Donc, dans les grands fonds, le cadavre n’augmente pas de volume
•sous l’influence de la putréfaction, sa densité n’est pas réduite; il ne
vient pas flotter à la surface.
C’est pour. cela que les cadavres d’hommes, ceux des Poissons,
ceux des animaux inférieurs, ne remontent pas à la surface du lac du
moment qu’ils sont descendus à une profondeur qui dépasse quelques
dizaines de mètres. Je poserai la limite au-dessous de laquelle les cadavres
des noyés, ne reviennent pas à quelque cinquante mètres de
profondeur, peut-être même déjà à trente mètres.
Xlll. Les galets sculptés.
Les cailloux, roches, pilotis desbords de la mer sont, comme chacun
le sait, attaqués par des organismes nombreux et divers, qui les percent,
les creusent, les sculptent; en outre des actions mécaniques
e t chimiques, depuis les algues microscopiques qui corrodent la coquille
des Mollusques, aux Annélides, aux Oursins, aux Mollusques,
une foule d’êtres vivants attaquent comme des parasites les corps durs,
e t cherchent, en y creusant des cavités, asile et protection contre, les
insultes extérieures. 11 en est de même dans nos lacs. Les sculptures
y sont le plus souvent moins profondes, moins apparentes, que celles
des côtes océaniques; mais parfois aussi elles sont fort évidentes et
elles réclament tout autant l’intérêt du naturaliste. Les agents mécaniques,
chimiques et organiques, qui corrodent, érodent et sculptent les
-corps solides, roches et bois, sont nombreux et divers ; je voudrais essayer
d’en énumérer quelques-uns.
Cette question des galets sculptés est un chapitre encore très obscur
de la limnologie : plusieurs questions sont insuffisamment résolues;
plusieurs des.solutions déjà trouvées sont souvent méconnues ou
incomprises. Je chercherai à séparer ce qui est acquis de ce qu’il reste à
expliquer, espérant que bientôt nous aurons une vue plus complète et
plus vraie des jolis problèmes qui nous son posés par ces phénomènes.
Le sujet n’est pas nouveau ; il à, à ma connaissance, été traité pour
ce qui regarde les lacs subalpins, par les auteurs suivants.
La question a été posée par l’école d’Agassiz à Neuchâtel. Vers 1840,(?)
A le x a n d r e B r a u n , W illiam S c h im p e r , et les naturalistes neu-
■châteloîs, ont étudié les sculptures admirablement développées sur les
galets de la rive des lacs du pied du Jura, et les ont attribuées à l’action
d’une algue Cyanophycée, Euactis calcivora Al. Braun (Zonotri-
chia calcivora, Rivularia hoematites). E d . D e so r a répété cette
• explication en 1868 ( ‘). W. S c h im p e r , dans une série de lettres inédites
adressées à E. D e so r età'moi-même en 1877 et 1878, a confirmé
son opinion sur l’action sculptante des algues incrustantes : Euactis
calcivora et Hydrocoleum calcilegum (Schizothrix lateritia Gomont.).
S c h im p e r avait étudié ces Algues dans l’automne de 1857, dans
■un Séjour fait à Bel-Air près Yverdon, et à Concise. Voici les termes
mêmes de sa description : « Pour ces galets sculptés, il y a deux choses
à observer : une algue qui décompose la pierre, une Rivulariée, E u actis
calcivora; et une autre qui réunit les particules désagrégées
pour en faire des glomérules qui finissent par se détacher et qui forment
quelquefois des tas considérables sur les bords du lac de Neuchâtel,
par exemple près de Concise; c’est Y Hydrocoleum calcilegum,
espèce d’Oscillariée tout à fait semblable à la fameuse Ose.
Ehtonoplastes qui fixe lés sables des dunes de Fionie » (2).
En 1865, C h .-T h . G a u d in a attribué à l’action de jeunes Anodontes
les creux ovalaires de certains galets du Léman (s). Cette interprétation
a été/discutée dans le sein de la Société des Sciences naturelles
de Zurich. Voici ce qu’en dit le procès-verbal (manuscrit) de la séance
du 20 novembre 1865 (*) : < M. le professeur Heer entretient la Société
de sculptures paléontologiques (vorweltliche Ausfressungen) sur des
pierres près de Genève, par l’action d’Anodontes ou d’Hélices. M. le
professeur Escher de la Linth tient ce phénomène pour l’effet d’érosions
par le lac, car les sculptures se retrouvent tout autour du galet ».
En 1866 et 1868, J. de la H a rp e a recueilli quelques observations
sur les galets sculptés des lacs Léman, Neuchâtel et Walenstadt; il
adopta mon hypothèse sur l’action des larves de Névroptères (5).
C1) Bull. Soc. Sc. Nat. Neuchâtel, VIII, 68,1868.
(!) W. Schimper, 11 novembre et 13 décembre 1877 in litt.
(3) Note sur certains galets des bords du Lac de Genève. Bull. S. V. S. N., VIII,
306 et 351. Lausanne 1865.
(4)' Communiqué par C. Schröter et Tobler, 9 juillet 1901, in litti
(5) Nouveaux renseignements sur les galets sculptés des Lacs de Genève et de
Neuchâtel. Bull. S. V. S. N., IX, p. 337. — Cailloux sculptés du Lac de Wallen-
■stadt. X, p. 64.