la grève, pour être transportés, par eau évidemment, à leur destination'
L’une de ces colonnes porte une inscription qui la date en
l’an 246('),
CHAPITRE IV. ÉPOQUE SAVOYARDE.
De la période savoyarde nous savons qu’il y avait sur le lac une batellerie
assez nombreuse. Tous les documents qui se rapportent à la
pèche parlent de bateaux; les bateaux servent fréquemment de moyen
de transport d’une rive à l’autre.
11 est souvent fait mention dans les comptes de la Châtellenie de
Morges (2), de traversées dans des bateaux (de pêcheurs)', conduits
par trois ou quatre hommes'; le prix du passage, aller et retour, de
Morges à Thonon, Ripaille ou Evian, est en général de 12 sous lausannois
(3). Quoique la cour de Savoie fit au Château de Morges de fréquents
séjours, presque chaque année, on ne lui connaît pas de barques,
à elle appartenant; elle loue ou réquisitionné les bateaux des
bourgeois.
A Chillon, au contraire, nous voyons déjà en 1258 une barque du.
Comté Pierre de Savoie, le Petit Charlemagne, barga domini, et peu
après une nacelle, nagella(4) ou navicélla, achetée pour le. service du
château (5). « Et ne pouvait le comte Pierre partir hors du chastel de
Chiilion, où il maladia longtemps. . . . . cenon aucunes fois qu’il se
mettoit en une nagelleet pregnoit l’ayr sur le lac » (6). 1
jM Mitth. der Antiq. Gesellsch. in Zurich. XV, 215. Zurich 1865. 1er supplément.
(a) Ces comptes qui vont de 1359 à 1535 ont été copiés su r les originaux des Archives
de Turin, en 1899, p a r M. A. Mi l l i oud; la copie est dans les Archives de la
Commune de Morges. 1
(3) D’après lés notes de L . d e C h a r r i è r e la valeur en monnaie actuelle du sol
lausannois s’est abaissée graduellement de l’an 1350 à l’an 1530 de 95 à 25 centimes,
(Dictionnaire Martignier et de Crousaz, p. 979 sq. Lausanne 1867.).
(*) Ce mot de nagelle a été conservé pendant longtemps sur le lac. Dans les dénombrements
dep bateaux du lac au XVII® et XVIII® siècle, faits pour le gouvernement
bernois, il y est souvent parlé de nagelles, petits bateaux.
(5) Comptes de la Châtellenie de Chillon, conservés ¡aux Archives de T urin
copie A. Mi l l i oud et copie V. v a n B e r c h e m
(6y Jehan Servion. Gestes de la mayson de Savoye. T. 307. Turin 1879.
Outre ces petits bateaux à deux, trois ôu quatre rameurs, de la taille
de nos bateaux de pêche actuels, il y avait des barques de plus grande
portée. Eh 4413, le vice-châtelain de Morges, G la u de, convoie sur un
bateau à Evian un prisonnier, Antoine J o u tem s , de Lausanne, avec
8 archers et 9 bateliers. En 1429, le même Glaude transfère à Chillon
trois prisonniers, sur une barque conduite par 18 hommes, tant bateliers
que gens d’armes(>). Ces bateaux avaient la grandeur de nos
cochères.
A ce propos, citons un fait intéressant au point de'vue de la persistance
des noms. Le bateau que nous décrivons sous le nom de
cochère était souvent désigné au milieu du XIXe siècle sousl’épithète de
corsaire; dans mon enfance, on hésitait entre les deux termes. Quel était
le mot authentique, d’usage,local? Le mot de corsaire est le plus ancien.
Je le trouve déjà dans les comptes de la châtellenie de Chillon en
1288, dans une phrase un peu ambiguë, il est vrai(2). Je le trouve avec
un sens parfaitement clair dans un compte de Morges de 1532 : Le duc
Charles 111 de Savoie fait acheter un bateau appelé corseyre (3), poulie
prix de 82 florins d’or, petit poids. Dans le livre de Raison de
François M o n t e t , de Vevey, on lit en date de 1585 et de 1588 que le
dit Montet reçoit- son bois de chauffage du Valais, apporté par des corsaires
: « Et me doit Jaques P rym a t, de Porvalley, tous les ans rendre
icy à Noël le grand corseyre du Noveret de bon boidz de faug chargé
a dict de navattyer(4), etc.» « Plus pourachept d’une corseyre de boiz
de noyer 10 florins »(s).
Le mot de cochère n’apparaît pas avant le XIXe siècle.
On trouve encore dans ces anciens temps le s• mots de corvette, de
caravelle(0), et de frégate(T) appliqués aux barques du Léman en réminiscence
éloignée des termes de nomenclature marine; ces appella-
(*) Comptes de la Châtellenie de Morges, p. 156 et 179.
(') D e r e s i d n o p r e c i i u n i u s n a v i s em p t e p r o c o r s e r i o u n o
a p u d Geb. f a c t o . Mém. Doc. Soc. hist. Genève VIII, 236.,
(3) U n am n a v em v o c a t am e o r . s y e r e z . Copie Millioud, p. 309.
(4) Elle est bien jolie cette vieille expression de nos chroniques : a di ct de... >
* Cultiver une vigne a dict de bon vigneron » ; « charger une barque a dict de na-
vattier » (batelier). Elle est conservée dans notre français actuel : à dire d’expert.
P) Les anciennetés du Pays de Vâud pour 1901, p. 147. Lausanne,
‘ (?) Comptes de Chillon : Caravelle 1326-28. Gorvette 1376-79. Communication
1. Noef, archéologue cantonal. Lausanne, m ¡¿fi.
(7), Frégate au XVI® siècle, très petit navire à rames, souvent non ponté, de 6 à
12 rames par bande. (A. Jal, glossaire nautique, Paris 1848.)