traction de la ville d’Epaune, et de la catastrophe du Tauredunum dans
les éboulements du Bois-noir. Cela m’a été affirmé à plusieurs reprises
par les révérends chanoines eux-mêmes. Pour qui sait le soin jaloux
avec lequel l’Eglise romaine garde ses traditions, cet argument est de
grande valeur. C’est sur lui que se sont appuyés le chanoine B o c c a rd 0 ,.
Ch. L. de B ons (2), et surtout F. de G in g in s (3) qui a soutenu la thèse
du Tauredunum au Bois-noir dans un mémoire considérable et de grande
science, écrit en 1853 et publié en 1856.
Le Bois-noir est un énorme cône torrentiel qui barre la vallée entre
le Trient et St-Maurice, qui a relevé le lit amont du Bhône et créé un
rapide de ce fleuve. Le cône d’aliuvion, amené par le torrent de St-
Barthélemv.a été à réitérées fois renforcé par des éboulements partiels
de la cime de l’Est de la Dent du Midi; il se produit îjlors une coulée
semi-fluide, semi-solide de pierres, de boues, de glaces, qui recouvre
tout ou partie du cône torrentiel. Ces cataclysmes ont eu lieu entre
; autres en 1560, en 1635, en 1636, en 1835 (*) et en 1887; ils auraient
parfaitement pu ensevelir un château situé dans ce. territoire, et barrer
le Rhône comme lors du désastre du Tauredunum.
Mais un éboulement survenu'si haut dans la vallée du Rhône, en
amont de la cluse de St-Maurice, aurait bien difficilement eu des effets
sur le lac, tels que ceux décrits par les chroniqueurs;, le désir de satisfaire
aux récits de Marius et de, Grégoire dans ce qui touche à l’inondation
des bords du Léman, a fait chercher remplacement, du Tauredunum
plus près du lac.
Parmi les nombreux cônes d’éboulement qui se rencontrent tout le
long et des deux côtés de la vallée du bas Rhône, c’e s t celui de la Dé-
rotsefiia ou des Ivouettes, entre Monthey et la Porte du Sex, quia le plus
attiré l’attention des historiens-naturalistes. En effet,la plaine du Rhône,
entre Chessel, Noville et Chambón, du reste fort large et fort horizontale,
est parsemée au devant d’un chenal d’éboulement très évident,
par un grand nombre de petites collines, de quelques mètres de hau-
(') Chanoine Boccard. Histoire du Valais, p. 380. Genève 1844.
• (2) Ch.-L. de Bons. Géographie du Valais, p, 182. Sion 1854.
(3) F. de Gingins. Recherches sur quelques localités du Bas-Valais et Sur l’éboulement
du Tauredunum en 563. Mém. in nat. Genevois III, 1856.
(4) V. la description de Javelle d’après des témoins oculaires, Echo des Alpes 177
Genève 1870. Voir aussi F.-A. Forel, l’éboulement du glacier de 1’Altéis Archives
de Genève XXXIV, 526. Genève 1895.
teur, irrégulières, dispersées comme au hasard, ne constituant ni ligne
continue, ni barrage complet; cette formation ressemblerait peut-être
aux moraines frontales déposées par un glacier, et V e n e tz les a décrites
sous ce titre. Mais tous les auteurs subséquents sont d’accord
pour y voir les débris d’un éboulement.
C’est là que le Doyen B r id e le n lS lô Q , Rod. B la n c h e t en l8 4 3 (2),
A. M o r lo t et F. T ro y o n en 1853 et 1 8 5 4 0 , E. de V a lliè r e 0 ,
Albert Dava-110, Georges B é ra n e c k («), Silvius C h a v a n n é s ( 7) et
d’autres placent le château du Tauredunum et la catastrophe qui l’a
détruit. Pour répondre aux objections q u e .j’avais présentées(8), de
V a lliè r e et B é r a n e c k font diviser i’éboulement en deux parts, l’une
tombant sur la plaine du Rhône, et détruisant Tauredunum, l’autre
tombant dans le lac, et causant les inondations de Genève. D a v a l l
enfin ne veut qu’un ébqulement, celui des Ivduettes, mais il le fait
tomber dans le lac qui.se serait alors avancé jusque vers Monthey.
L’objection que j ’ai présentée en 1876 à l’opinion régnante alors, que
les inondations de Genève auraient été causées par la rupture d’un lac
temporaire, a été généralement admise. J’ai montré que, quelle que fût
la grandeur d’un lac retenu derrière un éboulement, son écoulement
n’a pas lieu instantanément et la crue d’un lac aussi considérable que
le Léman ne peut en rien avoir été subite. Le lac temporaire de Giétroz
en 1818, de 14 millions de mètres cubes, a mis 35 minutes à se vider.
Une crue du Léman qui durerait une demi heure ne saurait surprendre
des hommes et noyer des bourgeois, des desservants d’église et des
troupeaux, ravager des villages et détruire des églises. La superficie
du Léman est de 582k“ 2 ; une crue d’un mètre suppose donc un
apport exceptionnel de 582 millions de mètres cubes. Or un lac tem-
(J) Recherches sur les chutes, et éboulements de montagnes en Suisse. Conservateur
Suisse VII, 184 sq. ’Lausanne 1815.
(s) Rod. Blanchet. Hist. nat. des environs de Vevey, p. 14 sq. Vevey 1843.
(3\ Bull- S. V. S, N; III, 261; IV, .5, 37, etc.
(4) E. de Vallière. Quelques mots sur la chute du Tauredunum. Bull. S. V. S. N.
XIV, 431. Lausanne 1876.
p) Bull. S. V. S. N. XIV, 438. Lausanne 1876.
(A) Béraneck. Massif du Grammont ou question du Tauredunum. Echo des
Alpes 189. Genève 1876.
C) S. Chavannes. L’éboulement du Tauredunum. Bull. S. V. S. N. XXIV,
p. 173. 1889.
(s) Bull. S. V. S. N. XIV, 473. Lausanne T876.