rentes. J’essaierai cependant de les caractériser dans quelques termes
généraux : Les organismes de la région littorale sont relativement rustiques,.
pour résister aux mouvements de l’eau, aux variations thermiques
des saisons extrêmes, à la pollution de l’eau par la vase soulevée
par les vagues de tempête. Ceux qui ne vivent pas dans des cachettes
sont exposés à une lumière qui peut être brillante; ils'sont fortement
pigmentés et peuvent présenter la fonction chlorophyllienne, laquelle
agit avec efficace sous la puissante impulsion des rayons solaires. L’alimentation
est abondante et variée, aussi bien pour les animaux que
pour les végétaux. Enfin la diversité de l’habitat dans les nombreux faciès
de la région littorale provoque chez ces espèces la différenciation en
de nombreuses variétés.
Quant à la genèse des sociétés littorales, nous l’étudierons avec.celle
des autres sociétés lacustres.
l<a société pélagique.
Au point de vue biologique, la région pélagique peut être définie:
la grande masse du lac dont on déduit la région littorale et la région
profonde; tout ce qui n’est,pas le bord ou le fond du ’lac; c’est-à-dire
cet énorme espace d’eau, espace indéfini, qui forme le plein-lac, en
avant de la bande littorale, qui descend de la surface jusqu’à quelquès
mètres au-dessus le fond. Dans les premières études qui en ont été
tentées, nous ne faisions entrer dans cette région que les couches supérieures
ou couches de surface du plein-lac. A mesure que les recherches
se sont développées, nous avons été obligé d’y adjoindre
des couches de plus en plus profondes.
Les conditions de milieu de la région pélagique sont :
1° Pression faible à la surface, augmentant progressivement d’une
couche à l’autre, à raison d’une atmosphère pour chaque 1 0™ d’eau.
2° Agitation de l’eau, faible à la surface, où les vagues roulant sur
elles-mêmes sont loin d’avoir les effets mécaniques puissants qu’elles
possèdent quand elles viennent se briser contre les murs solides de
la côte; agitation de l’eau nulle dans les'couches moyennes et profondes.
3° Eclairage brillant à la surface, décroissant progressivement
d’intensité jusqu’à l’annulation complète dans les couches les plus profondes.
4° Température variable à la surface, de plus en plus uniforme dans
les couches de plus en plus profondes.
5° Eau relativement pure et limpide. •
Ces eaux ont longtemps été tenues pour désertes. Les organismes
qui y vivent sont, à l’exception des Poissons, si petits et si diaphanes
qu’ils avaient échappé à l’attention des naturalistes, dans notre lac,
comme du reste dans tous les lacs d’eau douce.
Les Poissons seuls étaient Connus. Les Corégones, Féra et Graven-
che, vivant en troupes dans les couches supérieures et moyennes, sont
les Poissons insectivores qui forment la partie essentielle de la faune
ichthyologique pélagique. La Féra descend dans la région profonde
en temps de frai, la Gravenche entre dans le littoral dans les mômes
circonstances. L’Omble-chevalier est un carnassier pélagique qui se
nourrit essentiellement de Corégones. Les autres carnassiers, Brochet,
Truite, chassent indifféremmentdans la région littorale et la région pélagique;
ils sont ubiquistes. Dans les dernières années, quelques nouvelles
espèces de Poissons ont été introduites qui fréquentent également la
région pélagique, la Marène et le White-fish.
En 1868, le zoologiste danois P.-E. M ü lle r, pendant un voyage en
Suisse(‘), constata dans nos lacs (Léman, Bodan, Thoune, St-Moritz)
la faune des Entomostracés pélagiques, qui avait été découverte dans
les lacs Scandinaves par L illje b o rg , S a r s et M ü lle r lui-même. Il
pécha dans le Léman Daphina liyalina, D. pellucida, D. galeata, Bos-
minalongispina,Bythotrephes longimanus, Leptodora hyalina.En 1873,
je répétai ces pêches de surface, j’y retrouvai les mêmes Cladocères,
plus deux Copépodes, Cyclops et Diaptomus. De même, en 1869 d’à-,
bord, puis en 1873, j’avais découvert l’existence d’une flore pélagique
en recueillant dans les couches de surface du plein lac deux Algues,
Bothryococcus Brauni (Pleurococcus angulosus) et Anabaenacircinalis,
les flocons de cette dernière Algue étant habités en grand nombre par
un Infusoire, Vorticella convallaria.
(*) P.-E. Müller. Note sur les Cladocères des grands lacs de la Suisse. Arch. de
Genève, 1870, XXXVII, p. 317.