Une grande troupe de Cygnes polonais ont été gardés à l’état domestique
pendant quelques années sur le lac Holkham dans le comté de Norfolk.
Un vieux mâle du Jardin zoologique de Londres pesait 27 livres »(1).
La photographie qui accompagne cette description, d’après un oiseau
du Jardin zoologique, ressemble frappamment au portrait du Cygne
olor; la caroncule est seulement un peu moins développée.
Avons-nous affaire par nos cygnes faux-albinos avec le Cygne polo-
nais? La question mérite d’être étudiée?
1 aurait-il chez nous introduction d’un Cygne polonais qui se serait
insinué dans une famille des Cygnes du Léman et y aurait fait souche?
Y aurait-il eu croisement accidentel avec un Cygne dé passage? Tout
d’abord -le passage de Cygnes sauvages, autres que le C. musicm qui
lui même est très rare, est un fait ignoré de nos ornithologistes et chasseurs.
Les Cygnes domestiques établis dans lés divers lacs suisses y
restent cantonnés et ne passent pas d’un lac à l’autre; des migrations,
même dans l’aire restreinte de notre pays, n’ont pas été observées.
Puis, l’établissement d’un Cygne étranger, qui se serait glissé au milieu
de nos Cygnes indigènes de Morges, aurait probablement été noté par les
nombreux amis de ces beaux Oiseaux. 11 est vrai que nous n’étions pas
avertis de l’événement qui allait se produire pour la première-fois en
1868, et nous navons pas surveillé d’une manière spéciale le couple
de Cygnes qui nichait dans notre port. Mais si l’un des parents avait
été un Cygne étranger', il nous aurait probablement frappés par des
allures différentes de celles de nos Cygnes, auxquels une longue tradition
a fait perdre les moeurs farouches d’une espèce sauvage. Rien
dans les faits observés ne nous a fait croire à l’introduction d’un Cygne
étranger.
Si nous en jugeons par la description que donne G u r n e y du plumage
des jeunes du Cygne polonais, il est évident que- nos cygnets
blancs du Léman n’ont aucune analogie avec cette espèce, en admettant
que ce soit une bonne espèce(2). Au printemps de 1876 J.-H. Gur n
e y reçut du Jardin zoologique de Londres une paire de Cygnes po-
•i liVre et atlas en quesüon n'a Pas de prétention à être un livre scientifique-
it indique cependant que le Cygne polonais est encore bien connu en Angleterre’
nentÎes p llu x " ^ SépareDt d8S aiUres esPéce% et qu'ils savent d’où en provien-
, j z J 'H- GurneV- N°te on the Polish Swan, Proc. of lO/ /. Zool. Soc. 379 London
lonais qui furent logés dans un étang-de sa propriété,- dans la paroisse
-’de Nortbrapps, loin de tout autre Cygne qui aurait pu amener un croisement.
Quelques semaines plus tard, le 18 avril, six oeufs étaient
pondus, e t. les 21-22 mai cinq Cygnets. venaient à bien. Le 23 mai,
G u r n e y -décrivait leur plumage dans ces termes : « Le dos était gris-
brun avec une légère teinte rougeâtre ; la tête, le dos et la poitrine
blanc, les deux parties n’étaient pas limitées par une ligne tranchée et
passaient graduellement de l ’une à l’autre. » Le 2 juin, un autre ornithologiste,
T h om a s S o u t h w e l l , décrivait les cygnets de G u r n
e y : « La teinte chamois était à peine visible, excepté sur.le dos, où
elle apparaissait en un riche chamois-crémeux,- tandis, que les parties
ventrales étaient d’un blanc presque p u r.» Notes du 7 juin, Gu r n e y :
« La teinte chamois du dos de nos cygnets semble disparaître; elle est,
encore reconnaissable, mais tourne vers un gris pâle qui se rapproche
du blanc, » etc,, etc. Je rappelle que nos,cygnets blancs de Morges ont
dès leur premier duvet été blancs : blanc-jaunâtre d’abord comme celui
des poulets et oisons, blancs, mais blanc et non pas gris, ou chamois,
comme les cygnets de Gurney.
Du reste, la description que donne J a r d i n e ^ ) du Cygne polonais
adulte le fait différer assez de C. olor type et de notre variété faux-
albihos pour qu’aucune ' confusion n e semble possible. Le Cygne polonais
a le tubercule (caroncule, cire) fort petit ( e x t r eme l y smal l ) ,
tandis que le C.-olor type l’a fort grand; la variété faux-albinos ne diffère
à ce point de vue en rien du type. Le Cygne polonais a les pattes et
jambes d’un gris ardoisé ( s late grey), tandis que le Cygne Olor type
les a noires, et le faux-,albinos les a. gris-verdâtre ou. rose-grisâtre.
Chez le Cygne polonais la trachée n’a pas de circonvolution sternale;
ce caractère n’a pas été étudié chez le Cygne faux-albinos.
D’autre , part D e g 1 a n d et f i e r b e (') donnent au Cygnus
immutabilis^les tarses, doigts et palmes'd’un gris-cendré, verdâtre.
M. F r i t s c h 0 , sans aller jusqu’au verdâtre, dit que les pieds sont
grisâtres (F u s s e gräul ich) .
Donc- en admettant que le Cygne polonais soit une bonne espèce,
nos Cygnes faux-albinos sont autre chose que ce Cygne polonais.
(1) w. Jardine. Birds of Great-Britain and Ireland. IV. 97. in Naturalist library.
Ornithology vol. XIV, Edinburgh 1843. '
(2) Degland et Gerbe. Ornithologie européenne I I , 476. Paris 1861.
(3) À. Fritsch. Naturgeschichte der Vögel Europas, p. 400. Prag 1870.