les nécessités de la lutte pour l’existence; nouveau-venu qui cherche
à s’introduire dans une société déjà constituée, il doit se faire sa place
et surtout, éviter d’être détruit — disons d’être mangé, car c’est le
terme qui résume le sort commun à tous les êtres vivants, — avant
d’avoir fait progéniture.
Ajoutons enfin pour la propagation des organismes dioïques, à sexes
séparés, la nécessité de la rencontre,.en temps voulu, d’individus des
deux sexes.
Toutes ces difficultés, tous ces obstacles semblent bien compliqués
et paraissent devoir rendre bien aléatoire le peuplement d’une contrée-
nouvellement ouverte. La vie est pourtant si féconde, elle est si ingénieuse
dans ses ressources, qu’il n’est pas de région de la terre qui ne
soit habitée, il n y a pas en particulier de masse d’eau qui ne reçoive
sa population bientôt après son établissement.
Ces généralités dites sur le peuplement des eaux lacustres et su r
celles du Léman en particulier, venons-en à la genèse de chacune d e
nos trois sociétés biologiques lacustres, et cherchons en quoi, à ce
point de vue, elles diffèrent entre elles.
3° Genèse de la société littorale.
Ce que nous venons d’exposer s’applique directement et sans autre-
modification à la société littorale. Celle-ci doit son origine en partie
aux organismes des eaux campagnardes du bassin hydrographique,
rivièies, étangs, marais, lacs de plaine ou lacs de montagne, eaux'sou-
terraines,. qui nourrissent les affluents du lac, en partie au transport
par migration passive, et en particulier par le moyen des Oiseaux migrateurs
d’organismes déjà adaptés, ailleurs à la vie lacustre.
Tous ces organismes apportés par diverses voies dansle lac, y entrent
d’abord à l’état erratique, puis ils s’y établissent, s’ils peuvent s ’adapter
aux conditions de vie nouvelles pour eux, enfin ils y font souche et s’y
multiplient, s’ils peuvent-surmonter les difficultés et les dangers d e
la lutte pour l’existence contre les organismes divers déjà établis
avant euxl
11 est inutile de revenir ici sur ce que nous avons suffisamment développé
ci-dessus. Quant à. quelques questions générales, touchant
entre autres à la notion de l’espèce et de ses variations, nous les disGENÈSE
DE LA SOCIÉTÉ PÉLAGIQUE 281
cuterons plus facilement à propos des sociétés biologiques des autres;
régions du la c.'
4° Genèse de la société pélagique.
Ce qui domine dans les caractères généraux de la société pélagique,,
c’est son cosmopolitisme; elle est presque absolument semblable à
elle-même dans tous les lacs où elle a été étudiée, lacs de la Scandinavie,
lacs de la Russie, des lies Britanniques, de l’Allemagne, de la.
France, de la Suisse, de l’Italie, lacs des Açores, lacs de l’Amérique du
Nord. C’est toujours le même groupement de formes animales et végétales,
ce sont les mêmes espèces qui se retrouvent partout représentées.
A côté de cette similitude dans la liste des organismes, il faut cependant
constater l’absence, de certaines formes dans quelques lacs;
quelques espèces ne se retrouvent pas dans certaines eaux, ainsi par-
exemple on n’a pas encore péché dans le Léman Heterocope robusta,
Ceriodaphnia pelagica, Bosmina longïrostris, Mastigocerca capuci-
norum, etc., qui sont communs dans le plupart des lacs suisses; et ces-
lacunes dans le tableau de la société pélagique sont comme fortuites,
rien ne semble les expliquer. Quoi qu’il en soit, ce cosmopolitisme est
très frappant, et depuis que P.-E. M ü lle r l’a signalé en 1870, il a été-
reconnu par tous les naturalistes qui se sont occupés de la question.
Une .aire d’extension aussi étendue ne s’explique que par des migrations.
L’absence de certaines espèces dans quelques lacs fait supposer
que ces migrations sont passives et sont livrées aux incertitudes-
du hasard.
Le caractère de passivité des migrations qui ont disséminé dans;
l’ensemble d’un continent les espèces pélagiques est confirmé par ce
que nous savons des allures des organismes en question. Les animaux
sont nageurs, cela est vrai, infatigables nageurs, mais leur démarche-
est en général tellement lente, tellement majestueuse, fis sont si peu
agiles et si peu rapides qu’on ne peut les juger capables de lutter
contre le courant d’un fleuve, et de le remonter activement. Leur dissémination
ne pourrait avoir lieu qu’en descendant les rivières et non
en sens inverse de leur cours. Beaucoup de microzoaires et tous les;
microphytes sont du reste, de nature même, immobiles et passifs; on
doit donc, pour leur introduction dans les régions subalpines tout au.