viennent d’autres contrées où la série des êtres n’a pas été interrompue
par la lacune biologique de l’époque glaciaire; ils sont les produits-
d’anciennes différenciations tertiaires (,') ou même anté-tertiaires. L’ab-
normité dé certaines espèces pélagiques n’a, dans ces circonstances;
plus rien d’étonnant et s’explique facilement.
Ce n’est du reste pas à dire que le procès de différenciation des
formes pélagiques ne puisse avoir lieu chez nous ou se continuer
de nos jours. Nous constatons dans la région pélagique la présence-
accidentelle d’espèces littorales, des Diatomées, des Entomostra-
cés, entraînés par les vents et les courants. Celles de ces espèces,
qui sont capables de survivre dans la lutte pour l’existence, pourront,
cela est évident, s’établir et se multiplier dans la zone médiane
du lac et, la sélection naturelle aidant, se transformer en espèces
pélagiques.
11 est une circonstance qui doit favoriser une telle production d é
formes pélagiques. C’est l’existence des moeurs crépusculaires de certains
animaux, dans un milieu lacustre animé par des brises régulières.
Les Entomostracés, par exemple, sont souvent crépusculaires ou nocturnes;
pendant la nuit ils viennent jouer à la surface de l’eau; pendant
le jour ils s ’enfoncent dans les coucbes inférieures. Si nous plaçons de
tels animaux dans un lac agité par Je rythme alternatif des brisés littorales,
nous verrons qu’ils seront presque nécessairement relégués dans
la région pélagique. En effet, pendant la nuit, quand ils sont à la surface,
il règne normalement une brise d e te rrè qui détermine, un courant
centripète; ils seront donc entraînés vers le milieu du lac. Pendant i
le jour, au contraire, quand la brise de lac, le rebat, souffle vers la;
terre, ces animaux, par leur migration dans les couches profondes,
échappent au courant centrifuge qui les ramènerait vers le littoral. Le
chemin gagné pendant la nuit n’est pas perdu pendant le jour, et
comme à chaque nuit de beau temps le même transport s ’effectue dans
le même sens, ces animaux à migrations verticales diurnes se trouvent
en somme refoulés toujours plus dans la région centrale du lac.
Grâce à la sélection naturelle qui éliminera ceux qui ne-sont pas bons
nageurs ou qui sont insuffisamment diaphanes, ils se transformeront
bientôt et deviendront partie intégrante de la faune pélagique. — Un
tel procès doit pouvoir se répéter sur des animaux crépusculaires dans:
H Dans lè sens géologique du mot, appartenant â l'époque tertiaire.
toute masse d’eau assez vaste pour offrir l’alternance régulière des
brises de jour et de nuit.
Tout cela est suffisamment bien enchaîné et assez conforme aux faits
généraux de la biologie pour avoir reçu un fort bon accueil. J’ai cependant
un contradicteur que je n’ai pas réussi à convaincre, mon cher
ami le professeur P. P a v e s i, de l’Université de Pavie; et cette divergence
d’opinion m’est d’autant plus sensible que l’autorité de mon savant
opposant est grande et sa compétence indiscutable. Il est l’auteur
d ’excellents et nombreux travaux classiques sur la faune lacustre italienne;
c’est lui qui a découvert et étudié la faune pélagique des lacs
d ’Italie, et son expérience dans la question est aussi vaste que son savoir
est étendu.
P a v e s i estime que la faune pélagique.est une faune reléguée. On
entend par ce mot une société animale qui s’est transformée de faune
marine en faune d’eau douce par la réclusion, la relégation dans un
bras de mer séparé de l’océan. Une barre, alluviale ou de quelque natu
re qu’elle soit, a isolé un golfe, un fiord en empêchant la rentrée de
l’eau de mer; son eau, délavée par l’excès d’eau non salée apportée
par les affluents s’adoucit, progressivement; sa salure se diluant de
plus en plus, elle devient de l’eau douce. Cette modification dans la
qualité des eaux s’opérant très lentement, les organismes, certains
d ’entre eux du moins, capables de s’adapter aux nouvelles conditions
de milieu, se transforment progressivement aussi en animaux
d ’eau douce. On explique du moins ainsi la présence dans certains
lacs d’eau douce de formes animales de type marin. Ainsi les Mysis
relicta, les Pontoporeia affinis des lacs Scandinaves, ainsi le Palaemon
làcustris du lac de Garde. L’histoire géologique des lacs italiens fait
admettre à certains auteurs que nombre d’entre eux, les grands lacs
de la haute Italie en particulier, sont des anciens lacs de la mer insu-
brienne qui ont été séparés de la mer Adriatique par l’envahissement
des alluvions du Pô, et Pavesi suppose que la faune qui les peuple, la
faune pélagique spécialement, est en tout ou en partie une faune reléguée.
11 se base essentiellement sur deux ordres de faits : en premier
lieu s u e le type évidemment marin de certaines espèces, Bythotrephes,
Leptodora ; en second lieu sur les irrégularités de distribution de la
faune pélagique. Certaines espèces représentées dans un lac manquent
dans le lac voisin. Dans une étude très serrée de la distribution géo