Les Poissons rapaces vivent en général isolés, plus ou moins.cachés
au milieu des herbes, immobiles quand ils sont repus, en chasse rapide
quand l’heure de leur dîner réveille leur appétit.
Il y a donc, de l’été à l’hiver, différence absolue de régime. La migration
en beine a lieu dans les premiers jours de l’été avec le réchauffement
des eaux, avec le développement des Phanérogames littorales,
avec l’augmentation estivale de la turbidité des eaux. La migration
vers les eaux profondes a lieu en automne, par le froid, quand lés eaux
redeviennent limpidés, quand la végétation des plantes aquatiques cessant
de soutenir leurs tissus, les troncs deviennent fragiles et sont brisés
par les vagues auxquelles ils auraient parfaitement résisté .en été.
Quels sont, parmi ces facteurs concomitants, ceux qui peuvent expliquer
les migrations des Poissons? Pouvons-nous attribuer celles-ci à,
des questions de température? Devons-nous admettre que les Poissons
viennent en été chercher à la surface des eaux plus chaudes que
celles des couches profondes où ils passent l’hiver? Ce serait possible;
mais cela n’expliquerait pas leur retour dans les eaux profondes en automne.
En effet, dans notre lac, la stratification thermique est généralement
directe; même en hiver les eaux de surface ne sont pas plus froides-
que les eaux profondes; les Poissons, en descendant en automne dans
les couches moyennes du lac, n ’y trouvent pas' des eaux plus tièdes que
celles du littoral. Le fait que pendant les très grands froids il peut y
avoir dans les eaux du rivage stratification thermique inverse, par la
production d’une barre littorale, comme nous l’avons décrit ailleurs^),,
n’est pas en contradiction avec cé que j’énonce ici. En effet, la migration
des Poissons hors de beine a déjà lieu en octobre, tandis que
l’inversion thermique littorale ne se produit qu’à la fm de l’hiver et
dans d e s ,conditions spéciales de grand froid et de calme; les deux
faits n’ont donc pas lieu simultanément et l’un n’est pas la conséquence
de l’autre.
Je chercherai plutôt dans des faits de transparence ou d’opacité de
l’eau, dans la présence ou l’absence de cachettes, les motifs de ces migrations.
Dans les eaux louches de l’été, le Poisson-blanc est à l’abri,
lui sembled-il, des poursuites des carnassiers qu’il ne voit pas à
distance; dans les taillis épais des forêts aquatiques, il trouve des couverts
où il peut échapper à leur persécution. Qu’en automne les plantes
(*) Vol. II, p. 376.
aquatiques disparaissent et que l’eau redevienne limpide, le Poisson
sans défense ne sait où. se cacher, et il va. chercher des retraites dans
les couches obscures des eaux profondes du lac. On pourrait ajouter
que le développement de la flore estivale fournit directement une abondante
nourriture aux Poissons herbivores, indirectement aux Poissons
omnivores; que, en été, la vie plus active des Poissons, dont la température
animale suit la surélévation de la température de l’eau ambiante,
trouve dans cette plus riche facilité d’alimentation les éléments
de combustions organiques plus puissantes, d’énergies vitales
plus surexcitées.
A côté des Poissons, je ne connais pas dans les eaux littorales d’espèces
établies d’animaux mobiles qui ne se reposent pas parfois sur le
sol, d’animaux indéfiniment nageurs comme ceux de la faune pélagique.
Mais tous les animaux sauteurs et nageurs, qui prennent insertion temporaire
sur les corps solides du littoral, peuvent traverser les eaux de
la beine, et s’y rencontrer avec les animaux pélagiques amenés par les
courants à l’état ërratique dans le littoral.
En fait de flore des eaux littorales, j’ai à signaler la catégorie des
p la n te s f lo tta n te s , de provenances fort diverses.
Elles apparaissent plus ou moins régulièrement chaque année, en
certaines saisons, se développent rapidement, remplissent une localité,
si le temps reste calme, pendant une ou plusieurs semaines, puis disparaissent,
dispersées au loin par les vagues et courants d’une tempête.
Je puis les séparer en divers groupes.
A ce groupe des plantes flottantes dans les eaux littorales, en fait
de Phanérogames, nous n’avons à citer dans le Léman que Cerato-
phyllum et Lemnà.
Les Ceratophyllum sont bien à l’origine enracinés, et ils se développent
sur un axe; (i) mais la racine est si peu importante et si transitoire
que, très vite, toute la plante devient libre. Si elle continue à végéter
dans le fond de l’eau, où elle s’accumule en monceaux, souvent fort
‘épais, elle n’est plus adhérente au sol. Les bulles de gaz soulèvent bientôt
ses rameaux à la surface de l’eau, et les courants les dispersent au
loin. Les Cératophylles sont établis dans les ports et golfes abrités, avee
sol vaseux. .
dani]lar i^ Î !U,dif / a croissance du Ceratophyllum demersum en ns ja rivière la Morge, en octobre 1900. plante enracinée,