elle n’existait pas, ou à peine, dans les environs de Morges. Quand de
1854 à 1860 nous explorions les golfes de Morges pour y faire nos
pêches d’antiquités lacustres, quand de 1869 à 1885 je fouillais nos
environs pour en étudier la flore et la faune, je connaissais une touffe
de ce Potamot sur la beine de Morges, en avant du palafltte de la grande
Cité lacustre de l’âge du bronze, et c était tout. J’en avais m ontré quelques
rameaux à J.-B. Schnetzler qui l’avait appelé P. pusillus et c’est
ainsi que cette dernière espèce a longtemps figuré dans nos listes de
plantes du lac (*). J’ai retrouvé, depuis lors, ailleurs, le vrai P.pusillus.
Yers 1892 j’ai trouvé quelques buissons du P. poctiné, chaque année
plus grands e t plus étendus, autour du débarcadère, dans le port devant
les quais, dans les golles de Morges; chaque année depuis lors j’en ai vu
de nouvelles touffes dans des localités où ces plantes m’avaient éehappé
auparavant; quand je les montre aux pécheurs, ils sont comme-moi
étonnés de cette apparition. J’ai l’impression d’une extension assez
rapide de cette plante. Elle se présente dans le Léçnan sous trois
formes :
a. Une forme annuelle qui pousse au printemps en taillis serrés de
plantes frêles, peu coriaces, atteignant une hauteur de 2 à 5 décimètres
n ’arrivant pas toujours à la surface de l’eau. En automne, septembre
et octobre, les plantes s’étiolent, sont rompues par les vagues, et disparaissent.
Si je drague la vase dans cette localité, j’y trouve en abondance
les bulbilles 'qui reprod uiront la plante au printemps. J’en connais
des taillis autour du débarcadère, et en diverses places devant le quai
Lochmann, à Morges, des touffes isolées dans le port de Morges. Cette
forme a fleuri pour la première fois à Morges en août 1899, dans deux
des buissons qui étaient le moins profond, et dont les rameaux longs
de 50 à 60cm, pouvaient venir s’étaler à la surface; elle n’a pas fleuri en
1900.
b. Une forme vivace qui se groupe en buissons beaucoup moins serrés,
à tiges souterraines, traçantes, donnant issue à des tiges qui sortent
de la vase, de décimètre en décimètre; elles s’étendent en files parfois à
des mètres de distance. Les tiges, coriaces, ligneuses, souvent incrustées
de tuf calcaire, persistantes, portent des hibernacles (boutures
spontanées) dans des exemplaires élevés en étang, hibernacles que j’ai
f ) F.-A. Forel. Notice sur l’histoire naturelle du Léman 1877; Faune profonde des
lacs Suisses 1885; Le lac Léman, précis scientifique 1886, etc.
constatés, mais plus rarement, chez quelques individus cueillis dans
le lac. Dans le sol autour des rhizomes, on trouve en hiver des bulbilles.
Les tiges, de ramification irrégulière, en balais, atteignent une hauteur
de 10 à 20cm lorsqu’elles sont près dç la rive, en eau peu profonde; elles
dépassent 30 ou 40cm dans les régions plus profondes de la beine, sous
3 à 4m d’eau. Elles ne viennent jamais à la surface, et je ne les ai jamais
vu fleurir dans le lac. Une touffe élevée en pot dans l’étang de l’Abbaye,
à Morges, a fleuri en juillet 1895. Je connais de cette forme quelques
touffes devant le grand palafltte de Morges; depuis 1854 à 1899, je les
ai surveillées et toujours retrouvées;- quelques bosquets dans les golfes
du Parc et des Roseaux à Morges; devant la ville de Rolle, etc. C’est actuellement.
une des espèces fréquentes parmi les Phanérogames dé la
beine. Je laisse à d’autres le soin de décider si cette forme est identique
ou non avec P. vaginatus Turcz. de la Sibérie, ou si ce n ’est
qu’une variété de P . pèctinatus dont les gaines foliales sont fortement
incrustées de tuf calcaire (L).
c.'Une forme d’eau courante, également vivace, qui végète avec exubérance
dans le port de Genève. Entraînées par les courants de l’eau,
les tiges, qui atteignent plusieurs mètres de longueur, ont un puissant
développement de rameaux et de feuilles, et se balancent élégamment
dans les veines liquides du.courant de l’origine du Rhône. Solides,
coriaces, à tige ligneuse, ces plantes ne viennent pas à la surface; je ne
les ai jamais vu fleurir. Cette stérilité est confirmée par G. Hoch-
re u tin e r qui a suivi leur végétation pendant toute une année (2).
P. filiformis Nolte, golfe du Bouveret, port de Thonon, port de
Morges. Dans cette dernière localité j ’en observe une touffe depuis
1890; elle a fleuri en 1898 et 1899, mais pas en 1900.
Iris pseudo-acorus L., dans les estuaires des rivières.
Elodea canadensis Casp. (Anacharis alsinastrum Bab.) Cette plante
d’origine américaine a été introduite dans notre lac vers 1880. Elle a
été constatée d’abord dans le port de Morges en 1883 oü elle a formé
un tapis serré, refoulant bientôt toutes les autres espèces qui encom-
bi aient autrefois les eaux. Comment l’Elodea est-elle arrivée chez nous ?
En 1869 Auguste C h a v a n n e s l’avait introduite et plantée dans plusieurs
étangs et ruisseaux, pour favoriser la pisciculture, entre autres à
(‘) Cf. Wilczek, Areh. Genève, XXXIV, 382.1895.
« * Phanérogames du port de Genève. Bull. herb. Boïssier, V, 9,1897.