moins, écarter la possibilité de migrations actives; qui devraient toutes
se faire' à .contre-courant_dès fleuves.
Voudrait-on peut-être faire intervenir ici ce que nous avons dit à la
page' 270 de la remontée à contre-courant par l’utilisation des remous
latéraux du fleuve ? Je ne le conseillerais pas, car ce mode de progression
contre la direction générale du courant ne se.comprendrait guère
-que pour des organismes capables de se fixer de temps en temps, de
se reposer dans une gâchette ou. sur un corps solide en attendant
q u ’un remous favorable vienne se présenter de nouveau. Une telle
progression à contre-courant s’appliquerait facilement à dès organismes
fluviátiles, habitués à-se jouer au milieu de veines liquides en mouvement,
en fait d’organismes lacustres on pourrait encore y penser pour
les plantes et animaux littoraux qui savent se fixer quand il faut éviter
le choc des vagues; mais on ne saurait attribuer'ce procédé de mi-'
-gration aux organismes pélagiques, nageurs infatigables,' c’est vrai;
mais incapables de se fixer sur un corps solide.
J’ai attribué en 1876(1) le transport des organismes pélagiques
-à l’action des Oiseaux 'migrateurs, à celte faune nombreuse et
variée des Palmipèdes qui dans leurs voyages annuels passent
successivement d’un lac à l’autre en traversant toute l’Europe;
ils nagent à la surface d’un lac dans la région pélagique, ils accrochent
à leurs plumes, à leurs pattes, à leur bec, les oeufs d’hiver des Ento-
mostracéSj les oeufs et kystes des microzoaires, les spores des algues
-et ainsi chargés de germes, pour employer le terme le plus général,
capables de résister à une dessication temporaire, ils s’envolent vers un
autre lac où l’organisme, parasite accidentel, saura se développer.' Je
me fondais sur une observation - d’Aloïs H um b e r t, de Genève, qui
avait vu sur les plumes d’un Grèbe les oèufs d’hiver d’tin Entomostracé.
J’ai donné à la page 278 l’indicatiop de quelques-uns des faits qui justifient
cette généralisation.
Cette hypothèse, très unanimément admise, explique fort bien les
faits de la dissémination étendue des organismes pélagiques. Elle rend
aussi bien compte des exceptions, des lacunes fréquemment observées
-dans la faune et la flore d’un lac en particulier. C’est accidentellement
-que les germes sont recueillis sur le corps des Palmipèdes migrateurs.;
•il faut des circonstances favorables pour qu’ils soient transportés d’un
(■) F.-A. Forel. Matériaux III» série, § XXXII. Bull. S. V. S. N. XIV, '321.
luè-à l’autre! c’est donc le hasard qui procède à leur dissémination. Si
les chances favorables, si les combinaisons du hasard ne.se sont pas
présentées, la transplantation n’a pas lieu, et l’espèce reste absente du
lac que nous étudions.
Il y a plus. Pour que la transplantation réussisse, il faut que le lac
■où le transport s’est fait- offre des conditions favorables au développement
de l’organisme,1 sans, cela le germe périra. Or ce n’est pas toujours
et partout le cas. Certaines espèces peuvent être tuées par un
climat trop froid ou par un climat trop chaud, ou par une congélation
trop prolongée de la surface, ou par une température trop élevée de
l’été, par dés eaux trop salies par des substances dissoutes ou par des
poussières organiques. ou minérales en suspension; certaines espèces
ne-peuvent résister à une altitude trop élevée; un lac de trop petite
superficie ou trop peu profond peut ne pas convenir à certains organismes.
En outre, donc, des hasards d’un transport accidentel, il faut
que le-lac où les' germes sont apportés présente tout un ensemble de
conditions de vie convenable pour que toute la faune, toute la flore puissent
s’v établir. Si une partie de ces conditions font défaut, telle ou
telle espèce manquera dans la liste de la société pélagique-de ce lac.
Cette- hypothèse a enfin le grand avantage de satisfaire à certains
faits généraux de la constitution ■ des sociétés pélagiques. Les organismes
qui les composent sont, pour quelques espèces, très spéciaux
e t de types très aberrants ; les Leptodora, les Bythotrephes, par
exemple, n’ont aucun similaire rapproché ou éloigné dans les faunes
•des ea'ux terrestres, fleuves, étangs, marais, etc. U est donc probable
que leur différenciation a demandé un temps considérable, des périodes
.géologiques tout entières,- et si nous avions dû trouver les éléments
de cette différenciation dans nos lacs eux-mêmes, nous eussions été
fort embarrassés. En effet, nous ne disposons pas en Suisse d’un temps
indéfiniment,long; l’époque glaciaire, notre limite extrême pour
le commencement de la vie locale dans les eaux subalpines, est, dans
l’histoire de la terre, fort rapprochée de nous. 11 eût été difficile de
comprendre comment, dans un temps si court, des espèces aussi divergentes
eussent pu se développer aux dépens des formes littorales ou
des formes des eaux terrestres. Avec notre hypothèse, nous disposons
de plus de temps, de plus d’espace. Apportés par migration passive,
les organismes pélagiques sont arrivés chez nous tout différenciés, tout
adaptés aux conditions de vie de la région centrale des lacs. Ils nous