(jeux espèces on peut dire qu’,elles ont perdu l’habitude, au moins;
dans nos lacs subalpins, de donner des oeufs d’hiver à intervalles réguliers.
Pour D. hyalina il n’en est pas ainsi partout: ainsi en Croatie
nous savons qu’il s’y produit des ephippiums. De mêmepour B. coregoni
la possibilité d’apparition d’oeufs d’hiver en Scandinavie et en Allemagne
du Nord n’est pas complètement éCartée. Mais dans la Suisse,
chez D. hyalina les mâles ne se montrent que rarement, les oeufs
d’hiver jamais; chez B. coregoni 1 un et l’autre manquent. Ces espèces
sont plus ou moins absolument acyclixtes pour employer la terminologie
de Weismann. Les colonies de ces deux Cladocères sont donc-
complètement isolées dans nos lacs; elles reçoivent peu de sang nouveau
venant de l’étranger, et elles-mêmes elles ne sont pas transportées
dans des lacs voisins. Elles se comportent comme des Oiseaux
aptères dans des îles perdues de l’océan. Ces conditions èxpliquent
parfaitement la formation de variations locales. D. hyalina a des. formes
spéciales dans les lacs de Walenstadt, de Zurich, de Thoune, de Neu-
châtel, dans le Léman, le Ceresio, le Lario, en outre des formes mal
différenciées dans tous les lacs. (Groupe des Microcéphales, formes;
typica, richardi, eylmanni, luçernensis, pellucida.) Pour B. coregoni,
au contraire, nous trouvons dans chaque* lac une variété locale : c&
n’est que dans des lacs intimement unis ensemble, comme Pfâffikon-
et Greifensee, ou comme les trois lacs de l’Engadine, que l’on constate
des formes à peu près semblables.
Quant à la flore pélagique, on y connaît des variations, assez étendues.
Ainsi Ceratium hirundi?iellaprésente une multitude de variantes
souvent très divergentes que P ita r d ( i ) et .S c h rô te r(> ) ont représentées
dans quarante dessins^différents. Ainsi Asterionella gracillima
varie dans ses dimensions de 52 à 106 p pour la longueur des rayons,
et dans sa complexité de 4 à 17 rayons pour une seule colonie. Pour
Fragilaria crotonensis la longueur des cellules varie de 55 à 160 [x, la
largeur de chaque bâtonnet de 3 à6|x, sans parler des différences dans.
la torsion du ruban pectiné qui fait des spirales plus ou moins compliquées.
La variation des Cyclotelles est aussi très étendue (S c h rô te r) .
Ces variations sont-elles locales ou biologiques? Correspondent-elles-
à des colonies séparées et différenciées grâce à un isolement plus ou,
(') Pitard, loc. cit. [p. 133].
(2) C. Schrôter. Die Schwebeflora unserer Seen. Zurich 1897.
moins complet? Sont-elles seulement le résultat d’un polymorphisme
très étendu dans l’espèce? Nous n’avons pas encore les éléments pour
décider cette question, qui, on l’a vu pour les Cladocères, implique la
connaissance de facteurs assez complexes.
Au sujet de la genèse de la société pélagique nous avons encore une
considération générale à présenter. Tous les naturalistes ont été frappés
des différences notables qui séparent la composition de la population
de deux lacs voisins, placés, semble-t-il, dans des conditions
identiques..Ce n’est pas que les espèces représentées ne soient pas les
mômes: nous avons dit que les listes d’organismes pélagiques se
répètent dans tous les lacs du môme continent. Mais c’est la proportion
en nombre des individus : dans un lac ce sera telle espèce de
Crustacés qui prédomine, dans un autre telle espèce de Rotateurs, ou
de Dinoflagellés, ou d’Algues. Cela est tellement apparent que l’on
a caractérisé la société pélagique de certains lacs comme étant du
plancton d’Entomostracés, d’autres lacs du plancton d’algues, de
Ceratiums, de Dinobryons, de Rotateurs. Ces faits, étranges au premier
abord, qui ont vivement attiré l’attention des limnologues, s’expliquent
fort bien par ce que nous savons de la prolifération extraordinaire de
certaines espèces orgàniques. Sous des influences1 à nous inconnues,
nous voyons tout à coup les eaux d’un lac envahies par une espèce
pélagique qui se met à proliférer, tellement qu’elle prédomine et
devient presque exclusive.
J’en donnerai un exemple en résumant l’histoire du lac de Zurich
dans les dernières années. La société pélagique de ce lac n’avait rien
d’extraordinaire ou d’anormal : A sp e r, Im h o f, H e u s c h e r , S c h r ô t
e r , L a n g l’avaient étudiée, sans y rencontrer autre chose que la présence
des organismes classiques de la région centrale des grands lacs.
Tout à coup, en mars, et surtout en mai 1896 une Diatomée pélagique
se met à proliférer extrêmement : la Tabellaria fenestrala était connue
auparavant dans les eaux de ce lac, comme dans celles des autres lacs
suisses, mais en quantité réduite; à partir de mai 1896 elle prédomine
tellement que le plancton semble n’être composé que de cette Algue.
Le 15 mai 1896, une pêche au filet d’Apstein, devant Thalweil, me
donné un produit double et triple en quantité (260cm3/m2) de ce que je
trouvais en cette saison dans le Léman (103 ou 126cm3/'m2), Les 12 et
19 mai H e u s c h e r et S c h r ô t e r en constatent 760 et 1000c™3/m'3,