plancher de la-cabane)1 on le retire peu après plein de poissons »(!).
On sait aussi que dans nos lacs de l’Europe centrale, le poisson
.cherche l’ombre et s’accumule sous les bateaux à l’ancre dans le port,
ou derrière les bouquets des pêcheurs; ces bouquets sont des faisceaux
de branches d’arbres avec leurs ramilles, ancrés sur le sol de
la beine. — Mais, puisque l’établissement de quelques bouquets suffit
à rassembler le poisson pour les besoins de la pêche, il n’était point nécessaire
d’édifier les énormes constructions des anciens palafittes pour
faciliter l’industrie du pêcheur qui est moins exigeante qu’on ne l’avait
supposé.
Cette hypothèse que les palafittes des anciens auraient été construits
pour satisfaire aux besoins des pêcheurs tombe aussi devant les observations
que les Drs P. et F. S a r a s in , de Bâle, ont rapportées de leurs
voyages à Célèbès, où ils ont vécu dans des cabanes d e . sauvages,
bâties sur pilotis, dans les lacs ou sur la grève de la mer. Les indigènes
de Célèbès pratiquent la pêche au moyen de filets et de nasses, en pleine
eau, souvent la nuit à la lueur des torches, jamais sous les maisons.
Le poisson n’entre d’ailleurs que fort peu dans l’alimentation du Malais
qui se nourrit surtout des produits de son agriculture (*.).
Une explication nouvelle de la raison d’être des palafittes nous a-été
apportée en 1896 par les mêmes naturalistes bâlois, les D1-s P. et F. Sa:
r a s i n . « Nous nous informâmes dans le village de Paku sur le lac Ma-
tanna (au milieu de l’île Célèbès) des motifs qui poussent les indigènes
à établir leurs demeures Sur l’eau au-lieu de les bâtir sur terre ferme.
Leur village consiste en une vingtaine de maisons irrégulières.s’élevant
au-dessus des eaux sur un haut-fond, près du rivage; elles sont
reliées entre elles et jointes à la terre par des ponts de construction
très primitive, A nos questions il fut répondu : « C’est pour raison de
propreté». Et en vérité il n’est pas de moyen plus simple d’éloigner les
ordures de l’habitation de l’homme pu des animaux, que de les laisser
tomber dans une eau qui se renouvelle sans cesse; là au contraire où
le palafitte est établi sur terre ferme un fûmier infect s’accumule bien
vite sous et devant les cabanes» (3).
Quand j’objectais aux Sarasin que la propreté n’ést pas nécessaire-
0 Hérodote, Y, XYI.
Ç (2) P. et F. Sarasin. 2 nov. 1896, in litt. — Ueber den Zweck der Pfahlbauten,
Globus LXXII, n° 18. Braunschweig 1897. -
¡ jf Verhanûl. der Ges..für Erdkunde. XXIII, 845. Berlin 1896.
ment une vertu innée de l’homme, et surtout de l’homme sauvage,
ils m’ont cité plusieurs détails de la vie intime des indigènes de Célèbès
qui montrent une répulsion manifeste de la saleté, dans les trivialités
de l’existence. Th. S tu d e r , de Berne, qui a visité dans leurs
palafittes modernes les Papouas de la Nouvelle Guinée, appuie, lui
aussi, de son autorité de témoin oculaire, les idées des Sarasin au
sujet d e la recherche de la propreté des habitants de l’Insulinde.
Il est difficile de réfuter l’opinion parfaitement plausible d’excellents
observateurs qui ont véeu eux-mêmes chez les Palafltteurs modernes.
Cependant je dois avouer que les faits vus par moi dans les villages
terrestres des vallées de haute montagne ne m’engagent que peu. à attribuer
aux campagnards, dans nos latitudes du moins, des recherches
trop raffinées de propreté citadine, soit dans l’architecture des maisons
e t des écuries, soit daiis le tracé des rues. Du reste je rencontre, même
dans les descriptions de mes collègues de Bâle, des arguments qui plaideraient
contre leur théorie... « Tant que le village est petit, il trouve
place, sur la grève inondable ; si sa population augmente trop, il déborde
su r la terre ferme. Mais le Malais n’abandonne pas pour cela le style
d’architecture qu’il avait inventé pour profiter des services de la marée
{au point de vue de la propreté); il continue à élever sa cabane sur de
hauts pilotis, même sur terre, même sur la colline. Dans ce cas les déchets
dé la cuisine e t du ménage, les déjections des animaux domestiques,
Chiens, Porcs et Poules, stabulés dans les huttes, tombent sur le
sol et y forment un fumier infect. Pour s’en débarrasser, chaque soir
l’une ou l’autre des familles du village allume un feu où ces débris sont
consumés » (’). Ces lignes ne nous montrent-elles pas des moyens de
satisfaire aux aspirations de propreté, quand elles existent chez ces
peuples primitifs, moyens plus simples que l’édification d’un palafitte
dans le domaine du lac.
Le seul avantage incontestable et évident que nous savons trouvé;-
pour expliquer çes moeurs lacustres, était celui de la défense contre
des tribus ennemies. Si le palafitte était bâti dans une eau assez profonde
pour que l’aggresseur ne pût y arriver qu’à la nage, celui-ci
était obligé, pour ten ter une attaque utile, de construire des canots ou
des_radeaux, et le défenseur du village était encore dans une position
favorisée èn combattant sur des planchers solides, et en se gardant
(a) et f . Sarasin, BïÙo, 2 novembre 1893,. in litt.