Quelques stations indiquées par les auteurs ne semblent pas certaines;
nous n ’avons pu en retrouver trace, après enquête auprès des
pêcheurs ou vérification sur place; ce sont celles de Creux de Plan
(Vevey), Lutry, Pully, Y voire, Amphion. Elles sont p o u r le moins, douteuses,
et jusqu’à nouvelle justification, elles doivent être effacées,
du cataldgue.
Nous trouvons donc au moins 47 stations bien authentiques et certaines
sur leà bords du Léman ; cela représenterait une population assez,
serrée et assez dense, si toutes ces stations avaient été contemporaines.
Mais, comme .nous l’avons dit, elles sont d’âge archéologique différent;
il est évident que la période lacustre a eu une longue durée,
et nous devons pour avoir un tableau exact de ces temps antiques
nous rappeler que nombre de ces stations des premiers âges avaient
disparu quand les dernières ont été construites.
Cette affirmation est assez'importante pour que je croie devoir l’ap-
puyér par une observation précise. Dans le golfe de Morges, à 300m de
distance l’une de l’autre, nous trouvons les ruines de deux palafittes:
la station des Roseaux de l’âge de transition (civilisation de la pierre,,
avec importation des premiers objets de. bronze); ,1a grande cité de
Morges. du bel-âge du bronze. Nous les avons explorées avec Soin et
sur les milliers de produits de l’industrie humaine que nous y avons
recueillis, nous n’en avons pas trouvé un seul qui ne fût pas spécifique (*).
Les types de la station des Roseaux n’ont jamais été rencontrés dans
la Grande cité; les types du bel-âge du bronze ne se sont pas égarés'
dans le palafitte des Roseaux; il n’y a pas eu de mélange. Donc il y a
eu probablement succession dans la série des temps. Nous nous som-,
mes cependant demandés si cette spécificité intéressante ne s’expliquerait
peut-être pas par la richesse différente de deux tribus contemporaines.
Dans la Grande cité, une population fortunée aurait pu acheter
du bronze apporté par le commerce étranger, tandis que ces achats auraient
dépassé les pauvres moyens des petites gens habitant les Roseaux.
A cette question nous répondons: Ou bien les deux tribus vivant côté à
côte auraient été en bons termes, amies, alliées, et alors elles auraient
fait quelques échanges"; tout au moins les objets usés ou défraîchis
auraient passé du palais des Crésus dans la cabane de l’indigent ; il:
y aurait eu bientôt mélange. Ou bien les deux tribus étaient enne-
C) Voir page 427 l’expliçation des planches XII et XIII, ou la spécialisation des:
pièces archéologiques de ces deux stations est longuement motivée'.
mies, en état d’hostilité ou de guerre, et. alors le pillage reciproque
aurait amené la pénétration des trésorsxonquis dans le village vainqueur.
De toute manière il est inadmissible que deux villages si près
voisins, s’ils avaient été contemporains, n’eussent pas laissé infiltrer 1 un
dans l’autre quelques produits de leur industrie spéciale; donc ils se
sont succédé dans le temps. Si deux villages où nous trouvons le même
métal, le bronze, n’ont pas été contemporains, a fortiori, la succession
historique des civilisations de la pierre, du bronze et du fer s’impose a
notre reconstruction archéologique du passe (*)•
Ce n’est pas à dire que dans ces phénomènes d’évolution historique^
dans l’ère dès Palafitteürs, il n’y ait pas eu. conservation partielle
ou locale des anciennes civilisations. Du moment que nous, rejetons
l’hypothèsè de destruction de la population de l’âge de la pierre par
l’envahissement d’un nouveau peuple en possession du bronze, du moment
que nous admettons le développement progressif de la civilisation
dans, l e m ê m e peuple, nous "devons admettre qu’il doit s’être ;
montré des différences dans la pénétration des nouvelles inventions ou
des nouvelles'importations. Dans quelque village pauvre ou peu actif
les usages de l’âge de la pierre peuvent avoir été conservés pendant
que florissait déjà à Morges, à Genève, à Tougues ou à Thononla riche
industrie du bronze. Mais à en juger par les monuments que nous connaissons,
nous devons :décrire comme suit la population des rives du
Léman dans les âges successifs de l’histoire des Palafitteürs :
A l’âge de la pierre ont été bâtis sur le lac les palafittes de 1 Eglise
é t de la Poudrière, nos 40 et 12, de Morges, ceux de Fraidaigues, 14, du
Châtaignier, 18, de Promenthoux, 20, des Pâquis et des Eaux-Vives de
Genève,.27 et 28, de la Gabiule, 34, de Nernier, 42, de Coudrée, 45, et
de T-honon, 47, (11 villages). Ils ont été-détruits avant l’importation1
des premiers bronzes.
Les villages suivants de l’âge de la pierre ont duré, jusqu’à la première
importation du bronze, ou ont été bâtis pendant l’âge de transition
ou âge Morgien : Stations des Roseaux de Morges, 9, de Genève,
29, de la Pointe de la Rise, 32, du Creux de Tougues, 40 (4 villages).
fi Nous pourrions facilement ètayer ces déductions par des conclusions identiques
que nous tirerons plus tard de l’étude de la faune, ou'de nos observations
sur l’état de conservation des pilotis.. Pour simplifier la démonstration, nous
nous bornons à présent aux considérations ci-dessus (pii sont parfaitement suf-
lisantes.