nouveaux. Mais en admettant cela, nous devons reconnaître que nous
sommes encore bien loin du type de la barque du Léman du \ \ | | |
siècle.
D après cela et sans pouvoir préciser autrement, je crois devoir
chercher la date de l’apparition de cette nouvelle barque à la fin du
XVIIe siècle.
D’où vient cette apparition ?
La première idée qui se présente à nous en ferait une transformation
de la naue, transformation que nous voyons indiquée par les essais
constatés sur la planche pour Pierre Chouet. Mais nous devons reconnaître
que cette transformation aurait été bien radicale et aurait porté
sur la plupart des organes : les deux mâts, les voiles latines, les appoustis,
le gouvernail vertical sont déjà à l’état parfait dans le dessin
de 1705; seul le pont qui couvrirait tout le creux du bateau est
douteux. Si tous ces organes ont été ajoutés à l’ancienne naue, la
modification équivaudrait à une construction nouvelle. Mais n’anticipons
pas.
Choisissons dans ces divers organes'ceux qui sont assez spéciaux
pour nous aider dans la recherche de leur origine. Le pont qui couvre
la cale, le gouvernail vertical, les deux mâts sont d’usage tellement ré pandu
sur toutes les eaux du monde, que leur provenance ne peut
nous apparaître évidente. Les voiles latines sont connues sur toute la
Méditerranée; la tartane des pêcheurs italiens, comme la dahabiëh du
Nil en sont armées 0 , leur présence sur le Léman indique évidemment
une influence méridionale, mais ne permet pas de préciser autrement.
L’organe le plus caractéristique à mon avis est Vappousti (ou apoustis)
coursive ou galerie latérale, externe au corps du navire, sur laquelle les
bateliers courent quand ils font avancer la barque en poussant à Vétire,
perche armée d’un fer à sa pointe qui prend appui sur le sol de la
beine; l’appousti facilite en outre toutes les manoeuvres, lorsque le
pont de la barque est encombré de marchandises, pierres et bois.
L’usage des appoustis est assez limité: ils ne seraient d’aucune utilité
en pleine mer, où l’on ne peut atteindre le fond et pousser à l’étire; ils
ne peuvent être adaptés aux bateaux des canaux et des fleuves qui
doivent glisser l’un contre l’autre sans s’accrocher à des appendices
(*) J’ai vu désigner ces voiles latines sous le nom de voiles catalanes.
extérieurs. Ils ne sont du reste connus que dans une aire très restreinte.
M. le directeur du Musée de la marine au Louvre de Paris m’indique
des navires munis de coursives externes dans .les jonques de guerre
de la Chjne, dans les « bateaux de fleurs » de Chine et du Japon, dans
certaines jonques de Siam et des Philippines, enfin dans certaines pirogues
de quelques îles du Pacifique (*).
Mais aucun fait historique ne nous montre au milieu du XVIIe siècle
des rapports évidents des constructeurs de nos barques avec l’extrême
Orient. D’autre part, si les appoustis sont communs aux barques du
Léman et aux jonques des pays asiatiques, les autres caractères de
nos barques, tout aussi importants pour la découverte des origines, ne
sont nullement représentés dans les pirogues et jonques dont il vient
d ’être fait mention. Nous devons donc chercher ailleurs.
C’est dans les galères des flottes dé guerre du Léman que nous
trouverons la solution de notre problème. En effet, nous y rencontrerons
non seulement les appoustis qui ne peuvent venir que de là,mais
encore les autres organes qui différencient la-barque de la naue, et
qui sont par conséquent nouveaux pour les barques marchandes de
nôtre lac, le pont, le gouvernail vertical, les deux mâts, les voiles
latines, ■ etc.
Pour prendre une idée de ce qu’étaient les galères savoyardes, genevoises
èt.berhoises, recherchons d’abord ce qu’était le type original
qui leur avait servi de modèle.
Je donne aux figures 242 et 243 deux dessins, les plus complets que
j’aie su trouver, dès galères méditerranéennes du XVUfe siècle. La
figure 242 est une réduction de la planche II de l’article Marine, VIIIe
volume des planches de la Grande Encyclopédie, Paris 1769. Cette
figure ne demande pas d’explications, sauf peut-être pour la vaste tente
qui recouvre le pont pour protéger les rameurs, et qui est dessinée
relevée'sur un de ses côtés. La figure 243 représente un modèle de
galère vénitienne, du XVIIIe siècle, propriété de la famille G a b e l l a ,
d’après une photographie appartenant à M. A. Naef , qui me l’a obligeamment
communiqué.
La galère, telle que l’avaient établie les constructeurs des Républiques
italiennes, copiée dans les flottes de la France, était un navire