Ont duré jusqu’à l’âge du bronzé proprement dit les villages où l’on
tiouve à la fois la civilisation de la pierre et celle du bronze; quelques-
uns d’entre eux, détruits peut-être pendant l’âge de la pierre, ont été
rebâtis sur place pendant l’âge du bronze. Ces stations mixtes sont
celles de Rolle, 16, de Bellevue, 26; de la Belotte, 31, de Bellerive, 33,
de la Vie à l’Ane, 37, du Creux de Tougues, 40 (6 villages).
Ont été bâtis pendant l’âge du bronze les villages où l’on n’a trouvé
que les traces de la civilisation du bronze : stations de la Pierre de
Cour, 4, du Flon, 5, de la Venoge, 8, la cité de Morges, 11, les stations
de St-Prex, 15, de Beaulieu, 17, du Creux de la Dullive, 19, de Nyon,
21, de Céligny; 22, de Coppet, 23, de Mies, 24, de Versoix, 25, la cité
de Genève, 29, les stations de la Gabiule, 35, d’Anière, 36, de la
Fabrique, 38, de Messery, 41, de Nernier, 43, de Tbonon, 46 (19
villages).
Enfin nous avons des preuves de la durée de quelques stations jusqu’à
l’importation du fer, quel' qu’ait été le mode de cette introduction.
Ce sont les stations de Versoix, 25, de Plongeon, 30, de Beau-
regai d, 39. De ces trois stations une seule a présenté des pièces de fer
assez caractéristiques pour pouvoir être citée avec certitude, c’est celle
de Plongeon (Genève), 30.
Le nombre des palafittes, à l’époque où le Léman a été le plus
peuplé, à l’époque du bronze, est assez considérable; en additionnant
toutes les stations qui ont encore été habitées à cet âge, nous en trouvons
27, ce qui représente une population assez dense. On en jugera
par la comparaison avec les faits actuels. Je compte aujourd’hui une
trentaine de villes et villages sur la rive même du lac, ayant ports ou
bateaux sur la grève; il est vrai que des maisons isolées qui laisseraient
des ruines aussi évidentes que bon nombre de nos anciens palafittes
sont en quantité considérable; je ne puis les énumérer.
Le fait d’une prédominance des palafittes de l’âge du bronze sur les
bords du Léman, ainsi que sur les bords des lacs subjurassiens, Neu-
châtel, Bienne, Morat, est en opposition avec le développement relatif
des stations lacustres de la Suisse allemande où la pierre est de beaucoup
plus abondante. Ce fait a été déjà signalé depuis longtemps; je
le constate, je ne l’explique pas.
Je voudrais essayer de donner une idée de l’importance relative de
ces diverses stations, soit au point de vue de la grandeur des villages,
soit au point de vue de la richesse des trésors archéologiques qui y
étaient conservés. La grandeur des bourgades s’apprécierait le mieux
si l’on pouvait en mesurer la superficie, ou bien compter le nombre
des pilotis; mais l’une et l’autre des évaluations seraient bien difficiles
à effectuer. La richesse archéologique donne, de son côté, des résultats •
bien mal comparables. Le nombre des monuments que nous possédons
dépend de plusieurs facteurs assez compliqués : avant tout la richesse
primitive de la station; puis l’état d’envasement qui, dans certaines
ruines, a laissé à découvert les objets antiques tels qu’ils sont tombés
dans l’eau, il y a des milliers d’années, dans d’autres stations, les a recouverts
d’une couche de vase ou de sable impénétrable à la vue (’);■
il dépend encore de l'habileté et de la persévérance des explorateurs,,
comme aussi des facilités d’abord de la station; enfin les trouvailles-
faitès dans quelques stations ont été dispersées par les hasards de la
vente à des amateurs étrangers ou par la négligence des chercheurs..
Quoi qu’il en soit, je donnerai, je crois, une idée de l’importance actuelle
dés stations en essayant une statistique approximative des pièces
archéologiques qui y ont été trouvées et qui sont conservées dans les
collections à nous abordables. J’additionnerai celles qui à la fin de-
1887 (2) étaient dans les Musées de Lausanne, Genève, Nyon, Annecy
et Chambéry,et dans les collections particulières F. F o r e 1, à Morges (3)v.
C. et H. Monod, à Morges, Colomb, à St-Prex (4), F. M o n o d , à B u r-
sinel, A. R e v illio d , à Genève. Je répète les réserves que j’ai faites au,
sujet de l’approximation très peu serrée que peut donner un tel procédé
de comparaison. J’indique en les marquant de la lettre c les nom-
(') Dans quelques parties de la grande cité de Morges les pilotis sont ensevelis
dans une couche de vase qui recouvre tout le sol primitif. Dans d’autres il semble-
au contraire que l’alluvionnement ait été nul. J’ai recueilli moi-même dans la
grande cité de Morges une hache de bronze, enfoncée verticalement, jusqu’à mi-
corps, dans le sable; donc depuis le jour où cet outil est tombé du plancher du pa—
lafitte au fond de l’eau, l’érosion n’a jamais enlevé de ce lieu assez de sable pour
que la dite hache se soit couchée lorsque son support lui aurait fait défaut. D’autre-
part elle n’a, pas été noyée pendant longtemps dans une couche d’alluvion, car la
partie émergée du sable était revêtue de la couche normale de tuf qui encroûte tous
nos objets antiques gisant au fond de l’eau. Donc depuis l’incendie du palafitte qui
a laissé choir cet objet dans le lac, le sol qui portait cette hache n’a pour ainsi dire
pas changé de conditions.
(*) Depuis cette époque les pêches archéologiques n’ont pas donné de résultats-
appréciables dans les palafittes du Léman.
(8J Notre collection a été donnée en 1888 au Musée cantonal vaudois, à
Lausanne.
(fi La collection particulière de M. Colomb, ancien conservateur du Musée cantonal
de Lausanne a été achetée par ce Musée en 1903.