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, est donc moins fort, de toute la valeur de l’action d’élimination, que-
la quantité de matières organiques qui est entrée dans le lac.
Donc, le séjour dans le lac débarrasse l’eau d’une notable partie de-
la charge en matières organiques qu’avaient les affluents, rivières,,
égouts, etc., qui alimentent le lac. Donc l’eau lacustre est notablement
moins chargée que les eaux campagnardes qui sont entrées dans sa
composition. L’eau lacustre est plus pure, a une plus faible teneur en-
matières organiques que la plupart des eaux campagnardes, ou mieux
dit que l’intégration des eaux campagnardes qui forment la totalité-
des affluents du lac.
Vlll. Les espèces absentes de la région profonde.
La plupart des groupes d’animaux aquatiques, ceux du moins qui
peuplent la région littorale des lacs, ont envoyé des représentants dans.
la région profonde du Léman; modifiés.ou non modifiés, établis ou erratiques,
nous avons pu citer des espèces de presque toutes les famillles,.
ordres ou genres indigènes dans notre pays, qui se retrouvent dans la
faune abyssale du Léman. Il est Cependant quelques types que nous
n’y avons jamais vus, ce que la terminologie moderne appellerait des-
lipotypes.
Pour quelques-uns, cette absence s’explique facilement par les conditions
de milieu spèciales aux grands fonds du lac. Ainsi les Insectes
comme Sigara Lemani sont décidément trop loin de l’atmosphère; les
larves fixées, comme celles de Tinodes lurida, n’y trouvent point de-
pierres pour y attacher leurs galeries soyeuses; les larves d’Ephémé-
rides qui vivent dans et surle limon ne descendent pas dans les grands
fonds (pourquoi? je l’ignore); l’Ecrevisse, Astacus fluviatilis, ne trouve-
pas dans la vase des grands fonds les cailloutisoùélle se complaît dans
les eaux de surface ; les Planorbes de la région littorale vivant sous les
pierres, les Ancÿles fixées aux roches et aux bois, les d e p s in e et les
Nephelis qui se cachent auàsi pendant le jour squs les pierres, ne trouvent
pas dans la région profonde les conditions de leur habitat favori.
Il y a cependant deux types pour lesquels ces interprétations si
simples ne suffisent pas. Pourquoi les Naïades, pourquoi les Eponges
manquent-elles à la société abyssale du Léman?
Cette absence, quoiqu’elle ne soit prouvée que par les résultats négatifs
de dragages, je la tiens pour très certaine. Les centaines de dragages
que j’ai faits dans le Léman de 1869 à 1885, quand j’étudiais avec ardeur
la faune profonde de notre lac, ne m’ont jamais fourni un fragment
f*- ;ils sont bien reconnaissables pourtant — d’une coquille d’Anodonte;
les centaines de préparations que j ’ai portées sous mon microscope
ne m’ont jamais montré un spicule siliceux du squelette d’une
Spongille. De 1869 à 1885 cette absence, était certaine; depuis lors je
n’ai pas un seul fait, récolté par mes collègues ou par moi-même, qui
m’ait fait changer d’opinion.
Deux- explications sont possibles, mais ni l’une ni l’autre n’échappent
à des objections assez sérieuses.
P r em i è r e e x p l ic a tio n . On pourrait admettre que ces espèees
ne sauraient prospérer dans les grands fonds du lac; qu’une condition
de milieu nécessaire à leur existence leur manquerait ou qu’une autre
condition ferait obstacle à leur vie dans ces régions.
A cela on peut répondre que les Mollusques lamellibranches se
trouvent en abondance dans la région abyssale de l’Océan; que des
espèces de cette famille, les Pisidiums, vivent parfaitement dans la région
profonde de nos lacs; que des Naïades, cinq espèees d’Unios, ont
été trouvées par L o r t e t dans le lac de Tibériade en Palestine par 50
ou 100m de fond, par conséquent déjà dans la région abyssale(‘).
Pour ce qui regarde les Spongiaires, on sait avec quelle abondance
et quel éclat les Hexactinelles sont représentées dans les abîmes de la
mer. Ce sont des animaux qui semblent prospérer remarquablement
dans les grands fonds; pourquoi ne se trouvent-ils pas dans le. Léman?
Que( les Spongilles d’eau douce sachent se tirer d’affaires alors même
qu’elles ne trouvent pas de corps durs pour y insérer leur colonie,
comme elles le font sur les roches et pilotis du rivage, cela est
démontré par la trouvaille que j’ai faite en 1874 dans la région profonde
du lac de Toux de petites colonies globuleuses d’une Spongille rosâtre
qui s’établit sur les polypides de la Pàludiceüa Ehrenbergi(s).
On ne peut, ni pour les Naïades ni pour les Spongilles, invoquer la
difficulté des moyens de transport. Pour les Anodontes, on sait que
m L. Lortet. Poissons et Reptiles du lac de Tibériade. Arch. Mus. hist. nat.
Lyon, III, 1883.
(2) F.-A. Foret. Faune profonde, loc. cit. [p. 25], p. 218.