ponse à cette questionne D1' A. P a u l y a présenté une dissertation('*)
qui, à bon droit, a été couronnée. Il a montré que souvent des Limnées
restent longtemps sans venir respirer à l’air; il l’a obsèrvé à l’état de
nature; il l’a constaté après M o q u i n - T a n d o n dans des expériences
où il entravait l’accès de l’air. Dans la plupart des faits cités par Pauly ,
le poumon du Mollusque était plein d’air; dans quelques cas, où il
semblait impossible que les Limnées fussent arrivées à l’atmosphère,
P a u l y explique la présence de cet air par l’aspiration ou la dégluti;
tion de bulles de gaz adhérentes aux corps submergés. Dans quelques
cas enfin le sac pulmonaire ne contenait que de l’eau.
J’apporte moi-même un nouvel exemple facile à vérifier. Sur les
pierres du palafitte de Morges, par 3 à 6 mètres de profondeur, je
trouve un grand nombre de Limnées (2), L. anricularia, qui n’ont point
occasion de venir à l’air ; aucune plante aquatiquè, dans cette localité,
n amène ses rameaux jusqu’à la surface. Ces Mollusques sont trop
lourds pour imiter leurs congénères des marais; pour se détacher du
sol et venir flotter sur l’eau; leur densité est toujours supérieure à celle
de l’eau et, soulevés, ils retombent pesamment au fond. J’en ai étudié
un grand nombre d’individus, et j’ai toujours constaté que leur poumon
était plein d’eau. Nous avons ainsi, déjà dans la région littorale;
un fait identique à celùf des Limnées de la région profonde qui sont
entièrement vouées à la respiration aquatique.
Une transition à ces cas extrêmes de respiration absolument aquatique,
s’opérant à la fois par la peau du corps et par la muqueuse du
sac pulmonaire, nous est donnée par les Limnées qui, après avoir
rempli d’air leur poumon, soit qu’elles aient été chercher cet air.
à la surface, soit qu’elles aient ingurgité des bulles de gaz excrétées
par les algues, restent fort longtemps sous l’eau sans renouveler
leur provision de fluide respiratoire. La petite quantité d’air
qu’elles ont pu emmagasiner dans leur poumon a son oxygène bien
vite épuisé, e t cependant ces Mollusques peuvent demeurer sous l’eau
des jours, des semaines, des mois, sans renouveler leur air respiratoire.
Dans ce cas, le poumon doit cesser de fonctionner pour l’échange des
gaz et la respiration est uniquement réservée à la surface cutanée.
Je puis encore citer un fait plus général. Ce n’est guère que par les
(*) A. Pauly. Ueber die Wasserathmung der Limnaiden. München 1877.
(*) On en trouverait de même sur toute partie caillouteuse de la beine.
beaux jours de grande chaleur que les Limnées des eaux superficielles,
marais, étangs, lagunes, viennent ouvrir à la surface Torifice de leur
cavité respiratoire; pendant toute la saison froide, elles restent sous
l’eau, et se contentent de la respiration cutanée. Lorsque l’eau devient
très chaude, elles semblent sentir le besoin d’une plus grande quantité
d’oxygène, et elles, viennent chercher l’air en nature pour en remplir
leur poumon. Cela nous aidera à comprendre le cas dés Limnées de la
région profonde. La température du milieu qui les baigne étant toujours
très froide, elles peuvent se contenter, comme les Mollusques
de nos marais en hiver, de la respiration cutanée. Elles aident du reste
à l’échange gazeux qui s’opère par la surface de la peau en remplissant
d’eau leur poumon dont la muqueuse délicate et bien vascularisée
fonctionne à l’état de branchie imparfaite.
La facilité avec laquelle les Limnées palustres qui ont pendant tout
l’hiver joui seulement de la respiration aquatique, en absorbant les gaz
dissous dans l’eau, reprennent dans les beaux jours du printemps la respiration
aérienne, nous explique un fait qui m’a longtemps paru fort
étrange. Quand je retire des. grands fonds du lac des Limnées qui-ne
sont jamais venues à l’air, et qui pendant toute leur vie n’ont respiré
que les gaz dissous dans l’eau, quand je les établis dans un aquarium,
aussitôt elles viennent à la surface, et immédiatement elles remplissent
d’air leur sac pulmonaire!1); elles subissent donc brusquement, sans
transition ménagée, une transformation'totale de leur fonction respiratoire,
laquelle se pérfectionne subitement, en augmentant énormément
d’intensité. Or ces animaux ne paraissent souffrir aucunement de cette
révolution physiologique, et après cette épreuve qui aurait dû, §emble-
,t-il les foudroyer, elles vivent encore longtemps en aqüarium. Je m’étonne
moins de la facilité avec laquelle elles supportent une crise
aussi violente, à présent que j’ai constaté que les Limnées des eaux
superficielles passent toutes, chaque année, par des transformations
physiologiques analogues et aussi brutales.
(>) Pauly a répété mon expérience sur les Limnées du lac de Starnberg; il a
constaté qu’elles semblent d’abord fort inhabiles à la respiration aérienne; elles
sortent trop de l’eau et font des mouvement inutiles ; plus tard tout sé régularise.
(loc Cil'.)