d’Ouchy, de Morges, de Nyon, au passage des bateaux à vapeur. Les
Mouettes fraîchement immigrées sont plus farouches et il leur faut
l’exemple de leurs congénères à demi apprivoisées pour qu’elles
apprennent à surmonter leur terreur instinctive de l’homme.
Les Mouettes sont donc à la fois dés oiseaux indigènes et dés oiseaux
migrateurs à moeurs vagabondes. Mais je ne puis les ranger dans la
catégorie des oiseaux de passage régulier. Je n’ai pas su reconnaître
-d’époque fixe pour leur arrivée ou leur départ ('). Elles stationnent
sur notre lac aussi bien au gros de l’été qu’au coeur de
l’hiver.
Les Mouettes- sont piscivores et insectivores. Elles piquent fort allègrement
du bout de leur bec tout insecte qui flatte à la surface de
l’eau. Elles se rassemblent en troupes à l’embouchure des affluents
qui transportent un grand nombre d’insectes (2) ; il y en a toujours de
grands vols à la Bataillière du Rhône. Avec l’agilité prodigieuse de
leurs allures on les voit prendre des Papillons et des Hannetons volant
sur le lac. Mais leur alimentation favorite est certainement le poisson,
poissons crevés flottant à la surface, poissons vivants (malades)
nageant près de la surface; elles plongent mal et ne peuvent pour-
-suivre les poissons à plus de quelques centimètres sous l’eau.
Pendant tout l’été elles trouvent une abondante nourriture sur le
lac. En automne déjà elles commencent à jeûner, et on les voit de
^septembre' à décembre aller chercher pâture dans les champs ou
prairies, souvent à plusieurs kilomètres du lac. En hiver, elles sont
affamées. Ce n’est que forcées par la famine qu’elles vainquent leur
sauvagerie naturelle et viennent se livrer à une mendicité fort amusante
en se précipitant en tourbillons bruyants et agités sur le pain
-que les âmes charitables leur distribuent à profusion. Sitôt qu’au printemps
ont lieu les premières métamorphoses des moucherons et que les
Poissons reviennent en beine, la nourriture devient abondante; les
(*) N e c k e r les fait arriver sur notre lac vers le 10 juillet; il ne dit pas quand
•elles repartent; en hiver il nous arriverait une grande immigration des Mouettes
venant du Nord de l’Europe qui hiverneraient dans nos parages, [loc. cit., p. 29| p.
124. D’après B a i l ly , les Mouettes arrivent en petites quantités, vers la mi-aout,
puis en abondance, de fin septembre à mi-octobre; elles séjournent chéz nous jusq
u ’au printemps, mars ou avril. \loc. cit., p. 29] p. 320.
- (2) En mars et avril 1896, j’ai compté les Insectes morts et vivants charriés parla
petite rivière La Morge, et je suis arrivé à des chiffres de 500, de 1000 et 1200 in-
. sectes divers par heure ; des Goléoptères, Diptères, des Fourmis, etc. C’est par les
jours de grand vent que le nombre était le plus considérable.
:
Mouettes s’éloignent des quais et le pain le plus mollet et le plus
appétissant ne sait plus les tenter.
Les Mouettes ont une vue prodigieusement perçante et à portée très
éloignées ; elles sont en même temps très attentives. L’expérience
suivante que j’ai souvent répétée en est la preuve. Depuis l’année 1880
environ, ces oiseaux ont appris à suivre en hiver les bateaux à vapeur
pour mendier les miettes de pain que les passagers leur prodiguent à
plaisir. J’ai plusieurs fois, quand je voyais des Mouettes voler à grandes
distances du bateau, à 200m, à. 500m et à l km, laissé tomber dans le
lac un morceau de pain gros comme une noix, en ayant soin de me
cacher derrière un écran qui me rendait invisible à l’oiseau pendant
que je préparais mon appât et que je le jetais dans l’eau. Jamais je
n’ai vu cette proie minuscule échapper au regard aigu de la Mouette.
Si je remplaçais le pain par un corps flottant non comestible, un bout
de cigare, un morceau de bois, jamais je n’ai vu l’oiseau s’y tromper,
et plonger pour essayer d’y goûter.
On peut décrire comme suit le plumage de la Mouette rieuse à ses
.divers âges et en diverses saisons (*) :
Jeunes d e s ix m o is , en hiver. Maculé de cendré sur la tète, taché
de brun ou de noirâtre en avant des yeux et sur l’oreille. Cendré
bleuâtre sur le dos et les ailes, avec les petites couvertures alaires
variées de brunâtre et de rôussâtre. Queue blanche, barrée de noirâtre
au bout. Bec rougeâtre à la base, noirâtre ou brun à sa pointe, pieds -
jaunâtres.
2 e année. l re m u e de p r in tem p s (avril). Capuchon brun avec
quelques plumes blanches. Queue brune à l’extrémité. Les couvertures
alaires encore un peu brunâtres et quelques bordures roussâtres qui
disparaissent à mesure que la saison avance.
2me m u é . (automne de la 2me année). Plumagè de l’adulte.
Adultes. P lum a g e d ’a u tom n e e t d ’h iv e r . Blanc pur, teinté de
rose sur la poitrine et le ventre. Tache noire ou noirâtre, en croissant,
devant i’oeil ; seconde tache plus grande dans la région parotique.
Manteau et tectrices alaires cendré-clair. Les quatre rémiges primaires
blanches, terminées et bordées de noir sur le bord interne ; la première
a ses barbes externes noires. Bec et pieds rouge de laque. Iris
brun-foncé.
IsSÉ
o | J.-B. Bailly. Ornithologie de la Savoie. IV, 819. Paris, 1854.