souvent très fine et fort ingénieusement ornementés, dont les tessons
couvrent le sol des ténevières des palaflttes; l’industrie du sculpteur
en bois et en os, qui taillait dans la corne de cerf des aiguilles, des
flèches barbelées, des harpons, des peignes, des emmanchures de
haches, dans l’os des poinçons ou des poignards, dans le bois des coupes,
des vases* des cuillers, des manches d’outils, de faucilles en particulier;
l’industrie du tailleur de pierre qui savait faire éclater par percussion
le silex, tellement que d’un bloc informe il tirait des superbes
lames plus ou moins habilement retouchées, qui martelait des haches
en serpentinoïdes et en néphritoïdes, polies, aiguisées, sciées ou forées;
1 industrie du filateur qui tordait le fil du lin et de la laine en l’enroulant
sur le fuseau dont lès pesons seuls nous sont conservés, qui tissait
sur son métier rustique les étoffes intéressantes, à points souvent compliqués,
dont les étonnants produits ont été.conservés à Robenhausen,
Wangen, etc. ; l’industrie du charpentier qui élevait les pilotages, les planchers
et les huttes des palaflttes, qui creusait dans un tronc de chêne
des canots de 10 et 15“ de long; enfm l’industrie du fondeur en
bronze. Celle-ci était probablement d’importation étrangère, nous
l’avons démontré plus haut; mais n ’en était-il pas de même de la plupart
des autres industries? De combien de celles-ci pouvons-nous dire
qu’elles avaient été inventées sur place? La métallurgie de l'âge du
bronze était pratiquée dans les palaflttes, et y a laissé des traces dans
les creusets, les lingots, les moules de terre, de mollasse pu de bronze
que l’on a trouvés dans dix stations différentes.
' Ces--industries indiquent toutes un degré assez avancé de la civilisation.
Lorsque, je cherché des comparaisons, je les trouve, je crois,
dans les populations campagnardes des Arabes, les populations campagnardes
des parties reculées de l’Italie ou de l’Espagne; les populations
campagnardes de notre Europe centrale dans le moyen âge, avant la
Renaissance.
Au point de vue de l’art, ils étaient à la fols assep avancés et en
même temps très reculés. Us avaient un goût bien développé, ce que
nous déduisons de Télégancé-incontestable des formes des vases,.surtout
ceux du bel âge du bronze, — le gobelet de terre fine, noire, au
fond conique était particulièrement gracieux ; les instruments et les
ornements de bronze, couteaux, épées, fers de lance, faucilles, étaient
de formes souvent exquises; les ornements, épingles et surtout bracelets,
étaient d un dessin très pur; et les gravures dont ces pièces étaient
couvertes, ciselées au burin ou imprimées dans le moule étaient certainement
d’un excellent style. Leur ornementation montrait du goût, c’est
incontestable. Mais ils n’étaient pas des artistes; ils ne nous ont pas
laissé une oeuvre d’a r t(*); ils ne représentaient ni l’homme, ni l’animal,
n i la plante, — les quelques essais informes de reproduction de cochon
et de canard trouvés à Corcelettes, lac de Neuchâtel, ne font que
confirmer cette allégation; ils n’avaient rien de ce génie endiablé qui
poussait le Paléolithique à buriner un graffito sur chaque os, sur une
plaque d’ardoise, sur une paroi de grotte gui s’offrait à son silex, à
produire des chefs-d’oeuvre comme le Renne paissant de Thaïngen.
Les Palafitteurs ne savaient pas* ou ne voulaient pas, faire de l’art, ils
n’étaient pas du mcme.sang que les chasseurs de Rennes de Veyrier
ou dé Thaïngen. Reauçoup plus avancés que ces derniers a-u point
de vue industriel, ils leur étaient très inférieurs au point de vue artistique.
Mais ce qui a le plus manqué à nos Palaiîtteurs pour les élever dans
l’échelle de la civilisation, ce qui les fait rester — jusqu’à nouvelle découverte
—— dans les degrés très inférieurs de l’humanité, c’est leur
ignorance de l’écriture. Savâient-ils écrire, connaissaient-ils un alphabet
ou des hiéroglyphes? Us né nous fo n t prouvé par aucun monument.
Us étaient des illettrés; par conséquent, ils étaient réduits à la
tradition verbale pour la transmission'des faits de l’histoire et de la philosophie;
par conséquent, ils étaient incapables du développement supérieur
qui implique la conservation des faits acquis, pour servir de
base à de nouvelles conquêtes à venir. Qu’il se soit élevé parmi eux
un grand homme, un penseur, qui ait découvert les lois de la raison,
les maximes de la sagesse, les faits de la nature ou la métaphysique;
il peut avoir eu des élèves, mais la moindre interruption dans la tra dition
a dû anéantir tout son travail. Un peuple illettré est un peuple
barbare. Les Palafitteurs étaient à ce point de vue au degré inférieur
des Nègres de l’Afrique ou des Malais de la Polynésie.
Ce déficit, manque d’écriture, est surtout sensible, quand nous
considérons la place que ces peuples occupent dans le passé. Du fait
qu’ils sont des illettrés, ils appartiennent à l’histoire naturelle de notre
espèce, ils n’appartiennent pas à l’histoire. Nous ne possédons pas une
ligne de leur écriture; donc nous ne connaissons pas leur langue.Nous
.(!) L’art plastique est. la figuration'idéalisée des belles choses de la nature.