En 1665, Berne ordonna la construction, à Genève, de deux galères,
le Grand Ours et le Petit Ours, qui ne furent terminées qu’en,1672.
Elles pouvaient porter 400 à 500 hommes. Le. commandement en
fut remis à un officier de marine protestant, originaire, de Toulon,
Jean G eo ffre y , seigneur de T o r r e n t, qui resta au service de Berne
jusqu en 1687, époque à laquelle il retourna en France pour rentrer
dans le giron de l'église catholique 0 . g
C’est à cette époque que la Savoie menaçait les rives suisses, ou
alliées des Suisses. Vers 1672 on voyait apparaître devant Morges
deux grands bateaux savoyards qui y pratiquaient des démonstrations
inquiétantes. Le duc de Savoie faisait fortifier Bellerive et y creuser
un port (^), vis-à-vis de Versoix, à 7km de Genève. Ses ennemis cherchaient
à enserrer la ville dans des mailles toujours plus étroites. Pour
répondre à ces menaces, en 1678, «la petite frégate étant ruinée, LL.
SS. de Genève ordonnent d’en faire une autre neuve » (3). On' armait
cette grande galère, le Soleil, à 9 paires de rames, portant 10 canons*,
plus tout un arsenal de piques et de mousquets et un équipage de plus
de 90 hommes, officiers, soldats et marins. Les brigantins, armés de-
môme, n’avaient que 45 hommes d’équipage^). En 1687, Genève acquérait
de nouveau une grande galère neuve (5).
En 1689, les Vaudois du Piémont qui traversaient le lac de Vevey
à St-Gingolph pour envahir la Savoie, rencontrèrent les deux frégates
de Savoie; mais celles-ci battirent en retraite (6).
Avant d’aller plus loin, donnons quelques détails sur les navires de
la flottille bernoise; on y constatera que ce n’étaient point de simples
barques marchandes, armées accidentellement de quelques canons,
et embarquant quelques troupes de passage ; c’étaient des bâtiments
d’assez fort tonnage munis de tout le gréement et les appareils de
vraies galères, Toutes les notes que j’analyse ici sont tirées des gros
volumes de rapports et de documents du conseil de guerre aux archives
de Berne: Manuale, Schifffahrt im Lande, etc.
(*) Rodt [loc. cit., p. 524], p. 173. *
(2) Haller [loc. cil., p. 524], p. 167.
(s) MS. historiques, XLIII, 3. 30, v. Arehiv. de Genève.
(4) Moynier, loc. cit. 37. Blavignac, loc. cit. 316.
(5) Haller, 196.
(6) E.-H. Gaullieur. Etrennes nationales, p. 138, Lausanne 1845.
Le Grand Ours, construit eh 1666, mesurait 84 pieds (i), 27.2“ de
long, 5 .4m de large; il avait deux mâts, le grand mât et le mât de trinquet,
avec une voile chacun. Le mât mesurait 19.4”» de haut, l’antenne
{vergue) 40.8“ . Il avait 16 bancs de rameurs,^), au milieu une. allée
couverte, 32 rames de bois de sapin, maniées chacune par deux ra meurs,
8 canons, 28 mousquets, 150 hommes.
Le Petit Ours mesurait 20.4“ de longueur, sur 4.5“ de largeur; il
avait deux mâts, de 18.5“ chacun, avec une voile dont l’antennè était
•de 32.4“ . Il y avait 13 bancs de rameurs, soit 26 rames à 2 hommes
par rame. L’armement était de 8 canons, 16 mousquets, l’équipage de
140 hommes. -
Le Bernoise était un brigantin de 14.6“ de long, de 3.1“ de large;
un seul mât de 9.7“ , une seule voile, avec une antenne de 19.4“ de long.
Elle avait 7 bancs de rameurs, chaquè rame à un homme. Elle portait
2 canons et 50 hommes.
La Fortune (le petit esquif) était un brigantin à un mât et une seule
voile, avec 5 bancs de rameurs, et monté par 25 hommes.
Différentes notes de 1685 et 1686 évaluent la charge possible des
galères et barques qui peuvent transporter des troupes à Genève. Voici
le relevé le plus clair :
Les deux galères de LL. EE. portent, outre leur équipage 500 hommes.
Les deux galères de’Genève 200 »
Cinq barques de Genève, ensemble 2100 »
Une-barque à Morges . • , ■ . *. .200, ~ ». ,
T o ta l 3 0 0 0 h om m e s .
Nous avons encore les dimensions de la barque à Panchaud, de
Morges, barque à marchandises, faisant le service de Genève à Morges,
mais équipée aussi en galère et pouvant être réquisitionnée pour le
service militaire; elle mesurait 70 pieds (23“ ) de long, à 12 paires de
.rames, pouvait en cas de nécessité porter jusqu’à 400 hommes(3).
(>) C’était en général le pied de roi, de 324"'” qui était employé pour les mesures
•de barques du Léman; c’est ce que j’ai admis partout où je n’ai pas trouvé de note
impérative, me disant qu’il s’agissait du pied de Berne. Celui-ci mesurait 293"»” .
(2) Dans un rapport de 1672, Max I v o y n’attribue que 13 paires de rames au
■Grand Ours et 11 au Petit Ours. Dans un autre rapport du même Ivoy (sans date),
le Grand Ours est dit avoir 17 bancs pour 34 rames « et jacque ramme deux
hommes », soit 68 hommes.
(3) Kriegsraths Manuale, XXII, 172. 27 juillet 1691. Arch. de Berne.