livre. Restons-en à l’explication complète, intégrale de la nature ; la
vérité en histoire naturelle, osons-nous en parler? N’est-ce pas de la
présomption que d’en espérer la conquête.
Sommes-nous autorisés à rechercher à l’horizon de l’orient les premières
lueurs qui nous annoncent l’aurore de ce jour de lumière ?
Oui! certainement oui! Nous avons le droit d’y aspirer, et c’est ici
peut-être le plus beau titre de dignité de l’homme. Nous avons aussi
l’assurance d’être sur la voie qui nous y conduit.
La vérité absolue, si elle-même nous semble inabordable dans sa
tour d’airain, est formée de vérités partielles ; ces vérités partielles
sont à notre portée. Nos pères en ont déjà beaucoup découvert; notre
génération en a conquis quelques-unes; nos enfants en recueilleront
un plus grand nombre, et plus facilement que nous. Longtemps encore,
il est vrai, il restera des questions de plus en plus abstruses qui-échap-
peront obstinément à la curiosité humaine. Longtemps, toüjdurs peut
être, l’homme verra devant lui de ces problèmes insolubles pour sa
génération. Mais toujours aussi il aura le droit de se dire ; de même
que j ’en sais plus que mes pères, mes enfants s’approcheront plus
que moi de la vérité.
En s’en approchant davantage, arriveront-ils à l’atteindre? L’asymptote
est une droite dont une courbe se rapproche indéfiniment, mais
sans jamais la toucher. La vérité absolue ne serait-elle pas une asymptote
pour nos efforts? Je n’hésite pas à espérer que non ! J’ai la foi
que nos descendants arriveront un jour à l’absolu dans la conquête de
la vérité, ou tout au moins de la vérité dans le domaine des sciences
naturelles. Pour ce qui touche à la métaphysique, ce n ’est pas démon
ressort, mais j’avoue en être beaucoup moins certain.
Ce que je vois de plus admirable quand je contemple la nature, c’est
sa simplicité. Au premier abord tout paraît compliqué; à l’étude tout
s’ordonne et s’unifie. Quand un problème se pose à notre esprit, ce
sont les interprétations les plus complexes qui s’ofifrent ordinairement
d’abord à noüs ; à mesure que nous approchons de la solution, toutes
ces intrications se démêlent et le plus souvent nous sommes étonnés
de la simplicité de la réponse que la nature fait à nos questions.
Deux exemples tirés de notre sujet spécial justifieront cette affirmation.
Je prendrai lé premier dans la vie physique du lac. Les seiches !
’Qu’était-ce d’après les anciens naturalistes qui y cherchaient les explications
les plus fantastiques ? Je renvoie simplement au résumé dès
hypothèses qui ont tourmenté notre enfance. (11. 41 à 50.) Qu’est-ce
pour nous qui y voyons aujourd’hui le plus élémentaire mouvement
de balancement de l’eau dans une cuvette ? — Mon second exemple
sera choisi dans le monde biologique. La faune profonde des lacs ?
Qu était-ce à la première étude que nous en avons faite il y a trente et
quelques années, quand nous y recherchions les origines les plus éloignées?
Qu’est-elle pour nous actuellement, qui y voyons quelques
individus égarés loin des régions littorales, leur patrie, ayant fait souche
de descendants maigres et chétifs, lesquels n’arrivent pas à se reproduire
dans des générations infiniment continuées.
A mesure que nous comprenons mieux la nature, à mesure aussi
nous la voyons se simplifier; c’est vers l’unité qu’elle tend.
N en est-il pas de même dans le domaine supérieur? Quand nous
arriverons à connaître l’inconnaissable — et pourquoi n’y aspirerions-
nous pas? pourquoi, si nous ne pourrons peut-être jamais dire ce qu’il
est, pourquoi ne pourrions-nous pas tout au moins, dans des approximations
toujours plus serrées, affirmer ce qu’il n’est pas — quand
nous connaîtrons, dis-je, l’inconnaissable, nous le verrons se concentre
r en l’unité.