de vivre encore dans des conditions si éloignées de ce qu’il faut au
développement des plantes.
Feutre organique. — Je désigne sous le nom de feutre organique-
la couche d’algues filamenteuses ou cellulaires qui végètent à la surface
du sol, sur le plancher de toute eau courante ou stagnante; on
peut la reconnaître sur le fond d’un ruisseau, d’une mare, d’un étang
ou d’un marais, ou encore sur le sol de la beine du lac lorsque le temps
a été assez calme pour que, pendant quelques semaines, les vagues
n ’aient pas arraché ce revêtement très peu consistant. C’est sur le produit
de mes dragages profonds que je l’ai étudié d’abord; en voici une
. rapide description.
Si je laisse reposer du limon du lac pendant quelques jours dans^
une terrine, sous 1 eau, je vois la surface de la vase changer sa couleur
primitive, celle de 1 argile gris-jaunâtre ou gris-bleuâtre, et prendre
une teinte brun chocolat. Cette nuance apparait d’abord dans les creux
. et dépressions; bientôt elle devient générale. Elle est due à la formation
d une couche distincte, d’aspect velouté, aux contours ¿superficiels
mous et arrondis, parfois soulevée et détachée du limon par une bulle
de gaz qui vient de la profondeur de la masse terreuse, parfois percée
d un trou circulaire, là où une bulle de gaz s’est dégagée. Cette couche
s enlève en écailles de 1 à 2mm d’épaisseur, qui se séparent aisément
du limon sous-jacent; elle se laisse facilement déchirer; elle est plus
lourde que l’eau et ces écailles soulevées par la pincette ou par la
bulle de gaz retombent d’elles-mêmes sur le sol.
De même si je laisse reposer dans une terrine les poussières organi-
ques et les débris arrachés au sol par la drague à filet, elles sont agglutinées
ensemble par une couche adhérente du feutre organique qui
ne tarde pas à le's envelopper.
Cette couche est organisée et vivante, ce que je prouve par les arguments
suivants. La couche se développe et s’augmente en envahissant
les parties non encore recouvertes. Si j ’enlève quelques écailles d’un
feutre organique bien constitué, au fond d’une terrine, au bout de
quelques jours je vois la solution de continuité se rétrécir et se combler,
par extension du feutre de la périphérie de la blessure vers le centre.
Si le limon a été soumis à la congélation, le feutre organique est tué
et la couche brune ne se reproduit pas. — La lumière directe du soleil
a une action spéciale sur le feutre organique; elle fait pâlir d’une manière
très évidenfe la couleur brune superficielle d ’une terrine de limon
qu’on porte subitement au grand soleil; si l’on fait développer le feutre
organique dans un bocal de verre transparent dont une partie est recouverte
par un vernis opaque, la couche, organique est plus brune
dans la moitié assombrie, plus pâle dans la moitié éclairée. # Tous
ces faits montrent bien que la couche du feutre organique est vivante.
Ce feutre organique n’est pas un produit artificiel, résultant du traitement
des matériaux du dragage dans les terrines de mon laboratoire;
il existe dans le lac. Je le trouve souvent sous forme d’écailles feutrées,,
soit dans la première eau de lavage du limon de la drague métallique,,
soit dans la drague à filet.
C’est- surtout en hiver et au printemps que le feutre se développe le
plus dans le lac; je le trouve en moins grande abondance, et à de
moindres profondeurs dans les dragages de l’été et de l’automne. Je
ne l’ai constaté positivement dans le Léman que jusqu’à la profondeur
de 80m environ, en hiver. Dans les profondeurs plus grandes, je mets
en doute son existence.
11 y a des .différences notables dans l’abondance du feutre organique
d’une station à l’autre, dans la rapidité avec laquelle il se développe-
et dans sa composition.
L’analyse du feutre organique le montre ,formé :
a. Par des algues filamenteuses peu abondantes dont l’entrecroisement,
l’enchevêtrement des rameaux donne à la couche sa consistance
caractéristique. S c h n e t z l e r avait reconnu dans mes préparations
: Oscïllaria subfusca Vauch.. 0. versatilis Ktz. Beggiatoa arach-
nôïdea Rab.
b. Par des Palmellacées que S c h n e t z l e r avait déterminées Pal-
mella liyalina Breb. Zooglea termo Cohn. Elles forment la masse principale
du feutre organique; masse floconneuse, jaunâtre à la lumière
transmise, grise à la lumière réfléchie. Des granulations très petites,,
environ 1 ¡J-,- sont noyées dans une masse gélatineuse amorphe, incolore.
La teinture d’iode colore en jaune la masse gélatineuse, en jaune-
brun les granulations; parfois un point bleu indique la présence de-
fécule dans ces Algues.
c. Dans les années 1869 à 1875, je trouvais en grand nombre uiie-
algue globuleuse que S c h n e t z l e r avait appelée d’abord Protococcus,
puis Pleurococcus roseo-persicpius Ktz. (Beggiatoa roseo-persicina,)'
Zopf. D’après mes souvenirs elle me paraîtrait être Clathrocystis ro~