CHAPITRE X. DROITS ET COUTUMES DE LA NAVIGATION.
Donnons quelques détails sur les conditions générales de la navigation,
du navigctge, comme on disait autrefois, pendant le moyen âge
et l’aurore des temps modernes.
Dans les franchises d’Evian octroyées par P i e r r e II, comte de Savoie,
en mai 1265, nous lisons l’article suivant : « Les bateliers d’Evian
doivent transporter par le lac le Seigneur, et ceux qui l’accompagnent
et le Seigneur doit leur fournir la nourriture et la boisson, ou bien leur
payer deux deniers par batelier et par repas » (*).
;Ce droit de circulation gratuite sur le lac en laveur du Seigneur et
de sa maison s’est continué de nos jours sous la forme de ,cartes' de
passage sur les bateaux à vapeur ah; bénéfice des membres dù gouvernement.
Mais les bateliers ont laissé perdre la bonne coutume qui
leur accordait autrefois et la nourriture et la boisson..
Dans le Plaict-général de Pully de l’an 1368, nous trouvons une
prescription analogue, assurant,, mais à titre onéreux, le transport sur
le lac, en faveur des co-Seigneurs de ce bourg, l’évèque de Lausanne
et Aymon de Genève, seigneur d’Anthon : «Art. 5 . Item, les jurés et
prud hommes de Pully reconnaissent que les possesseurs de bateaux
dans le port de la localité doivent conduire et' transporter les dicts
Seigneurs, ainsi que leurs vivres, sur tout le lac, dans les dicts bateaux,
mais cela aux frais des dicts Seigneurs ». (a)
Nous trouvons plus tard l’indice d’un service de transport sur'le lac
qui assurait, aux bourgeois aussi bien qu’au Seigneur, le droit de se
faire Conduire eux et leurs bagages par des bateliers de profession,
moyennant le payement d’une taxe fixe, déterminée d’avance. C’est
ce qui résulte de l’article suivant des franchises de Nyon, 7 dée. 1439.
Je le donne dans la traduction de Grenue 0 . « Item que ceux qui exer-
(*) L. Wutstemterger. Peter der Zweite. Bern 1858. IV, p_ 377.
(*) Jé traduis ainsi: cum e x p e n s i s i p' sôrum d omi n o r um! - Mém.
et Doc. S. H. S. R., VIT, 247. Lausanne 1846.
i3) [Loc. at. p. 505], p. 60. Le texte tatin est aussi difficile à comprendre' que la traduction.
Cf. F. Forel., [toc. cit. p. 506, note 2], p. 252.
cent l’art de la navigation sur le dit lac, et qui sont bourgeois, habitants
ou advenaires, et seront trouvés et pris dans les dites limites
(depuis le milieu du lac, entre l’Ormeau sous Genthod et l’Epinaie du
Rupallexprès Rolle)(1) soient tenus de conduire le Seigneur, les bourgeois
et leurs messagers et les choses qui leur appartiennent, .aller et
revenir par le dit lac en payant, jouxte la taxe qui en sera faite quatre
fois l’année ; que si ils y contredisent ils soient tenus à 60 sols envers
le dit Seigneur, et néanmoins faire la dite conduite ».
Nous déduisons de faits indirects l’existence d’un commerce assez
important qui se faisait par le lac dans, les temps bien reculés du
moyen âge.
C’est ainsi qu’en 1360 le péage de Morges prélevait des droits sur
les marchandises qui y passaient arrivant par voie des Clées ; on y cite
des balles de toiles de France, de toiles des Flandres (420 balles), de
toiles de Venise (155 balles), on y parle de sel, de blé, etc. On cite encore
le péage de marchandises venant de ou allant à Lausanne, Mou-
don, Romont, etc. Plus tard nous voyons des réclamations du fermier
du péage qui demande à être déchargé d’une partie de ses censes,
parce que les guerres ont arrêté le commerce et qu’il n’a rien pu encaisser
(2):
Il nous paraît évident que ce courant de transit devait se continuer
sur Genève par „voie du lac. Mais ce n’est que plus tard que des services
plus ou moins réguliers furent organisés.
De même dans les archives de Villeneuve nous trouvons l’indice
d’un commerce actif de marchandises qui passaient le Grand St-
Bernard et étaient dirigées sur Genève par voie du lac.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, on voit l’organisation des
services du transport des marchandises sur le lac, et tout d’abord de
Genève à Morges qui servait de port de transit pour le nord de la
Suisse! En 1675 LL. EE. de Berne admodièrent le privilège du charroi
dés marchandises entre Morges et Genève au sieur Pierre Mandrot ,
conseiller à Morges, et assesseur baillival(3) ; en 1677 aux sieurs M a n-
(*) C’étaient les limites du territoire de Nyon.
. (2) Comptes de la Châtellenie de Morges, p. 5, 12, 44, 94, etc. [Loc. ci£.,,p. 522].
(3) Mandate und Verordnungen. Morges, III, ou encore Livre des Bailliages.
Morges. I, 391, Arch. de Lausanne.