‘Confirmée par celle d’uü confrère, feu le professeur L. G ra n g ie r, de
Fribourg, qui écrivait à propos des bois tirés des palafittes d’Estavayer
au lac de Neuchâtel : « J1 va sans dire qu’il ne peut être question d’arracher
les pilotis de la térievière d’Estavayer de l’âge de la pierre, de
les sécher et d’en travailler et sculpter le bois, comme pour les pilotis
-des stations du bronze; les pieux de cette tênevière (de la pierre)
-sont excessivement tendrës, le couteau y pénètre comme dans du
beurre, et la dessication les fait tomber en poussière (1).
L’ensemble des laits connus nous force à attribuer à l’ère des Pala-
fitteurs une durée très grande. Ce n’est pas par années, c’est par
-siècles, par dizaines de siècles, que nous devons l’évaluer. Je ne connais
pas un seul argument qui nous engage à la raccourcir.
Quelque longue qu’ait été la durée de l’ère des Palafitteurs, elle a
eu une fin. Cette fin a été brutale; une catastrophe a interrompu
l’évolution paisible de nos peuplades lacustres.
Tandis que depuis l’âge le plus ancien de la pierre néolithique, à
l’âge de la pierre forée et sciée, à l’âge de transition d é 'la pierre aii
bronze, au bel-âge du bronze, à la première importation de quelques
pièces de fér, il y a eu succession continue, développement progressif,
tout à coup nous constatons une rupture avec le passé, une.fracture
historique, une faille. Un peuple de civilisation précise; à nous bien
-connue et bien caractérisée, disparait; un .autre peuple, d’autres peuples,
apparaissent et lui succèdent.
Comment les palafittes ont-ils été détruits. Nous en sommes réduits
-aux hypothèses, mais ces hypothèses nous paraissent assez plausibles.
C est par 1 incendie, dont les traces sont encore évidentes dans
toutes les stations de l’âge du bronze, que les villages lacustres ont
-été anéantis. Ce n’a pas été un incendie accidente], le feu mis involontairement
par un maladroit ou un étourdi, volontairement par un
malandrin, ou fortuitement par la foudre ; les indigènes sitôt après la
catastrophe seraient venus fouiller dans les ruines pour y repêcher les
trésors de grand prix que les objets métalliques, simplement par la
^valeur du métal, représentaient pour eux. C’est à un incendie volontaire,
à un fait de guerre venant de l’ennemi, que nous devons attri-
•buer la fin des palafittes. Cet ennemi était, un étranger, un envahis-
(1) L. Grangier. Les stations lacustres d'Estavayer. Anzeiver fiir sch Altertli
-Zurich 1878. N° 319, p. 803.
seur. 11 ^appartenait pas à une autre tribu de Palafitteurs habitant.un
village voisin, ou établi sur un autre lac; il n’appartenait pas non plus
à une des tribus terricoles que nous avons dit peupler alors la campagne
du plateau suisse ; des voisins indigènes auraient connu l’existence
du riche matériel métallique englouti dans le lac après l’incendie
des huttes ; ils seraient venus rechercher ces objets de prix dont la
valeur devait certainement être considérable à cette époque. C’était
donc un peuple étranger, des barbares d’autres races, venant d’ailleurs,
qui ont incendié les palafittes et anéanti les Palafitteurs. S’ils n’ont pas
massacré ceux-ei jusqu’au dernier, ils les ont emmenés en esclavage,
assez loin pour que les anciens possesseurs du village lacustre ne
soient pas revenus chercher leur fortune personnelle et celle de leurs
voisins qu’ils savaient enfouies dans le lac et dont ils connaissaient le
gisement.
Nous admettons avec tous nos collègues que ce peuple envahisseur
q u i avait détruit les Palafitteurs et pris leur place comme population
dominante du pays, était celui des Helvétiens que les auteurs latins,
C é s a r, T a c ite , entre autres, nous ont décrit. Les éléments de cette
détermination sont les suivants :.
а) Les Palafitteurs n’ont pas été vus par les Romains; ceux-ci nous
eussent certainement parlé des moeurs de castors de ces peuples'
armés de bronze. Donc les Palafitteurs ne sont pas ces Helvétiens qui
sous la conduite d’Orgétorix. brûlèrent leurs villages en l’an 58 avant
J.-C., envahirent la Gaule et se firent battre à Bibracte au passage de la
Saône.
б) L’armement de l’époque de la Tène était celui des Gaulois et par
conséquent des Helvétiens, tribu des Gaulois. La grande épée de fer
mal trempé, qui ne pouvait frapper que de taille et qui se recourbait
sur l’armure des Romains, et devait être redressée par le pied avant
de porter un nouveau coup (*) est reconnaissable dans les monuments'
de l’arsenal de la Tène ou du champ de bataille de Tiefenau.
c) Dans les ruines de la Tène on a retrouvé assez de monnaies
gauloises pour que cette attribution soit définitivement acceptée.
Donc les Helvétiens de l’histoire sont représentés par le peuple
archéologique des gens de la Tène.
Mais les archéologues nous demandent de distinguer. Dans le pre