J’ai retrouvé cette même formation, avec un faciès un peu différent,
-dans des conditions toutes spéciales, au lac d’Annecy. Le 30 septembre
1890, nous longions en bateau, avec mon ami Delebecque, le roc de
Cheyres, entre Talloires et Menthon, roc dont le mur vertical plonge
directement dans le lac, sans qu’il y ait
trace d’une grève. A un mètre sous l’eau
je constàtai l’existence d’une corniche
horizontale, se détachant de la paroi et
s’avançant librement d’un demi-mètre à
un mètre de la muraille. C’était comme
un chemin de halage immergé (Fig.196).
Avec une rame, le seul instrument à ma
disposition, j’essayai d’en étudier la nature,;
ma rame perfora la couche friable
qui n’avait que l à 2dm d’épaisseur. J’en
ramenai quelques morceaux; c’était du
tuf lacustre. Tuf lacustre très peu consistant,
sa structure spongieuse, irrégulière,
ne montrait pas, dans les éehantil-
- <Fig. 196.) La corniche de tuf lacustre Ions que je pus saisir, la structure arbo-
_ du roc de Cheyres, lac d'Annecy. r e s c e n te ; à troncs parallèles du tuf de
Grandson tel que nous allons le décrire dans notre forme e. — Ajoutons
que l’incrustation des algues calcaires est très richement développée
sur les pierres de la beine du lac d’Annecy, aux lieux du moins
où j’ai pu l’étudier, autour de l’îlot du Roselet, entre Talloires et Duingt,
-devant la ville d’Annecy, à l’origine du canal des Thioux, l’émissaire
du lac, etc.
Formez. — L’incrustation dans les couches profondes prend une
structure arborescente et ramifiée. C’est sous la partie surplombante
de certains blocs erratiques du lac de Neuchâtel, là où le tuf lacustre
avait une épaisseur de 1 0 cm et plus, que j’ai constaté cette modification.
Tandis que les couches superficielles du tuf, celles qui sont en
•contact avec l’eau, avaient la structuré spongieuse de notre forme o,
les couches profondes se présentent comme de petites colonnettes
cyndriques de 3 à 5 à 10mm d’épaisseur, ramifiées, les troncs décroissant
-de volume de leur insertion profonde sur la pierre à leur terminaison
dans la couche spongieuse. Je puis les comparer aux troncs des arbres
-d’une forêt dont la couche spongieuse d’incrustation calcaire représenterait
le, dôme de verdure, la frondaison et la foliation supérieures.
De même que l’air baigne de toutes parts le tronc des arbres de la
' forêt, de même l’eau Circule autour des troncs et des branches.du tuf
lacustre. (Fig. 197).
La couleur du tuf spongieux
varie du gris sale de la vase, au
vert plus ou moins brillant des
algues. La partie colonnaire est
jaunâtre avec des teintes rougeâtres
ou brunâtres; une section
des colonnettes montre une
structure en veines concentriques,
de teintes différentes. L’é-
corce de ces colonnettes est
parfois d’un noir foncé. Tandis
que la partie spongieuse, friable,
s’écrasant facilement sous le
doigt, a l’apparence d’un dépôt
arénacé,' sable calcaire agglutiné
par la masse gélatineuse des algues,
la partie colonnaire est
évidemment cristalline; la coupe | - (Fig. 197.) Tuf lacustre,- structure colonnaire,.
des troilCS rappelle celle de cer- blocs erratiques de Grandson.
taines stalactites développées à
l’air libre. Cette partie colonnaire est de consistance pierreuse et a la-
dureté du tuf formé à l’air libre. Je ne sais comment expliquer la genèse
de la partie colonnaire du tuf lacustre; mais la continuité avec la
couche spongieuse est telle que cette dernière doit être à l’origine du
tuf colonnaire par une métamorphose qui est encore à expliquer.
J’ai trouvé les premiers échantillons de ce tuf le 29 août 1878 à
Estavayer, sur un bloc erratique laissé à sec par les eaux; avant
1 abaissement du lac de Neuchâtel il devait être.à un mètre de profondeur
sous les eaux moyennes. Le 18 septembre de la même année, j’en
ai trouvé à Grandson sur des blocs émergés depuis l’abaissement du
niveau du lac, et aussi sur un bloc recouvert d’un demi-mètre d’eau;
ce dernier échantillon s’était développé sous 2 à 3m d’eau.
Forme £. — Tandis que toutes les formes « à j du tuf lacustre
sont dues à l’incrustation de Rivuiariées, cette forme £ est le produit,.