renferment que la moitié de la population ichthyologique de l’Europe
centrale; donc les obstacles géographiques qui s’opposent actuellement
à l’entrée de nouvelles espèces sont d’action déjà ancienne. La
plupart des espèces du Léman sont fluvio-lacustres; elles peuvent donc
être arrivées dans le lac par les quelques ruisseaux (Nozon, Grenet,.
etc.) dont les eaux se divisent entre les bassins du Rhône et du Rhin.
Mais il est quelques Poissons strictement lacustres, pélagiques même,,
les Gorégones, Féra et Gravenche, l’Omble-chevalier, qui n’entrent jamais
en rivière, en ruisseau tout au moins, et dont l’introduction dans
le Léman reste un problème non encore résolu. (111. 343-354.)
Rien de spécial à ajouter sur le cosmopolitisme des sociétés biologiques
des régions littorale et pélagique ; nous en avons expliqué la
cause. (111. 273-292). Quant à la société dès eaux profondes, sauf deux
espèces de Crustacés aveugles, Niphargns Foreli et Asellus Foreli^
qui proviennent de la faune des eaux souterraines (111. 300-307), nous
avons démontré qu’elle doit son origine au transport accidentel, actif
ou passif, des organismes littoraux qui s’égarent dans les régions froides
et obscures des grands.fonds du lac. Ceux qui résistent au changement'
de milieu y végètent en variétés pauvres et rabougries : s’ils font
souche, ils donnent lieu à une descendance chétive qui semble, à eu
juger par la variabilité de nos faunes et flores profondes, ne pas se
propager en longues séries de générations. (III. 265-308.)
Tout cela n’est pas propre au Léman ; mais C’est en les étudiant dans-
ce lac que nous avons établi l’enchaînement de ces notions.
Un fait spécial, d’un intérêt général, me paraît mériter l’attention des.
naturalistes à la recherche des origines de l’espèce, de ceux en particulier
qui, avec Hugo d e V rie s, constatent des apparitions de nouvelles
formes par variation subite et étendue d’une ancienne espèce; c’est
l’apparition en 1868 de la variété des Cygnes faux-AIbinos dont le cy-
gnetnaît blanc, et qui dès sa première plume revêt la livrée de l’adulte.
(111.308-326.) C’est, bien antérieurement aux Oenothères de Vr i es ,
un cas d’apparition subite d’une variation fort étendue, ayant presque
la valeur d’un caractère spécifique, survènue sous nos yeux, sans passage
ni transition progressive;, c’est un premier cas de ce qu’en 1864
mon cher et très vénéré maître, A. Kol l ik er . appelait l’hètérogéniey
et qu’il avait indiqué comme l’un des modes probables de la création
d’espèces nouvelles. *
CONCLUSIONS ET RÉFLEXIONS FINALES.
Des conclusions, il est difficile d’en donner à la fin d’un traité de
géographie ou d’histoire naturelle qui décrit des faits et des choses, et
en cherche 1 explication, mais dont la composition n’implique pas de
déductions générales embrassant en une vue d’ensemble les différentes
parties développées dans les chapitres successifs du livre.
Tout au plus puis-je essayer d’émettre quelques réflexions, donnant
mon appréciation personnelle sur l’un ou l’autre des faits ou
des théories exposés dans ces pages.
Je confirmerai avant tout par l’étude analytique que j ’ai consacrée
au Léman la conclusion la plus générale de mon traité de Limnologie
générale(i), l’individualité de chaque lac. Nous avons déjà indiqué ce
point à la page 407 de ce volume, quand nous avons résumé la circu-
. lation de la matière organique. Nous pouvons étendre cette généralisation,
et dire qu’à tous les points de vue le lac est un individu géographique.
Sous quelque face qu’on le considère, qu’on étudie sa physique,
sa chimie, sa géologie, sa minéralogie, son hydrologie, sa biologie,
etc., il est un individu spécial, caractérisé par des grandeurs, par
des. valeurs, par des faits, par des choses à lui propres. Chacun de ses
détails suffit presque à le définir, ou tout au moins à le distinguer de
ses congénères. De même qu’il n’y a pas deux îles, deux montagnes,
deux fleuves qui soient identiques, de même chaque lac diffère de tous
les autres par les détails de ce qu’on peut appeler'son organisation ou
sa vie, s’il est permis d’appliquer ici ces termes de biologie.
Il en résulte que chaque lac mérite une description particulière, une
monographie qui analyse et précise ses caractères individuels. Les faits
généraux ne demandent pas à être répétés ; les faits spéciaux réclament
au contraire une détermination attentive. Cette description,
que je sollicite des lacs que mes confrères ont étudiés, devrait pas
présenter les développements que j ’ai dû donner à ma monographie
(‘) F. A. Forel. Die Seenkunde, p. 239. Stuttgart 1901.