1633,1680 et 1772, lac de Giétroz 1595
-et 1818; etc., pour que cette partie du récit puisse soulever contradiction.
. -
Les autres ravages causés par la catastrophe ont été frapper un pays
beaucoup plus éloigné, les rives du Léman et la ville de Genève. « Il
•ébranla tellement le ja c » , dit M a riu s , «que celui-ci sortit de ses
rives, qu’il ravagea les villages riverains, leurs habitants et leurs troupeaux,
détruisit plusieurs églises et leurs desservants, renversa le pont
de Genève, les moulins et les hommes », il entra môme dans la ville
«de Genève ét'y rioya plusieurs.personnes.
Le récit de G r é g o ir e est moins précisjsur ces détails de la perturbation
du lac. Il nous dit que l’inondation se précipita dans la vallée inférieure
et y causa de grands désastres sur les bords «jusqu’à la ville
de Genève ».’ «On dit môme que la masse des eaux fut si considérable
qu’elle pénétra par dessus les murs de cette ville».
La tradition de la destruction de plusieurs villes et villages par la
vague due à l’éboulement du Tauredunum est restée vivante sur les
bords du lac. L’antique Lausanne, autrefois à Vidy, aurait été ruinée
par cette inondation (*); de même Cully dont les habitants allèrent se
réfugier à Grandvaux (2), de même 'Glérolles(3), de même Epesses, dont
les éboulements auraient commencé lors du cataclysme de 563(4), de
môme Villeneuve (5). Tous ces souvenirs- sont purement légendaires et
n ’ont aucun fondement documentaire.
La concordance entre les deux récits contemporains peut être jugée
suffisante pour que l’on en tire une confirmation générale de l’événement.
Mais tous ceux qui se sont occupés de la question ont été plus
loin qu’une acceptation générale des faits; ils ont admis jusque dans
les plus petits détails le récit de Marius, comme celui de Grégoire, dépeignant
une inondation des rives du Léman, assez subite pour noyer
grand nombre de personnes, pour détruire les ponts et les moulins de
•Genève, et pour franchir les murs de la vfilé.
C’est précisément cette partie du récit, celle de l’inondation des
bords du lac Léman, qui a amené le plus de confusion.
En effet, les historiens valaisans étaient tous d’accord pour placer le
théâtre de la catastrophe au Bois-noir de St-Barthélemy, à quelques
kilomètres en amont de St-Maurice. C’est là que la tradition continue
et souvent répétée de l’abbaye de St-Maurice affirme qu’était situé le
château de Tauredunum. La royale abbaye de St-Maurice, fondée à la
fin du IVe siècle, non loin du lieii du martyre de la légion Thébéenne,
■a conservé dans son sein la tradition parfaitement précise de la des-
H M.-A. Pellis. Eléments de l’histoire de l’Helvétie et du Canton de Vaud. Cette
•opinion est-réfutée par B. Dumur. Le vieux Lausanne. Revue hi.st. Vaud. IX, 226*
Lausanne 1901.
f1) Dictionnaire du Canton de Vaud. Martignier et de Crousaz.
(3) Dictionnaire géographique de la Suisse. Neuehâtel 1903.
(4) A. Langie. Notes sur le jour du jeûne. Rev. hist. vaudoise. XI, 116. Lausanne
1903.-
(5) Dictionnaire du Canton dé Vaud Martignier et de Crousaz. ■