■voyons de nos jours, dans notre siècle de reportage, les témoins
oculaires jouer comme ils le font avec la précision historique, il est
permis d’accorder une certaine élasticité aux récits de témoins auriculaires
des anciens temps, de témoins de seconde main, et à longues
■distances.
J’admettrai volontiers qu’il y a eu quelque chose sur le lac, un orage
■ou de fortes seiches; que l’événement est arrivé en temps de hautes
eaux, alors qu’une seiche de 50e™ ou de l m aurait pu causer une véritable
inondation à Genève. Qu’un pont de bois ait été enlevé, que ses
-débris aient été portés sur les moulins qui probablement déjà encombraient
le lit du fleuve à Genève; ceux-ci peuvent avoir été démolis;
qu il y ait eu quelques personnes de noyées, n’y a-t-il pas là assez pour
-excuser toutes les amplifications de M a riu s d’Avenches ou de G ré g
o i r e de Tours? Que l’événement ait coïncidé, ou à peu près coïn-
•cidé, avec l’éboulement du Valais, la tradition orale qui le racontait aux
-chroniqueurs aura réuni les faits en une seule catastrophe.
Mais si j'admets qu’il y a-eu inexactitude ou amplification dans les
récits des chroniqueurs, cela me laisse beaucoup plus de liberté pour
le choix de l’emplacement du Tauredunum. En effet, en constatant que
le récit a des exagérations sur un point, je perds toute croyance'dans
la sûreté de cette partie du narré; je suis en présence d’un chiffre dont
la virgule décimale est mal placée, dois-je la déplacer d’une dizaine,
-d’une centaine, d’un millier? Je n’en sais rien, et le chiffre a perdu
toute signification pour moi. Dans la recherche du lieu du Tauredunum
j e n’ai plus à faire iptervenir les inondations des bords du Léman; je
n ’ai plus qu’à trouver une localité où il y ait eu éboulement de mon-
lagne, ou,suivant la thèse très plausible du comte R ia n t (i),glissement
du terrain sur lequel était bâti le château; et certes de telles localités
ne manquent pas dans le Bas-Valais. L’éboulement a dû arriver jusqu’au
Rhône quia reflué et inondé ses rives; dix localités dans les environs
de St-Maurice répondraient à ces conditions, la Dérotscbia aussi
bien que le Bois-noir, le Bois-noir aussi bien que la Dérotschia. Cela
étant, je ne vois pas de raison pour ne pas admettre la tradition de
l’abbaye de St-Maurice, témoin oculaire, et très intéressé de l’événement
du VR siècle, qui s’est passé à ses portes, et où quelques-uns de
-■ses membres ont joué un rôle actif, quoique peu glorieux.
«(*) Communication en manuscrit original.
Que l’on me montre du reste par des preuves suffisantes que c est à
toute autre place qu’était situé le Tauredunum, je suis prêt à me rendre,
n ’ayant aucun argument de fait en faveur du Bois-noir contre les autres
localités, ses rivales.
En résumé, les thèses que je soutiens dans cette question sont:
1 ° 11 n’v a pas possibilité d’expliquer les désastres décrits par les
chroniqueurs sur les rives du Léman, par le fait seul de l’écoulement
d ’un lac temporaire dans la vallée du Rhône.
2 ° 11 y a probablement exagération dans les descriptions des dits
chroniqueurs pour ce qui regarde l’inondation dès bords du Léman et
de Genève.
3» En admettant qu’il y a eu exagération on ne peut plus faire de
l’inondation des bords du Léman le point capital, le centre, le pivot
dans la recherche de l’emplacement du Tauredunum.
4° La tradition conservée à l’Abbaye de St-Maurice, laquelle existait
déjà depuis deux siècles lors de la catastrophe qui a eu lieu près de là,
est un puissant argument en faveur de l’hypothèse qui place le Tauredunum
au Bois-noir.
CHAPITRE V.
LA FRONTIÈRE DES PAYS RIVERAINS DU LÉMAN.
Cette frontière est au milieu du lac. Elle a été établie par le traité de
Lausanne du 30 octobre 1564 entre LL. EE. de Berne et S. E. le
duc. de Savoie. Voici l’article de ce traité qui règle la question des
limites 0 . C’est une traduction d’allemand en français par Nicolas
Zerkinden, ancien secrétaire d’état, 9 août 1567.
« . , . . . Pour le vingtième, ayons nous, les médiateurs, déclaré que
parmi ce, n’entendons aucunement être ôté, ni à l’excellence de monsieur
de Savoie, ni aux Seigneurs de Berne, tel droit au Lac que chaf1)
Grenus. Documents relatifs à l’histoire du Pays de Vaud, n» 129, p ..234.
«Genève 1817.’