seul fait général que, dans cette direction, je crois pouvoir énoncer,,
c’est que les types de sculpture ont quelque rapport avec la nature
pétrographique de là roche qui les porte. Le type des sculptures des
cailloux durs, compactes (le plus souvent des méandres ou creux
semi-ovoïdes) est différent de celui des cailloux plus tendres, de consistance
molassique (creux hémisphériques). •
11° R. Ch o d a t non seulement est un algologue distingué, mais, originaire
de Bienne, il connaît fort bien les galets sculptés des lacs du
pied du Jura qu’il a étudiés sur place; ses idées méritent toute considération.
Il nous a apporté, en 1898, une nouvelle explication qu’il
justifiera, nous l’espérons, par de plus longs développements.
Tout d’abord, il nie que le fond des sillons et des creux des .galets
sculptés soit dégarni des algues incrustantes, tandis que les arêtes sé-
paratives seraient le siège d’insertion des bouquets des filaments de
Schizothrix et de Rivulaires, ainsi que nous croyons l’avoir reconnu,
S c h r ô t e r , K ir c h n e r et moi-même.
Puis il affirme que la pierre- revêtue d’algues -incrustantes est cariée
par des canaux ramifiés qui pénètrent dans l’écorce extérieure du galet,
déjà profondément altérée, et même dans le noyau qui paraît
intact. Ces canaux sont remplis d’un enchevêtrement de filaments excessivement
minces plongés dans des membranes épaisses. Ce sont
des Schizothrix qui forment la première attaque de la pierre. Dans,
cette végétation des Schizothrix s’insinuent des Rivularia et des Calo-
thrix, qui constituent dans la pierre cariée des enracinements coniques
d’un beau vert, puis aussi des Ghroococeacées, des Gongrùsira,
surtout à l’état de Codiolum. Ce seraient les Schizothrix qui auraient
l’action cariante principale, les Rivulaires ne seraient que secondaires.
Cette pénétration des Schizothrix descendrait jusqu’à 1 ou 2mrn de
profondeur dans les galets de l’ile St-Pierre,.du lac de Bienne.
Après cette action primaire que Ch o d a t .désigne sous le riom très
expressif de carie, la roche continue à être attaquée: citons notre auteur
afin de ne pas le trahir : « C’est dans cette végétation calcaire de
la pierre cariée, que les larves vont établir leurs tubes. Ces derniers
sont surtout constitués de petites pierres ou de sable fin étranger à la
pierre qui fournit ce substratum. 11 y a plusieurs espèces de ces
larves, la plus commune est d’un vert gai; leurs' galeries sinueuses
viennent désagréger la masse cariée dont elles suivent les méandres
en les creusant. Il est indiscutable que ces larves ont une action dans
la détermination des sillons réguliers, mais cette action ne se fait que
-consécutivement à la carie par les algues D’autres animaux viennent
augmenter cette désagrégation : rien de plus habité que ces
pierres cariées : de petits crustacés, des insectes aquatiques, y creusent
des retraites et contribuent à la production de galeries d’autant
plus profondes que le calcaire est plus friable. Enfin l’action mécanique
des vagues agit pour enlever des débits de la roche pourrie. »
L’explication de mon savant collègue de Genève se rapproche de la
mienne en ce qu’il fait, comme moi, intervenir les animaux qui circulent
sur et sous les pierres; mais il leur attribue une.action mécanique
qui désagrégerait localement l’écorce de la pierre attendrie auparavant
par la pénétration des algues cariantes ; tandis que moi, j ’attribué la
sculpture de la pierre à une attaque chimique et non mécanique.
Etant données la compétence et l’autorité de Chodat, ses hypothèses,
qui semblent logiques, appellent la plus sérieuse attention; il me permettra
cependant de lui dire que sa théorie n’est pas plus complète que
mon hypothèse. Il devra achever sa démonstration en nous montrant
comment de cette action cariante uniforme résultent, par l’intervention
des animaux, les différents types de sculpture, tantôt en sillons
méandriques, tantôt en sillons parallèles, tantôt en creux hémisphériques,
tantôt en cupules semi-ovoïdes. Il nous doit, s’il peut nous le
fournir, ce supplément qui élèvera son hypothèse à la dignité d’une
théorie.
11 me permettra, en outre, de lui présenter quelques objections :
a. Je maintiens la justesse de mon observation, que les algues incrustantes
ont leurs touffes extérieures insérées sur les parties saillantes
des pierres, sur les arêtes qui séparent les sillons ou les creux;
tandis que les parties creusées, sillons, trous et creux, montrent la roche
dénudée, en contact avec l’eau. Ce n’est pas sur les pierres de la
grève actuelle des lacs, que l’on peut étudier avec profit cette question;
roulées par les vagues, dégarnies de leur revêtement d’algues,
elles ne montrent plus rien de reconnaissable au sujet des faits en discussion.
11 faut, ou bien profiter d’une bonne fortune, comme celle
dont j’ai jouï en 1877, de pouvoir observer les galets en position sur la
beine, fraîchement exondée par l’abaissement du niveau du lac, résultant
des grands travaux de la Correction des eaux du Jura; ou bien il
faut aller pêcher les pierres sous deux ou trois mètres d’eau, et les