Revenons à nos organismes pélagiques. — Qu’ils soient nageurs oit
flotteurs, ils sont tous de densité très rapprochée de celle de l’eau, ou
plus légers que celle-ci. Ils se soutiennent hydrostatiquement par le
fait môme de leur densité, ou ceux qui sont plus lourds par quelques
mouvements de natation. Ils sont tous d’excellents nageurs, llssontmu-
nis d’appareils très perfectionnés qui les soulèvent dans l’eau avec un
minimum de travail musculaire: bras et nageoires aux poils ou plumes
multiples, et compliqués, antennes, balanciers, appendices de toutes
sortes; grâce à ces organes, ils sont tous des nageurs de haut vol, planant
facilement, indéfiniment, sans fatigue dans l’eau. Seuls, une Vorti-
celle parasite des Anabaenas, quelques Epistylis parasites d’Entomo-
stracés, s appuient passivement sur les organismes qui les portent, ils
ne nagent pas, ils ne flottent pas: ils se laissent transporter.
En fait de moyens de protection, ou bien ils sont transparents, ou
bien ils possèdent la couleur du milieu.
La transparence est admirable chez tous les Entomostracés, la plupart
des Rotateurs, bon nombrede Protozoaires et quelques Diatomées
pélagiques. Chez les Cladocères elle est si évidente que les noms qu’on
leur a donnés l’expriment: Daphnia hyalmct, Sida cristallina, Lepto-
dora hyalina. Cependant môme dans les espèces où les tissus du corps
sont absolument pellucides, il y a presque toujours quelques points
colorés, et souvent très fortement pigmentés; l’oeil en particulier est
d’un noir brillant ou d’un rouge-brun sombre dans la plupart des Entomostracés;
les cellules graisseuses de l’abdomen sont d’un bleu
d’azur, d’un rouge ou d’un orange splendides chez Diaplomus,
Cyclops, Anapus, etc.
En revanche les algues pélagiques ne sont pas.toutes transparentes,
ou munies de couleurs protectrices. Anabaena est d’un vert-jaunâtre,
Bothryococcus d’un vert brillant, CycloteUa du jaune de diatomine!
Elles compensent par l’exubérance de leur prolification les chances de
destruction auxquelles leur éclat, ou tout au moins leur visibilité, les
condamne.
Parmi les animaux non diaphanes, les Poissons sont protégés par
les couleurs qui les ornent. Leur ventre est d’un blanc d’argent, comme
du reste celui de la plupart des Oiseaux Palmipèdes du haut iac; pour
le spectateur qui les contemple d’en bas, ils doivent, si je ne me trompe
échapper à sa vue, poyés qu’ils sont dans l’éblouissément radieux du
firmament, dominant les obscures régions lacustres. Leur dos au contraire
est d’un bleu plus ou moins nuancé d’aiguë marine qui doit les
faire disparaître à la vue de l’observateur qui les considère d’en haut;
ils se perdent dans l’azur légèrement verdâtre des eaux du lac.
J’envisage aussi bien la diaphanéité absolue de la Leptodora ou de
l’Asplanchna priodonta que la coloration, mi-partie azur et argènt de
la Féra et de l’Omble comme des faits de mimique — s’il est permis
d’étendre la signification de ce mot à une ressemblance avec le milieu
— qui protègent les animaux pélagiques de la vue de ceux qui les
poursuivent ou qui sont poursuivis par eux.
Nous avons parlé des moeurs nocturnes spéciales de certains organismes
pélagiques que les migrations journalières amènent à la
surface pendant la nuit, dans les couches obscures pendant le jour.
Ces migrations, sont, elles aussi, 'des moyens de protection en ramenant
à la limite du jour et de l’ombre les organismes qui ont intérêt à
fuir la lumière pour éviter la dent des Poissons et des Entomostracés insectivores.
Nous ne connaissons avec certitude ces migrations que
chez les Entomostracés, les Rotateurs, et aussi'che z les Poissons
pélagiques à régime strictement insectivore, comme les Corégones.
C’est pendant la nuit que les Féras viennent chasser à la surface les
Entomostracés dont elles se nourrissent; durant le jour elles les poursuivent
dans les eaux moyennes.
Quant au régime alimentaire des organismes pélagiques, voici ce
que je puis en dire.
Sont carnivores, ou plus exactement piscivores, la plupart des Oiseaux
Palmipèdes, Grèbes, Plongeons, Harles, etc., les Poissons carnassiers,
Brochet, Truite et Omble adultes. (Les jeunes Truites sont insectivores,
les jeunes Brochets vivent dans le littoral.)
Sont insectivores et se nourrissent d’insectes erratiques et d’Ento-
mostracés pélagiques : les Mouettes (elles sont plutôt omnivores), parmi
les Poissons les Corégones, les jeunes Truites et Ombles, la Leptodora,
le seul Cladocère qu’on puisse classer parmi les carnassiers, et enfin
les Copépodes, Cyclops e t Diaptomus. .
Sont végétariens tous les Cladocères, sauf la Leptodore;puis encore
tous les Protozoaires, que je pourrais plutôt qualifier d’omnivores, en