deux fois seulement j ’ai vu la surface de l’eau couverte d’une pellicule
verte, composée de Panderines surnageant sur l’eau; dans ces cas
c’était une vraie « fleur du lac ».
Notre *< fleur du lac » ordinaire sur le Léman est formée par du
pollen de Conifères. Au printemps, dans le mois de mai, les affluents
apportent au lac d’assez grandes quantités de pollen de Sapins,
de Pins et de Mélèzes pour que, accumulée par les vagues et les coulants,
cette poussière salisse le lac en de grandes taches jaunâtres,
irrégulières, qui se voient surtout dans le Haut-lac. Ces masses de matière
organique, flottant à la surface de l’eau, sont de bonne proie pour
les animalcules qui se multiplient dans ces vastes radeaux. S c h n e tz l e r
a reconnu dans quelques exemples de fleur du lac recueillis devant
Vevey en 1854, les organismes suivants (*) Monas Zens, Kerona pustu-
lata, Enchélys pupa, Amoeba diffluens, Vorticella convallaria, Colpoda
cucuttus, Chilodon cucullus, Paramenium caudatum, Trachelius fas-
ciola, Eoxodes cucullus, Polytoma uvellu, Diatoma tenue, Gomphonema
constrictum, Navicula... Closterium... Monostylo, lunaris, ScUpino
mutica, Dileptus aureus, Vaucheria... Oscillatoria... etc.
Je considère cette société d’ordre composite comme étant des organismes
des eaux campagnardes ou des eaux littorales, erratiques dans
la région pélagique, tandis que le pollen de Conifères, lui-même, est‘
simplement à l’état adventice.
10° Caractères et moeurs' des organismes pélagiques.
Quelques caractères sont communs à l’ensemble des organismes qui
composent la société pélagique, d’autres à certains groupes seulement.
Je les résumerai; pour cela je sortirai du monde restreint du plancton
(produit de la pêche d’un filet de mousseline) et je considérerai tous
les organismes pélagiques, Oiseaux, Poissons, Entomostracés, Rotateurs,
Protozoaires et algues.
Avant tout je dois les diviser en deux groupes :
Organismes nageurs, s’élevant par leur densité qui est plus faible
que l’eau, à la surface où ils surnagent. Ce sont les Oiseaux et quelques
algues ; sur le Léman l’Anabaena flos-aquae seulement.
Organismes flottants, de densité égale ou de très peu supérieure à
(*) Bull. S. V. S. N. IV 162. Lausanne, 1854.
celle de 1 eau, flottant hydrostatiquement entre deux eaux ou se soutenant
par quelques mouvements natatoires. Ce sont parmi les premiers
les algues, la plupart d’entre elles, parmi les seconds les-Poissons,
les Entomostracés, les Rotateurs et les Protozoaires.
Cette distinction se rapproche de celle q ue je cherche depuis longtemps
à introduire dans la science, mais à laquelle je n’arrive pas faute
•de trouver un mot qui l’exprime. Je voudrais séparer les animaux qui
se meuvent dans deux dimensions seulement et ceux qui disposent de
l’espace dans ses trois dimensions. Cette distinction serait souvent
fort commode. .
Au premier groupe appartiendraient les organismes fixés, les animaux
rampants, marcheurs, sauteurs, ceux qui plus lourds que le
milieu dans lequel ils vivent retombent sur le sol; et aussi ceux qui
sont plus légers, qui viennent nager à la surface de l’eau, les Palmipèdes
nageurs, et les algues qui forment la « fleur des eaux »; Ceux
qui sont mobiles peuvent se déplacer en avant, en arrière, latéralement,
mais toujours dans le même plan; ils ne peuvent ni s’élever ni
s'abaisser dans l’air ou dans Féau, ni voler, ni flotter, ni plonger. Leur
vie est limitée aux deux dimensions de la géométrie plane.
Au second groupe appartiendraient les animaux mobiles, aérostatiques
ou hydrostatiques, ceux qui volent dans l’air, Chéiroptères,
Oiseaux et Insectes, ceux qui flottent et nagent entre deux eaux, organismes
pélagiques en général. A ceux-là sont réservés les grands
■espaces, la vraie liberté d’allures; ils se meuvent dans les trois dimen--
sions, ils ne sont pas limités au seul plan. Ils peuvent voler, ils peuvent
planer, ils peuvent nager et plonger.
Il y aurait encore, un groupe intermédiaire, celui dés organismes liés
à la vie dans le plan, mais qui peuvent s’en écarter temporairement en
sautant en l’air ou dans l’eau, en plongeant sous l’eau; comme le font
certains Oiseaux et Insectes marcheurs qui savent se soulever en sautant
dans l’air pour retomber ensuite sur le sol,— le Poisson volant qui
sort de l’eau pour sauter dans l’air,—Je Palmipède,le Cétacé, la Loutre
qui savent plonger sous l’eau, — l’Araignée et l’Homme aéronautes.
Je me permets de recommander cette distinction à nQs zoologistes
hellénisants. Ils trouveront peut-être quelque mot grec qui expliquerait
d’une manière plus simple ce que je viens d’essayer de séparer
par de longues et lourdes phrases. Le néologisme, dont on aime tant à