bien au sexe femelle. M. S am son, gardien des Cygnes de Genève, m’a.
dit n’avoir vu des pattes rosâtres que chez des femelles. Le cas cité
par M. K r a e p e l i n de Hambourg se rapporte à une femelle.
Jusqu’à meilleur avis, je dirai donc que notre variation faux-albinos-
n ’a été notée jusqu’à présent que chez des femelles. Qu’en sera-t-il à
l’avenir? C’est ce que les observations ultérieures nous apprendront.
Il me parait désirable de suivre à l’observation de cette intéressante
variation. Pour compléter les renseignements donnés ci-dessus,,
je me permets de solliciter des naturalistes sous les yeux desquels
cette étude passera, la réponse aux questions suivantes :
1° Quel est le nombre total des Cygnes observés?
2° Quel est le nombre moyen des cygnets de l’année ?
3° Quel est le nombre relatif des cygnets faux-albinos ?
4° Les cygnets faux-albinos gardent-ils les pattes rosâtres ou claires-
quand ils sont devenus adultes?
5° Ûbserve-t-on des faits d’hérédité de la variation? Un parent à
pattes claires donnera-t-il naissance à des cygnets au premier plumage
blanc?
6° Les Cygnes faux-albinos sont-ils lé plus souvent ou toujours d e s
femelles ?
Je serai très reconnaissant à tous les collègues qui pourraient m’em
voyer leurs observations sur les Cygnes qu’ils ont sous les yeux.
Quell est la cause de la variation que nous constatons chez nos-
FaUx-albinos, de la modification importante des caractères spécifiques
chez les Cygnes du Léman? A cette question très intéressante nous ne-
savons donner de réponse précise.
Si l’on pensait au retour à l’état sauvage sur le Grand-lac des Cygnes
longtemps domestiqués à Genève, je répondrais que les Cygnes olor
sauvages ne présentent pas cette variation; je n ’en ai du moins pas
trouvé trace dans les descriptions des auteurs. L’habitat du Cygnus-
olor est : Danemark, midi de la Suède, Russie méridionale, vallée dit
Danube, Transylvanie, Grèce, rives nord de la mer Caspienne, Turkes-
tan, Mongolie. |I1 hiverne sur les côtés méridionales de la Caspienne,
accidentellement dans l’extrême nord-ouest de l’Inde, e t dans le bassin
de la Méditerranée (*). Dans des pays aussi accessibles à l’observation
des naturalistes, le fait, s’il était normal ou fréquent, n’aurait certainement
pas échappé aux ornithologistes.
D’autres conditions générales ou locales qui auraient pu déterminer
la variation, je n’en sais pas découvrir. Le seul fait d’analogie que je
puisse indiquer est ce que j’ai déjà signalé, p. 50, au sujet de la variation
du plumage du Grèbe. Mais l’analogie est tellement éloignée, et le
fait lui-même de l’enrichissement du plumage du Grèbe par son bain
dans les eaux du Léman est tellement inexplicable que je ne puis
asseoir là-dessus une hypothèse. Je dois donc déclarer que je ne donnais
aucune cause déterminante de l'apparition chez les Cygnes du
Léman du faux-albinisme que nous avons vu être accidentel chez les
Cygnes d’autres localités (Cygnes de l’Alster de Hambourg, Cygnes du
bassin de la Couronne à Nîmes).
Les variations que l’on constate dans les espèces des êtres vivants
peuvent être divisées en deux groupes suivant qu’elles font progresser
l’organisme vers un type plus perfectionné, variations progressives,
ou qu’elles le font retourner en arrière vers un type primitif, ancestral,
variations régressives (2). Auquel des deux groupes devons-nous
rattacher notre variété pseudo-albinos des Cygnes du Léman?
Notre variété nouvelle est caractérisée essentiellement par l’apparition
hâtive de la coloration de l’adulte. A ce point de vue j’y verrais
une tendance à un progrès, car il est incontestable que la livrée de
l’adulte est, chez les Palmipèdes, plus parfaite que celle du premier
âge; l’oiséau adolescent s’orne de ses plumes qui sont un manteau plus
complet et plus perfectionné que le simple duvet du poussin. Le plumage
de l’adulte est plus richement différencié par les parures sexuelles
que celui de l’adolescent qui est presque semblable dans les deux
sexes.
Une autre considération me semble plus décisive encore. Si nous recherchons
quelle est la coloration générale des jeunes oiseaux dans les
différentes espèces du genre Cygne, nous constatons qu’elle est toujours
grisâtre. On en jugera par une caractéristique abrégée du plu-
(*) Gatalog of Birds of the British Muséum, XXVII. London 1895.
(5) C’est ce que D.-J. C u n n in g h am appelle des variations prospectives ou prophétiques
d’une part, ataviques d’autre part (Journal of Anatomy and Physiology
XXXIII, 1,1898):