dans leur ensemble la société biologique du Léman, je vais maintenant
les diviser en quatre sociétés locales, selon qu’elles habitent les
régions principales d u lac, à savoir la r é g i o n 1 i 11 o r a 1 e, la r é g i o n
p é l a g iq u e , la r é g io n p ro fo n d e , et enfin une région non aquatique,
extérieure au lac, mais en intimes relations avec lui, le riv a g e .
Au point de vue biologique, ces régions sont très distinctes les unes
des autres; leurs conditions de milieu sont très spéciales, et je devrai
pour chacune d’elles résumer et préciser.ces conditions dont
l’importance est capitale pour la vie.
Puis j’essaierai de caractériser par des. listes systématiques la société
biologique qui habite ces diverses régions. Cette énumération
sera malheureusement trop incomplète. J’aurais voulu pouvoir, pour
chaque région, donner la liste entière des espèces établies et la séparer
de celle des espèces erratiques ou non établies; mais cela m’est impossible,
car pour nombre de groupes, soit animaux, soit végétaux, la
distinction entre espèces établies et espèces erratiques n’est pas encore
suffisamment faite. J’espère que l’appel instant que-j’adresse à nos
naturalistes les engagera à donner leur attention à la séparation fondamentale
entre société établie et formes erratiques, adventices* étrangères
à la région. Quand ces caractères essentiels pour la faunistique et
la.floristique, auront été bien précisés, mes successeurs auront des matériaux
moins défectueux à leur disposition. Pour le moment, ne pouvant
être complet, je préfère m’abstenir et je ne donnerai, pas des-
listes dont la valeur serait trop inégale. Je me bornerai à indiquer
comme exemples les espèces principales qui sont incontestablement
établies et qui tendent à imprimer à la' région son caractère biologique.
I^a société biologique clu rivage.
Le rivage est la zone extérieure au lac, zone qui le borde sur son pourtour,
au-dessus de la nappe des eaux, entre la limite de celles-ci et la
terre ferme non modifiée; c’est la bande rocheuse, caillouteuse ou
sableuse qui émerge au-dessus des eaux, mais qui est atteinte, lavée
et érodée par les vagues de tempête et par les crues des hautes eaux
du lac. C’est ce que, au tome I,p. 71 dé ce livre, j’ai décrit sous le nom
de rivage; mais au point de vuë biologique je dois en retrancher la falaiseiqui
n’est pas assez modifiée pour se différencier de la terre ferme.
Cette région n’appartient au lac que temporairement lorsque les
eaux l’envahissent, mais leur action est assez puissante et efficace
pour donner au rivage des caractères absolument différents de ceux
de la terre ferme avoisinante.
Les vagues, en délavant les terres impalpables, n’y laissent que les
matériaux pierreux, de grosseurs diverses, depuis le sable le plus fin
jusqu’aux roches en place ou erratiques. Accidentellement on y rencontre
en quelques points des argiles qui ne tardent pas à être érodées
par le jeu des flots; dans quelques anses bien abritées, le sol peut
être vaseux, mais c’est très exceptionnel sur le rivage du Léman.
Sur,ce sol pierreux et sableux vivent les faunes et flores des régions
caillouteuses et arénacées; mais, que l’on ne s’y trompe pas, les sociétés
biologiques qu’pn y rencontre n?ont aucun rapport avec celles des
steppes. En effet, dans nos rivages l’air est assez chargé d’humidité par
le voisinage immédiat du lac, le sol est assez imbibé d’eau qui s’y élève
par capillarité, pour que les organismes qui y vivent ne soientpoint ceux
des régions desséchées des sables du désert. D’une autre part, ¡’envahissement
temporaire par les eaux, le fracas désordonné des vagues,
la violence des vents qui balaient la plage sont des causes de mort
pour nombre d’espèces qui pourraient, sans ces accidents, se plaire
dans le sable du rivage.
Les faunes et flores du rivage sont donc à la fois spéciales, et limitées
à un nombre restreint d’espèces. Ce qui s’en rapproche le plus sont
les sociétés biologiques des grèves des rivières.
. Le rivage est recouvert localement par des amas, souvent considérables
de débris organiques rejetés par les vagues; branches, feuilles,,
coquilles, carapaces de Crustacés, poussières diverses, y forment des
monceaux de matières organiques, végétales et animales, qui devraient
faire la joie des animaux omnivores. Je dois cependant ajouter que j ’ai
souvent creusé dans ces tas de fumiers pour y rechercher la faune que
je suppose y habiter, et que j’ai toujours été étonné par l’absence
apparente d’organismes vivants. Exemples : golfe du Bouveret, golfe
dü Parc de Morges. •
Je rappelle que je divise la grève en trois zones : la grève exondée,
la grève inondable et la grève inondée. La première représente le rivage;
la seconde lui appartient quand les eaux sont basses; la troisième
zone, la grève inondée, appartient au littoral.