G re n u s 0 résume les droits des bourgeois des bonnes villes en
' ces termes : « Les bourgeois avaient le droit de pêcher, de chasser et de
posséder des fiefs nobles, comme les gentilshommes *. Pour ce qui regardait
la pêche, cet auteur s’appuye entre autres sur les franchises de Nyon.
Amédée VIII de Savoie, 7 décembre 1439 : « Item que chaque bourgeois
et sa famille puissent pécher au grand lac sans aucune servitude;
que celui cependant qui ne sera pas bourgeois, mais qui habitera dans
le district et mandement de Nyon, qui a aussi le même pouvoir de pêcher,
soit tenu payer la pêcherie soit les tributs accoutumés, tant au
Seigneur qu’à ceux à qui ils appartiendront», etc.(2)
La communauté de Villeneuve possédait le droit de pêche dans toute
la paitie orientale du lac. Cela résulte entre autres de deux documents,
qui, en limitant ce droit de pêche dans certaines conditions, le confirment
et 1 affirment dans sa généralité. Ces documents sont de l’époque
bernoise, mais on sait que le plus souvent l’administration de LL. EE.
continuait sans autre, quand son intérêt direct n’y était pas engagé,
les errements de l’administration savoyarde. Le premier est un prononcé
de LL. EE. du 16 juillet 1541, qui interdit à ceux de Villeneuve
de pêcher et trafiquer dans le lac autour du Château de Chillon; les
eaux riveraines de la forteresse étaient limitées « au moulin de çà et au
moulin de là » 0 . Si donc Berne réclamait tout autour du Château de
Chillon un territoire où la pêche et le trafic en bateau étaient interdits,
il en résulte qu au delà de cette limite les droits de navigation et de
pêche des gens de Villeneuve étaient tacitement reconnus.
Le second document, billet testimonial du bailli de Vevey du 30 mars
1665 (*) déclare que la défense par lui faite, de pêcher au grand filet
dans les mois d’avril et mai ne pourra porter préjudice aux droits de '
pêche de MM. de Villeneuve. Donc le droit général de pêche des gens
de Villeneuve était incontestablement admis.
Outre le droit général de pêche dans l’étendue de leur juridiction,
MM. de Villeneuve possédaient un droit spécial de pêche autour de la
. (<) Documents relatifs à l’histoire du Pays de Vaud de 1293 à 1750 u XVT
Genève 1817. ’ ^
' (a) F. Forel [loc. cit. p. 524j p. 252.
Répertoire raisonné des titres et doc. de la n. bourgeoisie et communauté de
Villeneuve de Chillon MS. in fol. Arch. de Villeneuve, I, p. 31.
(4) Ibid., I p. 300.
bouche du Rhône avec des filets appelés p a n th è r e s Ç). Tandis que fie
pêche dans le Rhône lui-même, du pont de St-Maurice au lac, appartenait
au comte de Savoie, la pêche aux panthères, autrefois également
propriété du comte de Savoie, avait été cédée à la Communauté de Ville-
neuve (2). (Abergement d’Amédée comte de Savoie, du 22 février 1415.)
Cette pêche se faisait dans les,limites de.six toises en dehors delà rive
du fleuve, à son embouchure dans le lac, jusqu’à une distance de 150
toises à droite et à gauche de cette embouchure. La Commune affermait
cette pêche moyennant une cense annuelle de 3 sous Lausannois-
par chaque filet ou panthère. (Prononcé du 24 fév. 1430) (3).
11 n’y a plus actuellement, chez les pêcheurs de Villeneuve ou du
Bouveret, aucune souvenance de cette pêche aux panthères; la loi moderne,
qui interdit la pêche à moins de 300m de l’embouchure du
Rhône comme des autres rivières du lac, a établi la limite presque exactement
à la même distance (150 toises 292m) qui formait l’extrême
frontière du droit spécial aux gens de Villeneuve ; donc il n’est plus
permis de pêcher là où, au XVe siècle, les fermiers de la pêche de Villeneuve
posaient leurs panthères* et nous ne pouvons pas juger de la
richesse des captures qui se faisaient en ce lieu favorisé, surtout à
l’époque de la montée en rivière de la Truite.
Dans une correspondance entre les Conseils des Bonnes villes du
Pavé de Vaud en 1729-1733 au sujet des droits de pêche, nous lisons :
Lettre de Nyon à Morges, 27 décembrel729. « Lasujétion des pêcheurs de-
Coppet à apporter vendre leurs poissons à Nyon.... L’usage constant du
droit de pêcher, surtout rîère le baillage pour leur utilité particulière,
sans que jusqu’ici il y ait eu aucun empêchement ou prétention d’impôt ».
Lettre d’Yverdon à Morges, 8 janvier 1730. « Votre droit de pêcher
dans le lac que vous avez exercé par l’établissement de pêcheurs
à qui même vous taxiez le poisson, sans que jamais les fermiers du
Château vous aient troublés dans la possession de ce droit ».(4).
Donc les communes possédaient, ou croyaient posséder, le droit dépêche
dans leur territoire lacustre.
(l) Pantière, espèce de filet à larges mailles qu’on établit verticalement par fondî
(E. Littré). Panthérum, Ilavôyjpiov, filet à prendre toutes sortes d’animaux.
(-) Répertoire, etc., [loc. cit. p. 608], p. 303.
(3) Ibid., p. 305.
(4) Grenus [loc. cit. p. 608], p. 520 sq.