le Comte vert. 11 y est parlé de la g r a n d e g a lè r e , magna galea, montée
par 90, 100, 117 rameurs, et toute une troupe d’archers. Le nombre
des rames n’est pas clairement indiqué; quand il est parlé de 72 rames
fabriquées pour une galère, on ne sépare pas les rames en exercice
des rames de rechange qui étaient toujours en grand nombre.^ En admettant
qu il y eût 24 ou 25 paires de rames pour la mise en mouvement
de la galère (i), cela représenterait, à deux rameurs par aviron,
(nombre qui ne semble pas avoir été dépassé sur le Léman) 100 rameurs,
plus quelques matelots pour les manoeuvres, sans oublier les officiels,
on arrive ainsi au chiffre maximal, 117, indiqué dans les comptes.
11 y est parlé de p e t i t e s g a l è r e s , parve galee, ou de .g a lio tte s
dont les dimensions et l’armement sont difficiles à apprécier.
Au moment oü cette flotte a eu son plus beau développement, nous
trouvons les traces de quatre ou cinq galères appartenant à la cou-
îonne de Savoie, plus deux barques à barrières, naves baragniaiae,
suivant nous de véritables galères, appartenant à la ville de Genève,
naves civïbus gebmn. (Comptes de Chillon de 1288-89), et encore une
b a r q u e c o r s i è r e . .
Villeneuve était alors le port militaire-de la flotte de Savoie; ily avait
deux abris couverts pour les galères, l’un sur terre, l’autre dans le lac.
C’est dans cette ville qu’étaient un arsenal et des magasins où les galères
venaient se ravitailler en machines de guerre, en armes, en munitions
et en vivres. ',
Fait intéressant et qui explique l’existence sur notre lac d’un type
aussi particulier de navires que la galère, qui avait été inventé sur la
Méditerranée par les républiques italiennes, c’est que lors de l’apparition
de ces bâtiments, les galères proprement dites, leur construction,
leurs i éparations, leur calfatage ont été remis entre les mains de
maîtres Génois que les .comtes de Savoie faisaient venir à grands frais
de si grande distance; et cela souvent non sans peines et difficultés:'
en 1316, il fallut envoyer à Gènes trois ambassades pour obtenir enfin
ce préciéux concours. De 1289 à 1350 nous voyons successivement
dans les chantiers de Villeneuve les noms à désinence italienne de 14
de ces calefadores, magistri galee, rectoreb galee, à côté de ceux des
charpentiers indigènes et des ingénieurs engeniatores domini. La
galère du Léman est donc une copie de la galère de la Méditerranée.
6 ) La galère r é a 1 e ■ des flottes de la Méditerranée ne portait pas plus de 52
rames, soit 26 paires d’avirons.
De 1350 à 1535 nous perdons les traces des galères de Savoie, dans
les documents que nous avons sous la mam(>), mais il est probable
.que cette marine militaire a continué à prospérer, car quand l’histoire
recommence à en parler, elle est parfaitement florissante.
En novembre 1535 on voit te due de Savoie bloquer Genève par la
voie du lac : « La barque que 1e Duc avait fait faire les années passées,
•qui étoit à Chillon, fut anienée à Nyon aveô environ cent nacelles,
quelques jours après o n tint la dite barque au milieu du lac pour garder
tes passages du lae{2).
Dans les narrés du Chroniqueur, si délicieusement vivants, mais si
insuffisamment documentés par des citations précises, on voit l’existence,
d’une vraie, boitille de guerre Savoyarde qui apparaît lors de
l’invasion du pays de Vaud par l’armée bernoise: « 28 janvier 1536.
Bientôt une flottille composée d’une galère et de huit barques s est
montrée sur 1e la c ; Elle s’est approchée de St-Sulpice, quelques
bordées de canon l’ont forcée à prendre le large et à rentrer dans 1e
port de Morges . . . . . puis abandonnant le pays à notre armée, elle a
fait force de voiles vers la Savoie{3). »
Enfin, lors du siège de Chillon par l’armée bernoise en mars 1536,
on voit la grande galère savoyarde(*) échapper à force'de rames à la
poursuite de la flottille genevoise.
Nous avons vu déjà, en 1268, l’existence des barques appartenant
A la qité de Genève, deux naves baragniate civibus geben(5). Mais
-c’est seulement à partir du commencement du XVIe siècle que la flotte
genevoise commence à entrer sérieusement en action. Genève s était
émancipée en 1526 et avait inauguré ses luttes héroïques contre Savoie
qui cherchait à reprendre possession du joyau le plus précieux de
(1) Les comptes du péage de Vifleneuve qui renfermaient le plus de notes sur
les galères ne vont pas au delà de l’an 1352, et je n ’ai p a s eu.la possibilité de poursuivre
au delà de cette date l’étude des comptes de la châtellenie de Chillon. M.Naef
m’assure du reste qu’il n’y a plus rien dans ces comptes, à p a rtir de 1350, qui inté-
Tesse les galères.
(2) Savion. Chronique de Genève. I I, 219. MS. Bibl. de Morges.
(3) L Vulliemin. Le • C h r o n i q u e u r , p. 231. L ausanne 1886. M. Stettler, d o ù
ce récit semble avoir été emprunté, parle de huit grps bateaux et une barque:
’Schweizerchronik II, 82. Bern 1626.
(4) « Le Château de Chillon était gardé p a r une grande barque munie
d ’armes, telle qu’encore semblable n’avait été vue su r ce lac ». Michel Roset. Chro-
miques de Genève. I II , cap. 66. MS.
(5) Voir page précédente.