5. Les estuaires des rivières. Dans toute la partie occidentale dit.
lac, à partir du L’Ion sur la rive suisse et du Foron sur la rive
savoyarde, comme aussi le long de la plaine du Rhône entre Ville-
neuve et le Bouveret, les rivières à leur entrée dans le lac ont un
cours assez tranquille et charrient assez peu de graviers pour que-
leurs embouchures prennent le caractère d’estuaires. La Venoge, le
Boiron, l’Aubonne, etc., forment de larges fiords envahis par une riche
végétation aquatique.
Il y a là une région qui participe à la fois du caractère de la rivière
et de celui du lac, qui est peuplée par la flore et la faune des rivières,
et en même temps qui est envahie par la faune lacustre. C’est là en>
particulier que noüstrouvons toute une végétation de plantes de rivières
qui prospèrent dans le domaine du lac. Entre autres : Roseaux, Scirpes,
Hippuris, Potamogetón natans, etc.
Notons ici que toutes les plantes qui végètent soit dans les lagunes,
soit dans les estuaires n’appartiennent pas à la flore lacustre proprement
dite. Ce sont des plantes fluviátiles ou des plantes palustres, erratiques
dans le domaine du la c ..
6 . La beine limoneuse. Les fonds limoneux ou vaseux de la beine
sont couverts d’une belle végétation de plantes lacustres qui y forment
de véritables forêts aquatiques, aussi pittoresques, aussi mystérieuses,
aussi attrayantés que les plus belles forêts de nos montagnes. Pota-
mots('), Myriophylles, Cératophylles, aux tiges élancées, au feuillage
élégant de nuances variées, au port divers, se développent dès le premier
printemps,, et forment des buissons, séparés par des clairières, dans
lesquelles se jouent la lumière et l’ombre, et'où les paysages les plus
variés seraient dignes d’inspirer des peintres. Ces forêts de favas, (*}-
comme les appellent nos riverains, sont assez touffues pour être dangereuses
aux nageurs imprudents, pour gêner parfois la marche des
bateaux, mais surtout pour offrir des'abris excellents et une nourriture
appropriée à une faune abondante et variée.
A côté de ces touffes de plantes à hautes tiges, dont les troncs-
filiformes et élancés de un mètre, de deux mètres et plus de
(*) Potamogetón lucens, perfoliatus, crispus.
. (a) Ce terme de fava est très commode, et je propose de l'adopter dans la langue
d’usage.
longueur peuvent représenter les arbres de haute futaie, on trouve
-sur la beine des plantes aquatiques qui, à la même échelle, devraient
s’appeler des taillis; je citerai le Potamogetón pectinatus, var.
b., dont les branches rigides, de végétation persistante et non annuelle,
me s’élèvent qu’à quelques décimètres, Potamogetón filiformis, P. pu-
sillus, etc. Enfin d’autres plantes forment une végétation touffue,
■serrée, peu élevée, de véritables buissons; dans ce groupe,nous avons
YElodea canadensis, cette plante d’importation américaine qui se
développe dans quelques ports abrités, et les Chara et Nitella, que
nous allons retrouver à leur maximum de végétation sur les flancs du
amont.
L’étude pittoresque de ces paysages.sous-lacustres n’est pas facile.
Celui qui passe en bateau sur les forêts des plantes aquatiques est
gêné par le miroitement saccadé des vagues, et s’il ne sait immobiliser
sa barque sur un lac parfaitement calme, il. ne voit rien. On peut obvier
à cette difficulté en employant la lunette à eau que j ’ai décrite plus
hautC). Le baigneur ne peut étudier ces paysages en plongeant sa tête
sous l’eau, car son oeil n’étant pas accommodé au milieu aquatique, il
ne voit, et encore bien peu nettement, qu’à quelques décimètres de
distance. Seul le scaphandrier, comme l’ont fait H. F o l et H o c h re u -
tin e r, est dans des conditions commodes (commodes! n’est-ce pas
trop dire?) pour étudier ces régions d’un accès si peu facile à .nous
hommes, animaux aériens qui savons si mal nous mouvoir dans l’eau.
J’ai employé un procédé plus’ simple pour obtenir des vues de ces
paysages sous-aquatiques ; je plonge dans l’eau un miroir incliné à 45°;
le rayon visuel devient horizontal, et, de mon bateau, j’ai des aperçus
tout à fait intéressants et captivants.
Ces forêts sont de végétation annuelle. A la fin de l’hiver, la beine
est presque absolument nue; seuls les taillis du Potamogetón.pectinatus
et les buissons des Charas ont résisté; dans le sable, les rhizomes,
racines souterraines et bulbes des Phanérogames préparent la poussée
du printemps; dans les parties de la beine qui ne sont pas trop- tourmentées
par les vagues, on voit encore quelques feuilles radicales de
Myriophyllum et de Potamogetón crispus. Au mois de mai les plantes
Phanérogames commencent à pousser. Au mois de juin et de juillet
■ces favas se développent à l’envi, amènent bientôt leur couronne à la