La Féra fraie en février (de mi-janvier à mi-mars) (l) dans les grands
fonds du lac delOO à 300m, où les filets dormants des pêcheurs les allaient
autrefois chercher dans le Grand-lac (2). Elle remonte ensuite à la surface
et y passe l’année dans la région pélagique où elle se nourrit d’Ento-
mostracés. Elle est prise au grand-filet ; jamais elle ne mord à l’hameçon.
Au printemps elle descend dans le Petit-lac et s’avance jusqu’au
banc du Travers de Genève ; elle remonte dans le Grand-lac en juillet.
Dans sa vie pélagiqueeilese tienten troupes, danslesquelles les pêcheurs
donnent parfois d’heureux coups de filet ; on parlait jadis de trois mille
Poissons pris en une fois dans un grand-filet ; de bateaux de pêche ayant
apporté de 80 à 100 kilogrammes de Féra en une quit.,Depuis 1896, que
l’on a inauguré de nouvelles méthodes de pêche, (pêche de nuit au filet
dit le puits) des coups de filet de plusieurs quintaux ne sont plus une
rareté. (3)
La Féra est un Poisson très délicat et peu robuste; il ne supporte
pas la captivité, et périt après quelques, heures seulement de séjour en
réservoir; son transport à distance, à l’état adulte, pour des essais de
peuplement artificiel d’un autre lac, est impossible.- Selon F a tio il y
aurait au point de vue delà rusticité de grandes différences suivant le lieu
de capture des Féras; celles qui sont pêchées dans les grands fonds périssent
beaucoup plus vite que celles quLsont prises enbeine.
La Féra qui va frayer dans la région profonde et qui s’égare jusque
sur le banc du Travers de Genève, passe la plus grande partie de sa vie
dans la masse indéfinie du plein lac. Elle est pour nous le type du Poisson
pélagique.
La G r a v e n c h e , Coregonus lnemali» Jurine, F é r a b la n c h e des
pêcheurs. Cette espèce, spéciale aussi, au Léman, appartient comme
la Féra au type balleus de F a tio , mais avéc tendance à se rapprocher
du type dispersus du même auteur. Le C. bezola Fatio, du lac du Bour-
get, ne serait qu’une sous-espèce du C. liiemalis. ■
(*) En octobre 1893, M. Auguste'K-o ch, àMorges, a vu une Féra remplie d’oeufs
_ Le 29 juillet 1897 à Thonon, une grosse Féra avec des oeufs (M. G h. N o v e r r a ■/,,
capitaine pilote des bateaux à vapeur).
(2) Ce Poisson est médiocrement prolifique. L u n e l a compté 12 000 oeufs
dans une Féra de 700 grammes. ,
P) A St-Prex, 5 février 1897, un coup de filet de trois quintaux ; le 7 février un
dit de sept q u in t a u x .N o u v e llis t e V a u d o i s , 9 février 1897.
La Gravenche se distingue de la Féra par ses nageoires pectorales
plus longues; renversées elles atteignent et dépassent le bout du museau
: (chez la Féra elles ne vont pas au delà du bord antérieur de
l’oeil.) Le museau est plus conique, le profil du dos est plus relevé et
s’incline davantage vers le museau. La Gravenche semble baisser la
tête, tandis que la Féra tient la tête droite. Chez la Gravenche la ligne
latérale est droite. La Gravenche est plus pâle de couleurs que la
Féra. (Fig. 177.)
K ,
(Fig. 177). — La Gravenche, Coregonus liiemalis, Jurine, d’après une planche de Lunel.
Les dimensions maximales de la Gravenche sont : longueur 34,5cm,
poids 500s (Lun-el, F a tio ), 750s (Ramuz, pêcheur à Morges). Elle
est donc notablement plus petite que la Féra.
La Gravenche fraie en décembre sur le fond graviéreux de la beine,
et surtout aux embouchures de rivières, Venoge, Aubonne, Drance.
Quant à ses moeurs dans le reste de l’année, ce sont celles de la Féra.
La Gravenche montre cependant plus de résistance que la Féra à la
captivité en réservoir, où elle peut être gardée pendant des semaines
et des mois. Comme la Féra, et malgré ses excursions en beine à l’époque
du frai, la Gravenche appartient à la faune pélagique.
D’après V .F a tio et H. Gol l(')la Gravenche, autrefois abondante dans
le Léman, serait en diminution sensible.
(’) H. G oli. 1er février 1900 in lilt.