miques insensibles; seuls les courants profonds causés par les tempêtes
de la surface descendent accidentellement jusque dans les grands
fonds; peu ou pas de variations caloriques; la température y est presque
absolument constante ; peu ou pas de vibrations lumineuses, pas
'd actions chimiques; l’obscurité absolue règne dans les profondeurs.
Si j y ajoute maintenant les faits généraux que nous avons vus sur
la composition physique et chimique des eaux et du limon du sol, nous
y reconnaîtrons encore l’uniformité de-la masse plastique du limon
pi odigieusement fin dans lequel, ou sur lequel, les animaux ont à se
-mouvoir; peu ou pas de variations dans la composition chimique de
ce limon, dans la composition chimique de l’eau ambiante, dans la proportion
des gaz dissous. Uniformité, monotonie, égalité, absence de
mouvements, absence de variations, repos presque absolu, tels sont
les tiaits généraux de ce milieu qui n’a qu’un seul analogue, la région
profonde des mers, qui se différencie ainsi de tous les autres milieux
dans lesquels les êtres sont appelés à vivre. Dans aucun climat atmosphérique,
dans aucune région aquatique, nous ne retrouvons ce calme
prodigieux qui règne dans les profondeurs des eaux. Les seules rég
ions qui s’en rapprochent un peu à ce point de vue,'sont les cavernes
•et les eaux souterraines; nous aurons à revenir sur cette analogie.
4° Limites de la région profonde.
Y a-t-il une limite précise entre la région littorale et la région profonde?
Cette question mérite de nous arrêter! Les conditions de milieu
-qui- caractérisent la région profonde vont en se perfectionnant à
mesure que l’on descend dans les plus grandes profondeurs des lacs;
-chacun des traits, qui donnent à ce milieu- une figure si spéciale,
s’accentue de plus en plus quand on s’éloigne de la surface. Mais à
-quelle profondeur ces caractères. commencent-ils à - ê tre distincts?
‘•Cela varie pour les différents faits physiques qui constituent le milieu.
Au point de vue du mouvement mécanique; nous avons vu que les
vagues cessent d’agir vers 10™; nous ne parlerons pas ici des courants
qui, dans les profondeurs, n ’ont d’énergie appréciable que dans des
•cas tout à fait accidentels. Au point de vue de la chaleur, leè variations
-diurnes se font sentir jusqu’à 12 ou 15™ de la surface, les variations annuelles
jusque vers 150™; les variations cycliques seules descendent
.jusqu’aux plus grands fonds du Léman. Mais les unes et les autres vont
«n décroissant d’amplitude du haut en bas, tout au moins les deux
périodicités diurnes et annuelles, et la limite inférieure des deux étages
supérieurs qui divisent ainsi le lac au point de vue de la variabilité
thermique, est très indécise et mal marquée; l’amplitiide des variations
thermiques s’atténue progressivement jusqu’à devenir nulle.
La lumière pénètre peu profondément. A partir de 50™ en été et de
100™ en hiver, il règne l’obscurité absolue (rayons actiniques agissant
su r le chlorure d’argent). Mais dès une profondeur beaucoup plus
faible, 6 à 20™, notre oeil cesse de distinguer un objetblanc qui descend
dans le lac; dès une profondeur double, soit 12 à 40™, il doit régner,
pour une rétine semblable à la nôtre, si ce n’est l’obscurité absolue, tout
au moins les demi-ténèbres d’un temps de brouillard ou de crépuscule.
Pour la constitution physique du sol, le limon à grains impalpables
commence à régner dès la limite de l’action des vagues, soit vers 10™
d e fond.
Chacun de ces points de vue nous donne un chiffre différent. Lequel
devons-nous adopter pour limite dans nos études biologiques?
Est-ce la profondeur de 10™,. limite inférieure de la région agitée par
les vagues, et limite normale du terrain limoneux des grands fonds?
Est-ce 15™, limite inférieure des variations thermiques diurnes? Est-ce
■25™, limite de la vision distincte, du grand éclairage? Est-ce 50™, limite
des variations thermiques annuelles importantes? Est-ce 100™, limite
extrême de la pénétration des rayons actiniques? Est-ce 150™, limite
inférieure de la variation thermique annuelle?
Dans l’incertitude où nous laisse l’étude des conditions physiques,
pouvons-nous nous adresser aux faits biologiques et trouver dans la
répartition des espèces une séparation nette et complète des sociétés
animales et végétales?
Les animaux nous sont de peu de services. En effet la liste d’espèces
znologiques que nous rencontrons dans la région profonde'ressemble
d e bien près à celle des parties limoneuses ou vaseuses de la région littorale;
quelques espèces manquent à l’une, d’autres espèces à l’autre,
mais la séparation n’est pas facile à établir. Les animaux sont de petite
taille, et la pêche d’aveugle que nous faisons dans les profondeurs du
lac, impénétrables à notre oeil, ne nous donne que des résultats négatifs;
les conclusions seraient longtemps incertaines.
La limite donnée par le règne végétal est xplus facile à apprécier.