incontestablement en possession d’une industrie plus perfectionnée
•que celle du Paléolithique; mais au point de vue artistique, iLétait inférieur
à l’homme de Thaïngen. Il savait orner ses vases et ses bijoux
■en y dessinant des lignes e t des cercles relativement simples; mais il
ne savait pas (ou ne voulait pas, peut-être par préjugés religieux) représenter
comme le faisait son prédécesseur.de l’époque magdalénienne la
figure des animaux, des plantes ou des hommes.
Enfin, pour autant que les études modernes et les hypothèses que
nous en tirons ne nous induisent pas en erreur, l’homme lui-même, au
point de vue zoologique, a changé, la race n’est plus, la même.
Dans le paléolithique on connaît actuellement deux races, bien caractérisées
(*); la race de Néanderthal, très dolichocéphale, avec front
fuyant et arcades sourcilières énormes ; la race de Laugerie, encore
dolichocéphale, mais à tête-un peu moins, étroite, avec un front élevé
-et des arcades sourcilières peu'saillantes. Donc, les deux races jusqu’à
présent décrites dans le paléolithique sont franchement dolichocéphales;
Quant à nos Palafitteurs, toutes réserves faites sur l’attribution au
peuple qui a bâti les palafittes des crânes que nous trouvons dans
'leurs ruines, toutes réserves faites sur la possibilité que ces crânes ne
fussent que des trophées, par conséquent des crânes de peuples ennemis,
peut-être d’autres races, la prédominance manifeste des brachycé-
phales dans les stations de l’âge de la pierre, et spécialement de la
pierre ancienne, nous fait donner au néolithique de la Suisse une brâ-
chycéphalie probable. Les Palafitteurs où leurs contemporains terri-
-coles de la campagne suisse étaient des « têtes-carrées ÿ.
Donc ils n’étaient pas de la même race que les Paléolithiques dolichocéphales;
donc il y a eu succession dans les races humaines.
Donc, laps de temps énorme entre le paléolithique et le néolithique,
pendant lequel la géologie de notre pays subalpin, le niveau du lac, le
climat, la flore, la faune ont changé du tout au tout ; disparition absolue
d’un peuple humain caractérisé par une industrie et un art spéciaux;
apparition d’un peuple-nouveau avec industrie et arts différents.
Il n’y a pas succession par descendance des deux races'humain
e s ; les Paléolithiques dolichocéphales n e sont pas les ancêtres des
.Néolithiques brachycéphales ; de-ces peuples, l’un avait depuis long-
P) Cf. G. et A. de Mortillet. Le Paléolithique. Paris, 1900, p. 244” sq.
temps disparu par extinction ou par émigration quand l’autre est
arrivé par immigration. Entre deux il y a lacune historique, ethnologique,
anthropologique.
Comment s’est faite la transformation de la contrée, comment celle
de ses habitants pendant la lacune ?
Le niveau" du lac s’est abaissé par suite de l’érosion du goulet de
l’émissaire ; le climat s’est adouci en même temps que les glaciers
moins puissamment alimentés descendaient moins loin dans les vallées;
le terreau s’est reformé progressivement aux dépens des cadavres
végétaux des générations anciennes ; la forêt a envahi la moraine,
profonde; la faune diluvienne s’est éteinte dans un climat trop doux
pour des organismes glaciaires et la faune quaternaire a repeuplé le
pays, par immigrâtion de proche en proche. Tout cela est fort simple
e t s’enchaîne fort naturellement. Mais l’homme1? qu’a-t-il fait pendant
ce temps? La plaine de Suisse a-t-elle été déserte d’être humains p e n dant
la lacune historique ou bien a-t-elle été parcourue par quelques
familles nomades qui n’ont pas laissé de traces reconnaissables par
notre archéologie moderne? Ou encore les tombes cubiques de Cham-
blandes, de Pierra-Portay, etc., sont-elles l’indice d’une population de
nains dolichocéphales, proches parents de ceux du Schweizersbild, qui_
auraient précédé nos Palafitteurs. M o r tille t croit avoir reconnu en
France des restes de tribus qui combleraient ce qu’il appelle le hiatus,
notre lacune historique, il en fait son époque Tourassienne (*). C’est
encore bien peu précis. Je préfère m’abstenir.
Reprenons notre étude de la chronologie géologique, ou chronologie
relative. L’ère des Palafitteurs s’est prolongée dans notre pays subalpin
pendant des séries de-siècles. Nous sommes incapables d’évaluer
en nombres cette durée, qui a certainement été très grande.
La-grandeur de cette durée nous est prouvée par l’ensemble des
études faites dans les ruines des cités lacustres; j’en extrairai quelques
points spéciaux.
(') G. et 4. de Mortillet. Le préhistorique, Paris 1900, p. 238. — Le caractère donné
A cette époque Tourassienne, d’après l’abri de fa Tourasse (Haute-Garonne), et
la grotte du Mas d’Azil (Arriège), est l’apparition de la faune actuelle ; les harpons
cylindriques en corne de Renne sont remplacés par des harpons plats à grandes
barbelures irrégulières en cornes de Gerf. Le Cerf c’est la faune actuelle, le Cerf
c’est l’époque néolithique. C’est -parfait, mais les exemples cités sont insuffisants
pour caractériser une époque du. développement de l’humanité. ■