une partie de la.peau et des productions cutanées, mais la partie décolorée
varie d’un individu à l’autre. Or dans nos cygnets anormaux
du Léman, c’est le plumage tout entier qui reste blanc, les autres organes
prennent toujours leur pigmentation régulière; la constance remarquable
des caractères des Oiseaux qui nous occupent est un argument
décisif contre la notion d’albinisme incomplet. Puis l’albinisme
ggE un etat maladif> c’est' une maladie congénitale qui, caractérisée extérieurement
par l’absence du pigment, influe plus ou moins sur tout l’organisme.
Les vrais albinos sont faibles, moux, paresseux; chez l’homme
1 albinisme est accompagné ordinairement par la scrophule; on sait la
lentqur et la débonnaireté des Rats blancs, des Souris blanches qui se
laissent facilement apprivoiser. Nos Cygnes anormaux du Léman ne
montrent aucune trace d e faiblesse congénitale; le développement de
leur taille est aussi rapide et aussi grand que celui de leurs frères
'anormaux; dans leurs luttes familiales, ils ne se montrent aucunement
inférieurs en force, aux Cygnes dont le premier plumage a
été gris.
J ai cependant une observation qui à première vué appuierait l’hypothèse
d’un état maladif ramenant peut-être à l’idée d’un albinisme
vrai. Un cygnet blanc, né à Nyon en 1875, était notablement plus petit
que sess frères d e là môme couvée. Mais cette différence'de taille s ’expliquait
d’autre part fort bien par une difformité du bee,(‘); la mandibule
supérieure était sensiblement plus courte que l’inférieure,: et il
devait résulter de cette inégalité une difficulté pour la préhension des
aliments, et par suite une insuffisance d’alimentation (2), '
Je crois donc pouvoir écarter positivement la notion d’albinisme
vrai, état maladif, congénital ou acquis, et laisser le nom de faux-albinisme
à nos cygnets. qui se' sont anormalement et hâtivement parés
de la livrée de l’adulte. .
• On a pensé que nous avions affaire à une forme du • Cygnus olor qui
a été décrite par Y a r r e 11 comme une espèce spéciale'C%nws immuÉ
S p ! 1 É I f S É t a eu en 18771 1 1 corvée à Treytorrens. Les deux cygnets
qui en sont nés, a plumage gris, avaient un bec parfaitement normal.
(2) Dette difformité n’est pas rare. Elle.n’est'pas nécessairement liée-au fauxen
décem0h iBe iS7RVU S® eXemple chez un jeune Cygne qui nous a visités à Morges
en décembre 1876; ses parents avaient le bec normal. D’autre part, parmi les
ygnes faux albinos que M. S a m s o n a observés à Genève, depuis 1895, l’un d’eux
une femelle, présentait la même déformation de la mandibule supérieure.
tabilisYarr.et qui est connue sous le nom de Cygne p o lo n a is ! 1). Le
Cygne polonais, comme notre Cygne faux-albinos, aurait le plumage
de l’enfance complètement blanc.
Qu’est-ce que le Cygne polonais? Voici la description qu’en donnent
les auteurs de l’Ornithologie européenne!2) : « Cycnus immutabilis
Yarr. Mâle et femelle adultes : plumage entièrement blanc comme chez
le C. mansuetus. Tarses, doigts et palmures d’un gris cendré ou verdâtre.
Jeunes sous leur premier plumage blancs comme les adultes;
le duvet dont ils sont revêtus en naissant est également d’un blanc
pur. Ce Cygne que les fourreurs de Londres désignent sous lë nom de
polish swan, Cygne polonais, parait habiter l’Europe septentrionale : il
a été observé dans la Baltique, su r les côtes de l’Angleterre et de la
Hollande. En 1837 des bandes nombreuses, selon Y a r r e l l , se sont
montrées depuis Edimbourg jusqu’à l’embouchure de la Tamise. »
Un livre populaire anglais (3), parle en 1898 du Cygne polonais.
Après avoir donné la photographie du P o l i s h S w a n , d’après un
exemplaire vivant du Z o o l o g i c a l G a r d e n , il ajoute: « Les naturalistes
semblent accepter, ou être près d’accepter que le Cygne polonais
est une espèce différente du Cygne domestique. Ils ont reçu ce
nom des pelletiers de Londres qui en obtiennent les peaux venant de
la mer Baltique. Ils sont si semblables au Cygne domestique que la
distinction des espèces a longtemps échappé aux ornithologistes, jusqu’à
ce que Ya r r e l l ait reconnu que les deux formes devaient être
séparées par le fait que les cygnets sont blancs au lieu d’être gris
comme ceux du Cygne domestique. On a donné plus d’attention à des
Cygnes étranges, qui apparaissaient de temps en temps sur les côtes
d’Angleterre, et l’on a constaté que certains vols de Cygnes sauvages
qu’on, observait sur le Medway avaient avec eux des cygnets blancs.
La différence entre les adultes des deux formes est très faible et aurait
pu être considérée comme accidentelle, mais les jeunes sont si différents
que l’on doit séparer les deux espèces. L o r d .L i l f o r d a trouvé ces
oiseaux à Corfou et aussi en Epirê pendant des hivers rigoureux; mais
l’on sait peu de chose sur le lieu de leurs nichées à l’état sauvage.
(1) c. Darwin. Ladescendance .de l’homme. Trad. J.-J. M o u l i n i é , II. 233.
Paris 1872.
(*) Degland et Gerbe. Ornithologie européenne. IV. 477, Paris 1867.
(3) Ail about animais. Hundreds ofpliotographs of beast, birds, etc. London 1898,
p. 79.