Pour autant qu’jl est permis .de tirer des déductions d’un aussi
petit nombre de pièces, dont m êm e ja signification ou la détermination
sont souvent incertaines, on peut admettre que chez ces
débris trouvés dans les palaflttes la brachycéphalie était dominante
pendant le plus ancien âge de la pierre ; que la mésocéphalie et la
dolichocéphalie ont prédominé à la fin de l’âge-de la pierre et pendant
l’âge du bronze,- .
Pouvons-nous aller p lu s'lo in ? Admettre avec S tu d e r et B a n n -
w a r th que les Palafitteurs étaient de race brachycëphale ; que les méso-
céphales et dolichocéphales qui apparaissent dès le bel âge de la pierre
et se multiplient à l’âge du bronze étaient de racé étrangère. J’y serais
assez disposé. S tu d e r formule cette hypothèse dans une phrase
que nous traduisons textuellement : « Les crânes dolichocéphales n’appartiendraient
pas aux habitants des palaflttes, mais à des étrangers.
Que ceux-ci soient venus pour les intérêts de leur commerce, ou bien
que, avant-garde d’une grande invasion, ils aient essayé de conquérir
le pays, ils ont été tués par les Palafitteurs de la pierre, et" ils ont laissé
dans les villages de ceux-ci le métal qu’ils avaient apporté, et aussi
leurs crânes^lamentables trophées de la victoire de leurs ennemis.»:
En tous cas la race dominante, d’après les crânes des plus anciens
palaflttes, les brachycéphales n’avaient rien à faire avec les dolichocéphales
à arcades sourcilières proéminentes, à front fuyant de la race
de Spy, de Néanderthal, ni même avec celle de Laugene qui lui a succédé
dans les temps paléolithiques, rien non plus avee les nains dolichocéphales
du Schweizersbild ou de Chamblandes.
Voici la description que nous donne S tu d e r des têtes carrées des
brachycéphales des palaflttes : « Le crâne est large et moyennement
haut ; le front est large et bas, le vertex plat, légèrement relevé sur la
ligne, médiane; les bosses pariétales sont fortement.saillantes. Souvent
on voit une dépréssion aplatie à l’extrémité postérieure de la suture
sagittale, en avant de la lambdoïde. L’écaille de l’occipital est fortement
bombée. La coupe normale du crâne est un pentagone dont les côtés
tombent obliquement en dedans chez la femme, verticalement chez
l’homme, repoussés qu’ils sont par le développement considérable des
apophyses mastoïdes.
« De la figure nous savons peu de chosé; un seul crâne nous la
dénnant entière (Auvernier, station de la pierre, fig. LXXI à LXX11I de
Studer et Bannwarth). Dans cette tête la face est large, chaméprosope,
à orbite peu élevée, chamêconque, à index. palatin égal à 100. La racine
du nez est enfoncée et l’aile du nez saillante. Les mâchoires sont
légèrement prognathes. Chez l’homme les os sont épais, les insertions
musculaires saillantes, les arcades sourcilières et les bosses frontales
proéminentes. La glabelle est enfoncée. La ligne nuchale supérieure
est puissamment marquée. Il semble que ces hommes portaient volontiers
des fardeaux sur la nuque, comme le font aujourd’hui nos chasseurs
de chamois. Les crânes de femme sont plùs délicats, plus
arrondis. Les os en sont moins épais ».
On prendra du reste une très aimable idée du type de nos Palafitteurs
en admirant la curieuse restitution qu’en ont faite le prof. J.
K o llm a n n et le sculpteur B ü c h ly , de Bâle, d’après un crâne féminin
de la station d’Auvernier, âge de la pierre. Nous sommes tous d’accord
pour retrouver les traits de ce buste.dans nos jolies filles du centre et
du nord do la Suisse. _
Quant aux mésocéphales et aux dolichocéphales dont les crânes ont
été recueillis en assez grand nombre dans les stations du bronze, je
renonce a ie s décrire ici; ils diffèrent tant d e-l’un à l’autre que jfe ne
puis' y découvrir un typé fixé. Du reste nous ne savons qu’en faire et
léurs rapports avec les habitants des palaflttes sont pour le moins
douteux.
L’impression que je retire de cette étude anthropologique.est que
lès populations de la Suisse à l’époque des palaflttes étaient déjà composites
presque autant qu’elles le sont actuellement. Par des croisements
entre les races qui s’étaient rencontrées ailleurs dans des générations
antérieures, ou qui se rencontraient alors dans la plaine entre
Alpes et Jura, les sangs se mélangeaient assez pour qu’aucun type de
race n’ait prédominé et ne soit resté reconnaissable. Pas plus alors que
de nos jours nous n’avons eu et nous n’avons en Suisse de race pure
de l’espèce humaine (*).
Ce n’est pas étonnant, dira-t-on ! Nos populations suisses sont un
PI Gomment se font ces mélanges de sang? En voici un exemple. Mes enfants
ont un père et une mère vaudois, bourgeois de Morges et d’Yverdon, deux anciennes
bonnes villes-du Pays de Yaud ; ils semblent devoir-être de race vaudoise pure.
Or, si je remonte seulement à leurs 32 ancêtres de la 5e génération j’y trouve : 7 Vaudois,
7 Genevois, 2 Bernois, 12 Français et 4 Allemands ; ils n’ont pas le quart de
leur sang vaudois,.