savons au contraire que ce dépôt de l’alluvion est très lent(l). Je crois
plutôt que les coquilles mortes qui ne sont pas immédiatement enfouies
dans l’alluvion lacustre sont attaquées par Lacide carbonique
dissous dans l’eau du lac ; leur carbonate de calcium se transforme en
bicaibonate qui se dissout rapidement dans l’eau ambiante, et il ne
i este plus que la partie organique qui nè tarde pas à se putréfier.
f. Les parties dures des cadavres des animaux de la faune profonde,
en particulier les carapaces ehitineuses des Arthropodes et les polÿ-
pides des colonies de Frédericelles. Ces derniers sont parfois en nombre
énorme, j ’ai compté plus de 450 colonies dans le produit d’un seul-
coup de drague par 35m devant Morges.
g. Les coques d’oeufs d’animaux de la faune profpnde; nous avons
trouvé à l’état viyant et nous avons reconnu des oeufs d’Hydrachnides,
de Limnées, de Valvées, de Chétopodes, de Turbellariés, Les coques
ehitineuses et les oeufs de ces deux derniers groupes d’animaux sont
souvent en nombre considérable dans le limon.
h. Les coques de Difflugies sont encore plus abondantes; avec les
oeufs de Turbellariés et les- graines de Characées elles forment un sable
de petits granules sphériques ou ovoïdes qu’on isole par un tamisage
convenable. C est par milliers qu’on en récolte dans un seul coup de
drague, dans certaines localités favorisées.
i. Enfin, les carapaces ehitineuses des Entomostracés pélagiques,
qui ont coulé à fond, forment par leur nombre surabondant la grande
majorité des débris, organiques du limon. Lorsqu’on a lavé sur un
tamis le produit d’ün dragage, l'on voit flotter dans l’eau de lavage un
nuage de poussières grisâtres, légères, ne se déposant que très lentement
su r le fond du ,vase; c’est par centaines, par milliers et dizaines de
milliers qu’un seul coup de drague en ramène; leur nombre diffère'
du reste beaucoup d un endroit à l’autre, et ils sont évidemment accumulés
en certains points par les courants du lac. On reconnaît dans
ces poussières les débris des cadavres des Entomostracés pélagiques ;
plus lourds que l’eau, ils -sont lentement tombés au fond du lac; les
Parties molles ont été dévorées par les animalcules de la faune pro-
(') Nous avons évalué (t. I, p. 377) à 9 800 OOOm^ le transport annuel des affluents
du Léman; cette quantité répandue sur la superficie du lac ne représente que 5»»»
d’alluvion déposée par an ; la plus grande partie se dépose sur la plaine centrale
du lac. .
fonde, el par lés microbes de la putréfaction; il n’a subsisté que les parties
ehitineuses qui sont beaucoup plus lentes à se détruire. Nous y reviendrons
quand nous parlerons de l’alimentation de la faune profonde.
Tous ces débris, quand ils ont. été lavés sur les tamis et qu’ils reposent
dans- un bassin du laboratoire, forment un véritable charnier ;
dans la -nature, emprisonnés qu’ils sont dans la vase inorganique et
dans le feutre organique qui les enveloppent, ils sont moins bien séparés.
Plus tard, dévorés par les animaux fouisseurs ou désagrégés palla
putréfaction, ils disparaissent définitivement, à moins qu’englobés
dans la masse argileuse, ils ne soient fossilifiés et ne deviennent partie
intégrante de la marne lacustre de dépôt actuel.
D’après ce que nous venons de décrire, soit en algues, soit en animaux,
la région profonde est loin d’être déserte. 11 y a une société
biologique de la région profonde, une f a u n e p ro fo n d e * une flo re
p r o f o n d e , une s o c i é t é p r o f o n d e , comme on les désigné par
ellipse, irne s o c ié té a b y s s a le p o u rc e u x qui cbérchent un terme
plus correct.
3° Conditions de milieu.
Quelles sont les conditions de milieu dans lesquelles vivent ces
organismes'? -
Pour simplifier, je les considérerai d’abord dans la région profonde
proprement dite, au-dessous de 50 ou de 100m, là où ces conditions de
milieu sont à l’état de développement parfait. Plus loin je reprendrai
la zone intermédiaire, celle oit les conditions spéciales du milieu profond
commencent à apparaître et se développent progressivement, à
partir du bas de la zone littorale. Je rappelle qu’au point de vue biologique,
la région profonde, la patrie des animaux limicoles, marcheurs
ou sauteurs, et des plantes fixées au sol dans la zone profonde du lac,
■est le fond môme du lac, le sol limoneux et la couche d’eau qui le'
baigne immédiatement. C’est le fond du lac, en avant de la région littorale,
en dessous de la région pélagique.
1° Les 'organismes qui habitent la région profonde du lac sont.dans
■un milieu aqueux, sans relation avec l’atmosphère. Cette constatation
qui peut semblei- lin truisme, est rendue nécessaire par l’existence
dans les profondeurs du lac d’animaux pulmonés (Limnées) et d animaux
aériens (larves de Némocères).